• Aucun résultat trouvé

1.5 Base pharmacologique des molécules testées

1.5.1 La voie du monoxyde d’azote

La trinitrine ou nitroglycérine a été utilisée comme traitement local en galénique pommade ou

en patch transdermique dans le traitement du RP. Ce traitement a été arrêté du fait des effets

secondaires notamment des malaises et des maux de tête liés à l’effet systémique.

L’administration de nitroglycérine en topique permet néanmoins de diminuer la sévérité et la

fréquence des épisodes de RP primaire ou secondaire (Levien). Une récente formulation

topique de nitroglycérine est en évaluation dans différentes études cliniques (soumission en

cours à la FDA). Il s’agit de MQX-503 0.5% et 1.25 % (MediQuest Therapeutics, Inc.,

Bothell, Washington, USA), une microémulsion de nitroglycérine avec approximativement

50% de phase organique à base de lécithine et 50% de phase aqueuse. L’absorption est très

rapide. Elle permet selon les études de réduire la sévérité des crises de RP primaire mais pas

la fréquence ou la durée (Levien). On sait néanmoins la difficulté à mettre en place des études

de bonne méthodologie dans l’évaluation des traitements dans le RP. Une étude a été réalisée

dans le RP secondaire chez les patients ScS avec MQX-503 0.9% (versus placebo) en

appliquant la pommade avant ou 5 minutes maximum après le début de la crise du RP. Le

nombre moyen et la durée des RP n’étaient pas différents entre les traitements. Les ulcérations

digitales (UD) apparaissaient de manière identique entre les deux groupes (Chung et al.,

2009). La voie du NO est néanmoins intéressante à développer via d’autres molécules

impliquées dans la cascade de signalisation et/ou biotransformation du NO.

33

1.5.1.1 Nitroprussiate de sodium

Le nitroprussiate de sodium (Sodium nitroprussiate, SNP) est un donneur de NO. La

vasodilatation induite par le SNP n’est donc pas liée à la production endothéliale de NO mais

à une production liée à l’activation directe de la guanylate cyclase soluble et de

l’augmentation du cGMP dans la cellule musculaire lisse (Figure 22).

Le SNP est un vasodilatateur indiqué dans l’hypertension artérielle (HTA) (notamment l’HTA

maligne) mais également dans l’insuffisance cardiaque aiguë en particulier ventriculaire

gauche avec bas débit cardiaque et résistances périphériques élevées réfractaires aux

traitements habituels (infarctus myocardique, cardiomyopathies, dysfonctionnement

valvulaire aortique et mitrale et au cours de la chirurgie coronarienne et valvulaire).

Figure 22 : structure chimique du SNP

Le SNP est utilisé en iontophorèse comme test pharmacologique. Il a également été testé chez

les patients ScS où il a été démontré qu’il induisait une augmentation de la conductance

vasculaire cutanée (Anderson, Moore et al. Rheumatology 2004 ). La iontophorèse de SNP a

donc été proposée comme traitement des UD mais ne nous semble pas être un bon candidat du

fait de sa demi-vie très courte. Sa demi-vie d’élimination étant très brève (1 à 3 minutes), le

schéma thérapeutique proposé devrait être un traitement continu, peu pratique. L’effet du SNP

sur les vaisseaux peut également dépendre de la taille des vaisseaux, avec un effet minimal

pour des vaisseaux inférieurs à 100µm et maximal supérieur à 200µm (The Pharmacological

Basis of Therapeutics, Goodman et Gilman’s, 11th edition, Mc Graw Hill). Dans la plupart

des études proposées ici, la iontophorèse de SNP est donc utilisée comme un « témoin

positif » des expériences, même si l’objectif est de trouver une molécule diffusée en

iontophorèse avec un meilleur résultat en terme d’efficacité ou de meilleure

pharmacocinétique sur la vasodilatation cutanée.

1.5.1.2 Sildénafil

Le NO vasodilate et inhibe l’activation plaquettaire via la guanosine cyclique

5’-monophosphate (cGMP). La cGMP est hydrolysée par les phosphodiesterases, en particulier

34

la phosphodiesterase-5, isoenzyme spécifique de la cGMP. Le Sildenafil, le tadalafil et le

vardenafil sont des inhibiteurs spécifiques de la phosphodiesterase de type 5 ayant pour

conséquence l’augmentation de cGMP et la dilatation micro et macrovasculaire (Figure 23)

Le Sildénafil (commercialisé sous le nom de Viagra® ou Revatio®) est un inhibiteur puissant

et sélectif de la phosphodiestérase de type 5A (PDE5A). Outre la présence de cette enzyme

dans les corps caverneux du pénis, la PDE5 est également présente dans le système vasculaire

pulmonaire. Par conséquent, le sildénafil augmente les concentrations de GMPc présente au

sein des cellules musculaires lisses des vaisseaux pulmonaires, ce qui se traduit par une

relaxation du muscle lisse. Chez les patients présentant une hypertension artérielle

pulmonaire, cet effet peut conduire à une vasodilatation du lit vasculaire pulmonaire et, dans

une moindre mesure, à une vasodilatation de la circulation générale. Son effet est plus

puissant sur la PDE5 que sur les autres phosphodiestérases connues (sélectivité 10 fois plus

importante par rapport à la PDE6, impliquée dans le processus de phototransduction de la

rétine. sélectivité 80 fois par rapport à la PDE1 et de plus de 700 fois par rapport aux PDE2,

3, 4, 7, 8, 9, 10 et 11). En particulier, le sildénafil est plus de 4000 fois plus sélectif pour la

PDE5 que pour la PDE3, l'isoforme de la phosphodiestérase spécifique de l'AMPc impliquée

dans le contrôle de la contractilité cardiaque. Le sildénafil entraîne des diminutions faibles et

transitoires de la pression artérielle, dans la plupart des cas sans retentissement clinique.

Figure 23: Mode d’action schématique du sildénafil au niveau de la cellule musculaire lisse

Les inhibiteurs de PDE5A ont un effet vasodilatateur pulmonaire démontré lors de tests de

vasodilatation effectués chez des patients présentant une hypertension artérielle pulmonaire

(HTAP). L’autorisation de mise sur le marché du sildénafil est l’HTAP chez les patients en

classe fonctionnelle II et III selon la classification de l'OMS. Une étude randomisée en double

insu contre placebo incluant 178 patients atteints d'HTAP a montré l'efficacité du sildénafil

sur la tolérance à l'exercice et l'hémodynamique (Galie et al., 2005). Ce bénéfice sur le test de

marche de six minutes était maintenu à un an de traitement. Le sildénafil a l'intérêt de son

G

GMMPPcc

Guanylate

cyclase

NO

G

GTTPP

Relaxation

Sildenafil

Cellule

musculaire

lisse

PDE V

35

administration par voie orale (trois prises par jour) et de sa bonne tolérance clinique. Des

diarrhées, des dyspepsies et des flushs peuvent survenir.

Le sildénafil a ensuite été testé dans les Raynaud sévères en 2ème ligne (Levien, 2006) et

dans les ulcérations digitales en étude ouverte (Colglazier et al., 2005) et lors d’un essai

clinique randomisé en double aveugle (Fries et al., 2005). Cette dernière étude en double

aveugle versus pacebo en cross over testait le sildenafil dans les RP résistants aux traitements

vasodilatateurs (inhibiteurs calciques chez 94% des patients, nitroglycerin dans 39%,

pentoxifylline dans 28%, inhibiteur de l’enzyme de conversion dans 22%, prostaglandines

intraveineuses dans 17%, et bosentan dans 6%) ; 16 patients étaient inclus avec RP

secondaires et 2 patients avec RP primaire. On observait une réduction en fréquence et en

durée des crises de RP sous sildénafil et 6 patients avec UD cicatrisées (2 cas de récidive sous

traitement).

Une étude prospective monocentrique avec 19 patients ScS et 49 ulcérations digitales

confirme l’effet du sildenafil per os qui était utilisé de 60 mg /jour jusqu’à 150 mg/jour

jusqu’à 6 mois avec 17 ulcérations digitales à la fin de l’étude (à noter l’apparition de 12 UD

sous traitement par sildenafil) (Brueckner et al.). Des résultats discordants ont néanmoins été

rapportés avec aucun bénéfice chez 20 patients avec RP primaires traités par sildénafil 50 mg

2 fois par jour pendant 2 semaines versus placebo dans une étude randomisée en double

aveugle et en cross over (Zamiri B et al.)

En ce qui concerne les autres molécules inhibitrices PDE5, une étude ouverte non randomisée

a testé le tadalafil chez 12 patients avec RP secondaire et UD douloureux ou nécrose digitale

avec un temps moyen de cicatrisation des UD de 5 semaines et de nécrose digitale de 8

semaines. Une étude ouverte randomisée en double aveugle en crossover incluait 25 patients

avec RP secondaire avec une fréquence et une durée et le Raynaud’s Condition Score (RCS)

score améliorés dans le groupe tadalafil (Shenoy et al.). Comme avec le sildénafil, les

résultats sont discordants avec une étude randomisée en double aveugle concluant à

l’inefficacité du tadalafil avec 29 patients avec RP secondaire (Schiopu et al., 2009).