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Comme nous venons de le voir, le rôle du cil dans la régulation des voies de

signalisation Hedgehog et PDGFRα au cours du développement est bien établie. Cependant,

le rôle du cil dans la régulation des processus associés à la transduction des signaux de la voie Wnt et plus particulièrement ceux associés à la voie non canonique ou polarité planaire cellulaire (PCP) reste controversé (Wallingford and Mitchell, 2011). Les protéines Wnt sont des morphogènes, c'est-à-dire des molécules qui diffusent selon un gradient de concentration et spécifient différents types cellulaires ou différentes régions de l’organisme en fonction de la concentration.

Elles sont nécessaires :

1- En tant que régulateur de la transcription des gènes cibles impliquées dans la différenciation et la prolifération cellulaire, c’est la voie Wnt canonique.

2- Pour apporter une information directionnelle en générant des signaux locaux entrainant des modifications morphologiques de la cellule nécessaires à la polarité cellulaire, c’est la voie Wnt non canonique.

4.3.1 - Le cil primaire et la voie Wnt canonique

La voie Wnt canonique ou voie de la ββ-caténine est activée lorsque les ligands de la

famille des glycoprotéines Wnt se lient à leurs récepteurs à sept domaines transmembranaires, Frizzled (Fz). Cette étape s’accompagne de la phosphorylation des corécepteurs LRP5 ou LRP6 et du recrutement de l’Axine et de Dishevelled au niveau du récepteur. Ces protéines

forment un complexe qui empêche la phosphorylation de la β-caténine par la GSK-3 et donc

sa dégradation par le protéasome. La β-caténine est une protéine impliquée dans les jonctions

intercellulaires des tissus épithéliaux et sa forme cytoplasmique n’est stabilisée qu’en réponse à la signalisation Wnt. Une fois stabilisée dans le cytoplasme, elle est transportée dans le

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Kif3a+/- BAT-gal Kif3a-/- BAT-gal



noyau où elle s’associe aux facteurs de transcriptions LEF/TCF et initie la transcription des gènes cibles de la voie (Figure 23) (Baron and Kneissel, 2013).

Plusieurs études montrent que le cil joue un rôle dans la signalisation Wnt non canonique. Par exemple, les souris invalidées pour le gène ciliaire Kif3a ne forment pas de cils et ont une signalisation Wnt non canonique fortement augmentée (Corbit et al., 2008). L’hyper activation de la voie est également observée dans les fibroblastes et les canaux

mammaires des souris mutantes Ift88orpk/orpk (mutant hypomorphe, cil plus courts) (Figure

24), les cellules souches embryonnaires dépourvues de la protéine ODF1 (protéine associée

au corps basal) et dans les cellules rénales des souris mutantes pour le gène Ift20 (Ko conditionnel, pas de cils) (Corbit et al., 2008; Jonassen et al., 2008; McDermott et al., 2010). L’hyper activation de cette voie n’est pas restreinte aux mammifères puisqu’une étude réalisée chez le poisson zèbre (perte de fonction par injection de morpholino) montre que la protéine Nphp4 réprime la voie Wnt/β-caténine dans le cloaque du poisson zèbre où les cils sont plus courts (Burcklé et al., 2011).

L’ensemble de ces travaux présente le cil comme un régulateur négatif de la voie Wnt canonique et une étude récente révèle qu’il pourrait agir sur la signalisation en séquestrant des régulateurs positifs de la voie. La Joubérine, produit du gène Ahi1, qui est muté dans le

syndrome de Joubert (une ciliopathie) est associée au corps basal ou elle co-localise avec la

β-caténine et à l’axonème. Les souris mutantes pour ce gène forment des cils de taille et d’ultrastructure normale dans le rein mais la signalisation Wnt canonique y est diminuée (Lancaster et al., 2009). Les auteurs de cette étude ont démontré que la Joubérine facilite la

translocation nucléaire de la β-caténine mais qu’elle est séquestrée dans le cil lorsque celui

est présent. Ils ont également démontré l’implication du transport intraflagellaire rétrograde

dans la régulation de cette voie puisque dans les fibroblastes embryonnaires Dnhn2-/- qui ne

développent pas de cils, il y a un enrichissement nucléaire de la β-caténine et de la Joubérine.

De plus, dans les cellules qui forment toujours un cil, la Joubérine est présente dans le compartiment ciliaire et la voie Wnt canonique est plus faible. Ces résultats ont été confirmés

in vivo dans les souris mutantes pour le gène Dnchc2. Mais l’effet sur la ciliogenèse est

variable en fonction des tissus et elle est corrélée à l’activation de la voie Wnt canonique : lorsque les cils sont présents mais plus courts (membres, follicules pileux en développement ou glandes mammaires) la signalisation Wnt canonique est diminuée alors que dans les autres tissus qui ne possèdent pas de cils, la signalisation est hyper activée (Lancaster et al., 2011).

Cependant, il existe une étude dans laquelle l’analyse des mutants murins des gènes

Ift88, Kif3a, et Dnchc2 ne donne pas les mêmes résultats (Ocbina et al., 2009). En effet

l’activation de la voie Wnt canonique est identique entre les souris mutantes pour ces gènes et les souris contrôles. Concernant le mutant Kif3a, les phénotypes ciliaires sont identiques entre les deux études mais le stade de développement des souris analysées est légèrement différent : E9.0 (Corbit et al., 2008) versus E9.5 (Ocbina et al., 2009). Pour les mutants Ift88 et Dnchc2, en revanche, les phénotypes ciliaires sont différents. En effet, les mutants Ift88 (Corbit et al., 2008) et Dnchc2 (Ocbina et al., 2009) forment des cils de petite taille alors que l’absence de cil est observée dans certains tissus des mutants Dnchc2 dans l’étude de Lancaster et al., 2011 et qu’aucun cil ne se forme dans les mutants Ift88 de l’étude de Ocbina et al., 2009. De la même façon que pour le mutant Kif3a, les stades de développement analysés ne sont pas identiques entre les deux études : E12.5 (Corbit et al., 2008) versus E9.5 (Ocbina et al., 2009) pour le mutant Ift88 et E9.5 (Ocbina et al., 2009) versus E11.5 (Lancaster et al., 2011) pour le mutant Dnchc2. Ainsi, il apparaît que le rôle du cil sur la voie Wnt soit différent en fonction du stade de développement analysé.

En conclusion, le rôle du cil primaire dans la signalisation Wnt canonique dépend du type cellulaire et de la période du développement analysé. Cependant, il semble jouer un rôle déterminant en tant que régulateur négatif de la voie, puisque son absence induit globalement une hyper activation de la voie chez les mammifères. Parmi les mécanismes impliqués on retiendra la séquestration dans le compartiment ciliaire des régulateurs positifs de la voie. Cependant, des mécanismes alternatifs et nécessaires à la régulation de cette voie ont été

décrits comme la régulation de Dishevelled ou la dégradation protéosomale de la β-caténine.

4.3.1 - La voie Wnt non canonique

La voie Wnt non canonique ou polarité planaire (Wnt/PCP) est évolutivement

conservée et joue un rôle essentiel dans la morphogenèse des tissus et organes au cours du développement. La PCP fait référence à l’établissement de la polarité des cellules épithéliales dans un plan orthogonal à l’axe apico-basal (Bayly and Axelrod, 2011). Parmi les manifestations visuelles de cette signalisation, il y a l’alignement directionnel des poils dans l’aile de drosophile, des écailles chez le poisson, des plumes chez les oiseaux ou encore des cellules auditives dans l’oreille interne des mammifères.

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Les composants centraux de cette voie ont été identifiés chez la drosophile et regroupent les protéines transmembranaires, Frizzled (Fz), Van Gogh (Vang) et Flamingo (Fmi) et les protéines cytoplasmiques, Prickle (Pk), Diego (Dgo) et Dishevelled (Dsh) (Gray et al., 2011; Vladar et al., 2009). Les drosophiles mutantes pour l’un de ces composants présentent des phénotypes caractéristiques de défauts de polarité planaire, comme dans l’aile où l’orientation des poils devient aléatoire.

La caractéristique de cette voie repose sur la localisation subcellulaire asymétrique des différents composants lorsque la polarité planaire est établie. Chez les vertébrés, les acteurs clés de la voie sont conservés et au niveau cellulaire, ils sont initialement distribués uniformément puis, ils s’organisent en deux complexes polarisés au niveau de la membrane : d’une part Frizzled et Dishevelled et d’autre part Vangl1 et 2 (Van Gogh chez la Drosophile), Celsr 1, 2 et 3 (Flamingo chez la drosophile) et Prickle (Figure 25). Les mécanismes guidant la distribution asymétrique des composants centraux ainsi que les effecteurs de la voie Wnt/PCP reste très peu caractérisés mais il apparait que cette régulation ne se fasse pas au niveau transcriptionnel comme c’est le cas dans la voie Wnt canonique (Gao, 2012).

Chez la souris, le xénope ou le poisson zèbre, la PCP contrôle les mouvements de convergence extension (CE). Il s’agit d’un mécanisme qui permet aux cellules mésenchymateuses de converger et de s’intercaler, ce qui conduit à l’allongement de l’axe antéro-postérieur pendant la gastrulation et la neurulation (Gray et al., 2011; Wang and Nathans, 2007; Yin et al., 2008). Plus généralement, la signalisation PCP régule également l’orientation des plans de divisions cellulaire (Fisher E 2006). Par exemple, dans les souris

mutantes pour le gène Wnt9b (mutant hypomorphe Wnt9bneo/neo), le diamètre du rein est

élargit et l’orientation des divisions est aléatoire (Karner et al., 2009). De même, l’orientation des plans de division cellulaire est altérée dans l’épithélium du tube collecteur du rein des souris mutantes pour le gène Wnt7b (Yu et al., 2009). De plus la PCP, joue un rôle essentiel dans la polarisation des stéréocils des cellules sensorielles de l’oreille interne des mammifères et l’analyse de cet épithélium constitue l’un des meilleurs modèles pour quantifier et étudier les multiples aspects de la PCP chez les mammifères (Figure 26) (Ezan and Montcouquiol, 2013).

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