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Chapitre II. Le cancer colorectal

2. La voie de signalisation STAT3

2.3. La voie STAT3 dans le cancer

Parmi les différents membres de la famille des STAT, STAT3 est celui qui est le plus

souvent corrélé à la tumorigenèse et est considéré comme un oncogène (Bromberg et al., 1999).

Contrairement à l’activation transitoire de la voie STAT3 dans les cellules normales, STAT3

est continuellement activé dans de nombreux types de cancer, tels que les lymphomes (Yu et

al., 1997), les mélanomes (Niu et al., 2002a), les cancers colorectaux (Corvinus et al., 2005),

du pancréas (Wei et al., 2003a) et du poumon (Alexandrow et al., 2012).

L’augmentation de la phosphorylation de STAT3 n’est pas due à des mutations

activatrices dans STAT3 mais à l’abondance de facteurs de croissance dans l’environnement

tumoral. Différents mécanismes tumorigéniques, tels que l’activation d’oncogènes,

l’inactivation de gènes suppresseurs de tumeur, la dérégulation de l’expression de récepteurs

en amont (EGFR,…), ou des mutations activatrices des protéines JAK (Johnston and Grandis,

2011), peuvent déclencher l’activation de la voie STAT3 ou la libération de médiateurs

inflammatoires de façon autocrine (Jarnicki et al., 2010). STAT3 peut également être

phosphorylé directement dans les cellules cancéreuses par des tyrosines kinases cytoplasmiques

appartenant à la famille des SFK telles que Src, Lck, Hck, Lyn, Fyn et Fgr (Silva, 2004).

L’activation de STAT3 peut aussi être due à des mutations dans des protéines régulant

négativement la voie, comme l’extinction de l’expression de SOCS3 par l’hypermethylation

des ilots CpG de son promoteur (He et al., 2003).

STAT3 agit principalement en activant la transcription de gènes cibles impliqués dans

la prolifération, la survie, l’angiogenèse et la formation de métastases.

L’activation de la voie STAT3 peut favoriser la croissance tumorale en induisant la

transcription de gènes cibles impliqués dans la transition du cycle cellulaire de la phase G1 vers

la phase S dans différents cancers et notamment le cancer colorectal (Figure 13) (Bollrath et al.,

2009). On retrouve parmi ces gènes cibles la cycline D1, la cycline B, c-Myc, et Cdk1 (Jarnicki

et al., 2010). La cycline D1 peut s’associer aux protéines cdk4 et cdk6 et contrôler la progression

de la phase G1 à S. Le facteur de transcription c-Myc est, quant à lui, capable d’induire la

prolifération à travers la régulation de la transcription de différents acteurs du cycle cellulaire

tels que les Cdk, les cyclines, mais aussi les facteurs de transcription E2F (Bretones et al., 2014).

Des cellules transformées avec une forme active et constitutivement dimérisée de STAT3

montrent ainsi un niveau de transcription de c-Myc et de la cycline D1 trois à cinq fois supérieur

(Bromberg et al., 1999). L’inhibition de la voie STAT3, par des inhibiteurs des protéines JAK

ou l’utilisation de siRNA dirigés contre STAT3, inhibe en revanche la croissance tumorale,

ainsi que l’expression de la cycline D1 et de c-Myc, dans différents cancers (Zhao et al., 2011).

Figure 13 : Interaction de STAT3 avec le cycle cellulaire.

Le cycle cellulaire est un processus qui peut se décomposer en quatre phases. Au cours de la phase G1,

les cellules effectuent leur métabolisme normal et se préparent pour la phase suivante, la phase S. Au

cours de celle-ci, les cellules répliquent leur ADN. Les cellules vont ensuite continuer à exercer leurs

fonctions lors de la phase G2, puis se diviser au cours de la mitose (phase M). La voie STAT3 peut

accélérer ces changements de phase en contrôlant l’expression de différentes protéines impliquées

dans sa régulation.

La voie de signalisation STAT3 contribue également à la tumorigenèse par l’induction

de la transcription de protéines anti-apoptotiques, telles que la survivine, Bcl-xL, Bcl-2, Mcl-1.

L’inhibition de la voie STAT3 inhibe l’expression de ces protéines et peut induire l’apoptose

(Yu and Jove, 2004). Le facteur de transcription STAT3 favorise de plus la survie des cellules

par l’induction de l’expression, en collaboration avec HSF1, de différentes HSP, notamment

HSP70, HSP90 et HSP110 (Olszak et al., 2014; Stephanou et al., 1998; Zorzi and Bonvini,

2011).

La voie STAT3 peut favoriser l’angiogenèse. STAT3 peut ainsi réguler l’expression du

VEGF dans différents cancers (Niu et al., 2002b; Wei et al., 2003a; Wei et al., 2003b). STAT3

est de plus impliqué dans la régulation de l’expression du facteur de transcription HIF-1α, et

ainsi indirectement dans celle du VEGF. STAT3 peut interagir directement avec HIF-1α et être

recruté sur le promoteur du VEGF en condition d’hypoxie (Jung et al., 2005). L’inhibition de

STAT3 bloque l’expression d’HIF-1α et du VEGF, inhibant ainsi la croissance tumorale et

l’angiogenèse (Xu et al., 2005).

Les gènes cibles de STAT3 comportent finalement différents membres de la famille des

MMP (MMP1, MMP2 et MMP9), conférant à cette voie de signalisation des fonctions

métastatiques (Dechow et al., 2004; Tsareva et al., 2007; Xie et al., 2004). L’activation de

STAT3 corrèle avec les capacités invasives et la formation de métastases dans de nombreux

cancers et est associée à un mauvais pronostic (Jarnicki et al., 2010).

3. Expression d’un mutant d’HSP110, HSP110ΔE9, dans les cancers

colorectaux de type microsatellite instable

Notre équipe, en collaboration avec celle du Dr Duval (INSERM U938) a identifié

HSP110 comme une nouvelle cible de mutation fréquente dans les lignées cellulaires et les

tumeurs de cancers colorectaux de type MSI. Cette altération, que l’on peut retrouver sur les

deux allèles et dans 100% des tumeurs colorectales primaires MSI, est la mutation la plus

fréquente retrouvée dans ce type de cancer par rapport à toutes celles précédemment décrites.

Cette mutation, dans la séquence répétée T17 de l’intron 8 du gène d’HSP110n’est pas

retrouvée dans les lignées et les tumeurs primaires MSS et conduit à l’expression d’une forme

tronquée d’HSP110, nommée HSP110ΔE9, en raison du « skipping » de l’exon 9 de la protéine

et de l’apparition d’un codon stop prématuré.

Ce mutant est uniquement composé du domaine de liaison à l’ATP de la protéine et agit

comme un dominant négatif. Il interagit ainsi dans un ratio 1:1 avec HSP110 et inhibe ses

fonctions chaperons et anti-agrégations. Les acides aminés ASP633, GLN707, et GLU708,

localisés dans le domaine de liaison du peptide d’HSP110, sont essentiels pour cette interaction

(Collura et al., 2014). HSP110ΔE9 est capable de séquestrer HSP110 WT dans le cytoplasme,

en inhibant sa localisation nucléaire. Son expression dans des lignées de cancers colorectaux

sensibilise les cellules à l’apoptose induite par différentes molécules utilisées en chimiothérapie

et diminue la croissance tumorale dans des modèles de xénogreffe de souris.

Les cancers colorectaux de type MSI présentent un meilleur pronostic mais montrent

une mauvaise réponse à la chimiothérapie basée sur le 5-FU. De façon intéressante, les patients

avec un fort niveau d’HSP110ΔE9 montrent une meilleure réponse à la chimiothérapie et une

meilleure survie à 5 ans (Dorard et al., 2011). Plus la délétion est importante (>4pb) dans le

microsatellite d’HSP110, plus l’expression d’HSP110 diminue, alors que celle du mutant est

stable. Les patients au stade II ou III avec une délétion supérieure à 5pb ont ainsi une excellente

réponse à la chimiothérapie. L’expression d’HSP110ΔE9 chez les patients en stade II ou III et

non traité à la chimiothérapie ne présente cependant aucun bénéfice pour la survie. L’effet

d’HSP110ΔE9 semble donc uniquement chimio-sensibilisant (Collura et al., 2014). Ces

résultats sont également confirmés par une autre équipe, celle-ci montre en effet une association

entre le pronostic et l’expression d’HSP110 dans ces tumeurs (Kim et al., 2014).

De façon intéressante, la mutation de l’intron8 d’HSP110 est associée à la mutation de

BRAF V600E. La méthylation du promoteur de MLH1, et la mutation de k-Ras, ne montrent

cependant pas de corrélation (Markovic et al., 2013).

Chapitre III. Rôle d’HSP110 dans la différenciation des monocytes en

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