• Aucun résultat trouvé

VUACTKUES DE LA SCIEXCK K.^JNOMIQUE VERS 1770 61 gables et les meilleures lois possibles, par conséquent la base

du gouvernement le plus parfait et la règle fondamentale de toutes les lois positives, car ces lois positives ne sont que des lois de manutention relatives à Tordre naturel évidemment le plus avantageux au genre humain (1). »

Les lois qui gouvernent les phénomènes sociaux sont donc pour Quesnay Taccomplissement des desseins de Dieu qui a voulu dans la création le bonheur de ITiomme. Ainsi la phy- siocratie est dominée par la préoccupation delà cause pre- mière des choses et des causes finales qui leur sont assi- gnées {2j. Sa base est essentiellement métaphysique et la conséquencaen est que, considérant Tordre naturel comme absolu, les lois naturelles comme faisant partie d’un plan idéal conçu par la Providence et comme les meilleures lois possibles, Quesnayetses disciples proclament que Thorarae ne peut mieux faire que de les laisser agir et de s’abstenir de toute intervention dans le but de les modifier ou de réparer leurs conséquences. Aussi est-ce de cette conception que Quesnay déduit la liberté économique et les droits de Tindi- vidu. Son œuvre entière est, par suite, dominée par ses idées métaphysiques et les ouvrages de tous. les Phj^siocrates en sont également pénétrés. La croyance que Dieu a voulu, par les lois qui régissent Tunivers, et en particulier les phéno- mènes économiques, assuier la félicité de Tespèce humaine,

se révèle à chaque page (3), avec ses conséquences. C’est

(1) Quesnay, Le Droit naturel, p. 5;i.

{2) H. Denis, op. cit., p. 77.

{‘^) V. Collection dnsprlncipnt.r Economistes Gulllaumin, t. II, Physiocrates, V* partie : Dupont de Nemours : Orirjine cl Progrès

d’une science nouvelle : p. 887-:^H8, 842, :Ui>, ;U7, :J5I, 854, mi. — Abrège

des principes de Véconomie politique : p. 877, ;^!. — 2’ partie: Mercier (le La Rivière, L’Ordre yiaturel et essentiel des sociétés politiques :

p, 440, 4(W, 407, 41)2, 52;>, 584, 0i)8, OU, 012, 017, 018, 02«, (>J8. — L’abbé Bau-

deau : Introduction à tu philosophie économique : p. 74î), 7HO-7ÎH), 7tJ8, 8)1, H<r.», 810, 82), 821. — Le Trosno, De Vlntérrt social par rapport

62 COXDILLAC ECONOMISTE

pourquoi M. Hector Denis caractérise cette première période de l’évolution de la science économique en disant qu’elle est celle de la constitution métaphysique de la sociologie écono- mique statique (1).

Ce caractère du premier système d’économie politique était d’ailleurs fatal, comme nous l’enseigne Thistoire générale des sciences. L’économie politique s’était séparée trop récem- ment de la philosophie pour qu’elle ne présentât pas des traces de sa longue et intime union avec elle : les Phs^sio- crates se nomment encore eux-mêmes les Philosophes écono- mistes^ et leur œuvre Is. Philosophie économique.

Quand une science naît, c’est-à-dire à l’époque où elle

devient une branche distincte du savoir humain, elle est tou- jours imprégnée de métaphysique : telles les mathématiques avec Pythagore, la physique avec Galilée et Descartes, la morale de nos jours (2). Mais elle tend constamment à s’af- franchir de ce caractère, à rejeter et à abandonner aux phi- losophes les questions qui ne sont pas d’ordre strictement positif. Le progrès opère en elle d’autant plus vite, que cette tendance s’accentue. Toutes les sciences nous en offrent la preuve : « les mathématiques avec Archimède et Euclide, l’astronomie avec Kepler et Ck)pernic, la physique avec Gali- lée, Huyghens et Newton, la chimie avec Lavoisier, la biolo-

àla valeur^ à la circulation, à Vinduslric et au commerce intérieur

cl extérieur : p. 887, 888, IWG, «88, î)08, 1022. Il eût été sans doute très intéressant de démontrer le bien fondé de cette affirmation d’une façon plus approfondie et de l’appuyer par des citations, mais les développe- ments auxquels nous eussions été entraînés eussent dépassé de beau- coup les limites de ce chapitre.

(1) V. II. Denis, op. cit., p. î).

(2) Ribot, op. cit.. Introduction : « Dans ces derniers temps la morale a aussi réclamé son indépendance. (Constituer la théorie des droits et des devoirs de Thomme sans rien demander non seulement à la religion, mais h la philosophie ; poser la morale à titre de science première et cjui ne relève que d’elle-même, l’affranchir de la nécessité préalable d’une doctrine métaphysique dont «lie ne serait que la conséquence : telle est la tâche qu’ont poursuivie quelques contemporains. »

CARACTÈRES DE h\ SCIENCE ÉCONOMIQUE VERS 177G G3 gie avec Bichat et les contemporains, la science du langage avec Bopp et Max Muller (1) ». L’histoire de Téconomie poli- tique nous montre qu’elle n’a point échappé à cette évolu- tion (2). Depuis les Physiocrates, son indépendance vis-à-vis de la métaphysique s’est accrue de jour en jour et ses progrès ont suivi parallèlement (3).

# •

Il nous est maintenant facile d’apprécier à quelle phase de son développement était parvenue l’économie politique au moment où Le Commerce et le Gouvernement considérés rela- tivement Vun à Vautre intervint. En réalité, elle se trouvait encore dans ce premier état qui suit immédiatement la cons- titution de toute science et dont le caractère essentiel, consé- quence nécessaire de la nouveauté de cette constitution, est la prédominance de l’élément métaphysique. Elle était, comme les contemporains des Physiocrates et les Physiocrates eux- mêmes l’appelaient, dans toute la force du terme, une science nouvelle.

Les théories économiques de Gondillac rentrent-elles dans cette phase ou marquent-elles un progrès ?

La question n’est pas douteuse : à la première lecture du

Commerce et du Gouvernement^ l’esprit la résout affirmative- ment. Le progrès est en effet réel, en ce sens que la tendance à séparer l’économie politique de la métaphysique est très nettement indiquée. Certes la séparation n’est point déjà

absolue : une analyse précise des éléments de l’économie condillacienne distinguerait évidemment des traces métaphy- siques ; mais la comparaison avec les œuvres des Physio- crates démontre clairement le progrès très net qui s’est opéré.

(1) Rlbot, op* cit. y Introduction.

(2) V. Denis, op. ciY.

(8| Ibid.

CA cosdiujlc économiste

Il faut remarquer que Touvrage de Condillac présealc ce caraclêre indiscutable, d’être dans sa seule première partie un exposé élémentaire mais systématique de la science éco- nomique dans son ensemble. 11 n a pas à ce point de vue le caractère fragmentaire si commun parmi les productions contemporaines. Et c’est précisément à cause de cela que le progrés est certain, qu’il est aussi d’autant plus grand.

Que ce soit précisément le philosophe que l’on a appelé (l) le métaphysicien du xviir siècle qui ait été l’auteur de ce progrès, cela pourrait à priori paraître paradoxal à qui serait ignorant du caractère du Commerce et du Gouvernement et des principes généraux de la philosophie condillacienne.

En réalité, dans la philosophie môme, C^ondillac condam- nait formellement l’étude des grandes questions métaphj’’- siques que le langage de l’Ecole classe sous le nom d’Onto- logie (2). « Il vous paraîtra peut-être étonnant, dit-il au prince de Parme en terminant son Histoire moderne (3), que j’aie oublié de faire l’histoire de la métaphysique : c’est que je ne sais pas ce qu’on entend par ce mot Si la métaphysique est ce ramas d’idées abstraites et générales telles que l’être, les substances, les principes, les causes, les relations et d’au- tres semblables qu’Aristote avait condensées dans un traité préliminaire c’est alors une science où l’on se propose de traiter de tout en général avantd’avoir rien observé en parti- culier, c’est-à-dire déparier de tout avant d’avoir rien appris:

science vaine qui no porte sur rien et qui ne va à rien. » Il proclame qu’il ne peut y avoir de science que de ce qui tombe

sous les sens, et la philosophie, pas plus que toute autre

(1) V. C(yu.sin, Cours de Vhlsloira de la philosophie moderne. Paris, lK4r>; Ladrange et Didier, édit. — 1" série, t. 111, p. 88.

(•2) V. Picavet, Condill’tc, Trailôdcs Sensations. Paris, 1885 ; Delà- grave, édit. liitrodiirlion, p. cviii.

(3) (K livres cowplèles. Paris. 17ÎW : rii.IIouel, édit.— T. XX, chap.xii, livre dernier, j». ^i^fi.

CAKACTÈIŒS DE LA SCIENCE ÉCONOMIQUE VERS lv7G 6ô branche des connaissances humaines, ne saurait échappera cette loi. Si Ton considère rensemble de l’œuvre philosophique de Gondillac, elle apparaît surtout comme psychologique

et logique : elle n’est métaphysique qu’en ce qu’elle affirme l’existence de Dieu, de Tame et du monde extérieur, mais en proscrivant rigoureusement toute recherche de leur essence, qui restera toujours impénétrable à l’esprit humain.

En soutenant que nous ne pouvons connaître des corps que les rapports qu’ils ont avec nous et en assignant comme uni- que but à la science la connaissance des phénomènes et de leurs liaisons, Condillac se rapproche singulièrement de la conception positiviste. La remarque en a déjà été faite :

« Personne n’a proclamé avec plus d’énergie que Condillac, a-t-on dit (1), le principe de la relativité de nos connaissances qui forme le fond de la doctrine d’Auguste Comte. » Auguste Comte, d’ailleurs, reconnaîtlui-même s’être inspiré de Condor- cet, disciple fidèle de Condillac (2).

Toute science ne doit donc se proposer d’étudier que les phénomènes et les lois qui les régissent : elle ne doit point viser au delà. La recherche des causes premières, des prin- cipes premiers est condamnée à rester stérile : « des faits cons- tatés, voilà proprement les seuls principes des sciences (3). » L’analyse du Cornmevceet du Gouverncmcnl àé\wç)x\\.VQ avec évidence qu’en traitant la science nouvelle, Condillac est resté Adèle à cette conception. En vain y chercherait-on quelque tentative d’explication des phénomènes sociaux qu’il étudie par l’intervention d’un Etre suprême, comme dans lesœuvres des Physiocratcs (4). Sa doctrine économique ne suppose

(1) Picavet, op. ci t. y p. cix, en note.

(2) V. Auguste Comte. — Catéchisme poslUvisle. Préface.

(3) CondiUac, Œuvres complètes. Paris, HOS ; Ch.llouel, édit. T. II. - Traité des Systèmes^ cliap. i. — Cf. Claude Bernard, Introdaclion à la.

médecine avpéri mentale. V’dTiii, Dela«?ravc, rrlit. 1878. —l’» édition, 1805.

(4) Voir plu."* haut, p. (U, noîe n.

Le»i:.vu 5

6(> CONDILLAC ÉCONOMISTE

expressément aucune théorie métaphysique ; à cet égard, il devance même Adam Smith (1).

Il constate, par exemple, que l’intérêt personnel, moteur principal de l’activité économique, tend à recevoir satisfac- tion, dans les meilleures conditions possibles, par Teflfet de la concurrence, sous un régime hypothétique de liberté absolue;

et comme, par suite de la nécessité de Téchangctous les mem- bres d’une société sont réciproquement vendeurs et ache- teurs, tous réalisent ainsi leur avantage. Mais il ne cherche point à expliquer cet accord de l’intérêt personnel et de l’intérêt collectif par l’intervention de la Providence ou, comme l’auteur de la Richesse des nations^ en disant que

« l’homme est conduit par une main invisible pour remplir une fin qui n’entre nullement dans ses intentions (2) ».

De même, en donnant au droit de propriété foncière une base civile, il se sépare des Ph3^siocrates qui voyaient en lui une institution d’origine divine. Jamais, enfin, il ne présente l’ordre social comme soumis à des lois providentielles et immuables : il admet plutôt, dans une certaine mesure, que les sociétés sont soumises à une évolution fatale (3) qui entraîne des modifications dans les lois qui les régissent (4).

Il donne aussi plus de souplesse que les Physiocrales à ses théories économiques en les restreignant à la considération des faits sensibles et des idées abstraites uniquement basées sur ces faits.

Mais il est juste de remarquer que quelques années aupa- (1) V. Denis, op. cit., p. 107, 176.

(2) Adam Smith, Recherches sur la nature et les causes de la

Richesse des nations. Trad. Germain Cîarnier. Paris, 1851) ; GuiUaumin, édit. Liv. IV, chap. ir, p. î2U9.

(8) V. Condillac, Œm^res rojnplcfes.--T.X: Histoire ancienne, liv. lY.

— Des lois, cliap. xvi, p. 5’25. — T. IV: Le Commerce et le Gouverne- liicnl, 1" partie, eh. vu, p. 01 et suiv,

(4) V. Dewaule, Condillac et la Psi/cholof/ie anglaise contemporaine, tlièse de la Faculté des lettres de Paris. Paris, 1891 ; Alcan, édit. — V. p. 200 et suiv., 2H2 et suiv., :a:J-:n4.

CARACTÈRES DE LA SCIENCE ÉCONOMIQUE VERS 1776 67 ravant, en 1769, Turgot,dans ses Réflexions sur la formation et la distribution des richesses^ïix^ii déjà secoué le joug de la métaphysique physiocratique et, comme on Ta dit (1), dégagé Téconomie politique de la conception de l’ordre naturel en cherchant dans un fait de psychologie individuelle le prin- cipe de la science. C’est ce même progrès qui fut de nouveau réalisé, sept ans après, par Condillac avec plus d’ampleur dans Le Commerce elle Gouvernement^ ouvrage d’ensemble, systématique, qui n’a pas le caractère bref et fragmentaire (2) des Réflexions sur la formation et la distribution des

richesses (3).

L’on ne saurait faire une objection à notre thèse de ce que, dans divers autres traités philosophiques, Condillac ait paru se rapprocher de la conception physiocratique des lois natu- relles. En effet, outre qu’une analyse exacte mettrait en relief des différences fondamentales, ce qui constitue à nos j^eux le progrès réalisé dans Le Commerce et le Gouvernement^

c’est d’avoir soigneusement évité, en traitant la science éco- nomique, toute considération de la cause première et des causes finales (4), d’en avoir exclu la conception métaphy-

(1) V. H. Denis, op. cit., p. 108.

(2} Le traité de Condillac, en effet, quoiqu’il paraisse inachevé d’après le plan annoncé par l’auteur dans sa préface, n’a pas, au regard de l’en- semble de réconomie politique, ce caractère fragmentaire des Réflexions sur la formation et la distribution des richesses : à ne considérer

même ciue la première partie du Commerce et du Gouvernement^ on voit qu’elle forme un exposé relativement complet des principes de la science.

(8) « Turgot nous apprend lui-môme qu’en écrivant ce traité , il ne

pensait pas à le publier et que ce n’était qu’une simple lettre .servant de préambule à des questions sur la constitution économique de la Chine adressées à deu\ Chinois auxquels il .se proposait de donner des notions générales pour les mettre en état de répondre à ces questions. » (Passage d une lettre de Turgot à son ami CaillarJ, 5 mai 1774.) Cité par L. llobi- neau, dans son volume sur Turgol de la Pelife bibliothè(iue économique Guillaumin. Paris, Guiliaumin, édit. Introduction, p. xviii.

(4) « Le savant, quoi qu’il en ait, ne peut en formuler l’hypothèse sans renoncer au principe qui fait la sécurité de ses recherches et transgres-

08 COXDiLÎ.AC KCOXUMJSTK

siquc de Quesnay et d’avoir cHiidic} les phénomènes écono- miques sans en chercher l’explication ailleurs que dans la nature physique et psychologicjue de l’homme vivant en société. Or il n’est pas douteux que ce progrés ainsi défini, Condillac l’ait réalisé.

ser les limites du champ de la science positive en p(*nétrant dans celui de la mélapliysiciue. » — Le Problèvio des causes finalcsy par Sully- Prudhomme et (.’iiarles Kicliel. Paris, V.t)2; Alcan, cdit. — Critique (la Concept finulislc et d" ses applications a la science^ par Sully- Prîidliumme, p. 1U5.

CHAPIÏUE DEUXIÈME

» f

CABACTERES GENEIIAL’X DE LA SCIENCE ECONOMIQUE A L EPOQUE OU

PARUT Le Commerce ni le Gourerncmenf, — les progrès qu’il RÉALISA.

iSuile.)

Le domaine que les Physiocrates réservent à la science économique est infiniment plus vaste que celui qu’on lui reconnaît aujourd’hui. Les limites en sont d’ailleurs, dans leur œuvre, tn^s imprécises. Non seulement, en effet, ils con- sidèrent l’Economie politique proprement dite, mais encore, bien que le point de vue économique domine, la science so- ciale tout entière. Sous l’empire do leurs conceptions téléolo- giques, ils allient intimement le Droit naturel et la Morale sociale, la Politique et le Droit constitutionnel à l’Economie politique. C’est ainsi que X^Physiocratie (I), recueil des prin- cipaux écrits de Qucsnnj’*, « (jui constituent dans leur en- semble le corps de sa doctrine (t2) », (lé])nte par son TraUé du droit nafurel et contient ses Maximes générales du gouver- nement économique d^ un royaume agricole où nous lisons ces préceptes que la science économique ne saurait mainte- nant revendiquer comme siens: «que l’autorité souveraine

(1) La Phtjsiocrallcou ConslUaiion naiurcUc du (jouvcrncincnllc

plus inuinUKjeu.r au genre ft utn il:i. I.oyde et Taris, 17()7-n(>S, ‘2 vol.

in-8*.

— Le titre même d(* cet onvraî^e, (l(Hit IVditeiir lut Dupont de Nemours, est signifîeritif i\ notre point de vue.

\’l\ Eugène Dîiire, t. II de la CoUcdfon d.M principaux EcononiislCH Guillauminy p. 1.

70 CONDILL.\C ÉCONOMISTE

soit unique et supérieure à tous les individus de la société et à toutes les entreprises injustes des intérêts particuliers ; que la nation soit instruite des lois générales de Tordre natu- rel qui constituent le gouvernement le plus parfait (1). » Or ces ouvrages sont bien, aux yeux des Physiocrates et de leurs contemporains, Texpression de la Science nouvelle : « ils sont, dit Dupont de Nemours, intimement liés et forment un ensemble complet comme les racines, le tronc, les branches et les feuilles d’un arbre fécond et vigoureux fait, j’ose le dire, pour durer autant que le monde et pour enrichir par des fruits toujours abondants les hommes qui voudront en pro- fiter (2) ; » et plus tard, encore, il devait écrire à Jean-Baptisle Say : « Quesnay n’eût-il écrit que cette vingtaine de pages qui sont à la tête de la Pliysiocralie (3) aurait fiiit et fondé notre science, la votre, et ne nous aurait laissé qu’à en expo- ser les détails; il mériterait l’éternel honneur desphilosophes, des gens de bien, de tous les peuples dignes d’aimer et

d’avoir la liberté. 11 a posé les fondements du temple de cette noble déesse, il en a construit les gros murs. Nous et vous y avons mis des corniches, des fleurons, des astragales, quelques chapiteaux à des colonnes qui étaient debout (4). » C’est ainsi encore que l’un des exposés les plus complets

(1) Maximes I et II, Collection des pvincipauv Economistes Guil- lauminy t. II, p. 81.

(•2) Dupont de Nemours, Cotlcct. des prlncip. Econ. Gnillaumln, t. II, p. 79.

(3) L(* Droit naturel.

(4) Lettre de Dupont de Nemours à Jean-Baptiste Say (Collection des princip. Econ. (Tuillaumin, t. II, p. 31H3). Cette lettre fut écrite le 28 avril 1815, à bord du Flnfjal. Ancien secrétaire du gouvernement provisoire qui avait préparé le retour des Bourbons, Dupont de Nemours se résigna à s’expatrier en Américiue, malgré son i;rand âi^e et les tristesses de l’exil, lorsque Napoléon l"‘ revint de l’ile d’Elbe, « ne voulant pas, disait-il, être exposé, comme une courtisane ou comme un courtisan, à passer, en un jour, d’une main ix l’autre ».

CARACTÈRES DE LA SdENCE ÉCONOMIQUE VERS 1770 71 de la doctrine phj^siocratiquc ( l), L Ordre natw^el et essentiel des sociétés politiques de Mercier de La Rivière, dans lequel est établie la célèbre théorie du Despotisme légal, embrasse tout ce qui, depuis xVuguste Comte, est connu sous le nom de Sociologie (2) ; que la Preinière introduction à la Philoso- phie économique (3) de l’abbé Baudeau, dont Fauteur dit lui- même qu’elle « contient les définitions fondamentales , le résumé général ou le coup d’œil presque universel de la doc- trine économique (4) », comprend plusieurs chapitres traitant particulièrement de droit constitutionnel, depolitiqueet d’ad- ministration, de morale sociale, tel que le chapitre VI intitulé

« Anal3’’se des relations politiques d’intérêt général et parti- culier entre fcs hommes et les sociétés (5) », avec des sous- titres ainsi conçus : « Analj^se morale de la politique publique et privée en deux espèces totalement différentes (fî) », « Du Despotisme arbitraire asiatique (7) », « Principes fondamen- taux des monarchies économiques (8) », « Analyse des Etats mixtes comparés à la Monarchie économique (9) », etc.

C’est ainsi enfin que Dupont de Nemours, dont nous avons

cité l’opinion sur le Droit naturel de Quesnay, écrivait ces lignes caractéristiques dans la lettre à Jean-Baptiste Saj’ à

(1) VOi’dre naturel cl essenlicl des sociéics pollliqucs. Paris 1707, eQ un vol. in-4« et deux vol. in-12. Dans l’édition d’Euj^ène Daire fl. II, de laCoIlect. Guillaumin) les ‘H) i)remiers chapitres de cet ouvrage ne sont

pas reproduits : on n’y trouve (lue ceux q«»i traitent de l’Economie poli- tique proprement dite.

(t>) Cf. Hector Denis, Histoire des syslèmcs économiques cl socia- listes. Bruxelles, Ch. Rozez, édit., p. IH.

(8) Première introduction à la Philosophie économique^ ou Ana-

(8) Première introduction à la Philosophie économique^ ou Ana-

Documents relatifs