• Aucun résultat trouvé

vivants dans des milieux aux conditions physico-chimiques contrastées

2.1 Contexte général

Dans les écosystèmes marins tempérés, les Corallinacées sont le groupe d’organismes calcifiants prédominant dont les processus métaboliques ont un rôle majeur dans le bilan de carbone et carbonates des écosystèmes côtiers (Nelson 2009). Les espèces de cette famille, présentant des morphotypes variés, s’étagent depuis les cuvettes du haut de l’estran jusqu’à plusieurs mètres de profondeur. On retrouve fréquemment des espèces géniculées gazonnantes dans la zone intertidale, alors que les non géniculées, de forme encroûtante (épiphyte et épilithe) ou libre sont généralement distribuées depuis le bas de l’estran jusqu’en zone subtidale (Nelson 2009). Ces espèces colonisent des milieux où les variations physico-chimiques fluctuent en fonction des rythmes de marées et sont de ce fait exposées à différents régimes de pH (Huggett & Griffiths 1986).

Pour survivre et se développer dans des environnements variables, les organismes doivent s’acclimater ou s’adapter donnant lieu à des différences de résistance aux stress abiotiques entre différentes espèces d’une même famille. Dans un contexte d’AO, il est prédit que les espèces acclimatées naturellement à de fortes variations de pH dans leur habitat seraient plus résistantes à l’augmentation future de la pCO2 que d’autres espèces vivant dans des milieux beaucoup plus stables (Raven 2011; Harley et al. 2012).

Afin d’observer si les réponses physiologiques des Corallinacées à l’augmentation de la pCO2 suivent une tendance générale ou présentent des particularités spécifiques, trois espèces de Corallinacées de différent morphotypes et vivant dans des milieux aux conditions abiotiques contrastées ont été étudiées dans le premier article de ce chapitre (article 1).

2.2 Résumé de l’article n°1 :

Les effets de l’augmentation de la pCO2 ont été étudiés sur différentes espèces de Corallinacées provenant d’habitats aux conditions physico-chimiques variées : (i) Corallina elongata, une algue géniculée prélevée dans une cuvette de l’estran ; (ii) Lithothyllum incrustans, une algue encroûtante recoltée en bas de la zone intertidale, sous une dense

- 36 -

canopée à macroalgues et (iii) Lithothamnion corallioides, un rhodolithe (forme libre) se développant en milieu subtidal (Figure I2-1). Ces différentes espèces ont été maintenues un mois à différentes pCO2 : 380 µatm, condition actuelle de pCO2 servant de témoin et 550, 750 et 1000 µatm, trois pCO2 plus élevées correspondant à différents scénarios prédits par l’IPCC pour la fin du siècle.

Figure I2-1: Trois espèces de Corallinacées tempérées utilisées au cours de la première expérience.

A : Corallina elongata, coralline géniculée formant des tapis dans les cuvettes rocheuses ou dans le bas de la zone intertidale. B : Lithophyllum incrustans, coralline encroûtante recouvrant le fond des cuvettes rocheuses ou se développant sur les pierres et cailloux en sous canopée dans les chenaux. C : Lithothamnion corallioides, rhodolithe aussi appelé maërl et formant de grand bancs en zone subtidale peu profonde. Echelle = 1 cm.

Les taux de production brute et de respiration ont été estimés chez les 3 espèces à partir de la variation de concentration en oxygène durant des incubations en chambres hermétiques (Figure I2-2A). A la fermeture des chambres, la quantité d’oxygène dissous dans l’eau était mesurée avec une fibre optique (Figure I2-2B). Durant l’incubation, les algues libéraient et consommaient (photosynthèse et respiration, respectivement) de l’O2 de manière linéaire au cours du temps. A la fin de l’incubation, une seconde mesure à la fibre optique permettait de mesurer la concentration finale en O2 de manière non intrusive, sans avoir besoin d’ouvrir la chambre (Figure I2-2B). Les taux de calcification à la lumière et à l’obscurité ont été estimés durant ces mêmes incubations selon la méthode d’anomalie de l’alcalinité basée sur la diminution de 2 équivalents de l’alcalinité totale (AT) pour chaque mole de CaCO3 précipité (Smith & Key 1975).

Alors que la production photosynthétique brute de C. elongata et L. incrustans n’a pas été affectée par la pCO2, celle de L. corallioides a légèrement augmenté à 1000 µatm pCO2. Seule la respiration de L. incrustans a fortement diminué en conditions de fortes concentrations de CO2. Les réponses de calcification sont apparues légèrement plus

- 37 -

contrastées. Les taux de calcification de C. elongata n’ont été affectés ni à la lumière ni à l’obscurité par augmentation de la pCO2. A l’inverse, le stress pCO2 a fortement diminué les taux de calcification chez L. incrustans. Enfin, la réponse de L. corallioides était intermédiaire, avec une calcification plus faible sous pCO2 élevée à la lumière mais pas à l’obscurité. Ces réponses sont cohérentes avec les taux de magnésium mesurés dans la calcite magnésienne précipitée par ces algues. C. elongata, plus résistante à la diminution conjointe du pH et de l’état de saturation des carbonates, présente un ratio Mg/Ca plus faible (0,17 mol %) que les deux autres espèces (0,20 mol %) ce qui lui confèrerait une solubilité inférieure. De plus, l’augmentation de la pCO2 a engendré un blanchissement progressif des thalles de L. incrustans (Figure I2-3), significatifs d’une sensibilité accrue à d’autres stress ou pathogènes.

 

Figure I2-2: Mesures de production nette et de respiration. A : chambre respirométrique en plexiglas

(Engineering & Design Plastics Ltd) dans lesquelles les algues étaient incubées plusieurs heures afin de déterminer leur métabolisme. B : fibre optique permettant de mesurer la concentration en O2 dans l’eau sans ouvrir la chambre. La fibre optique émet un signal lumineux qui vient se réfléchir sur le spot collé à l’intérieur de la chambre. Suivant la quantité d’O2 dissous, le signal réémis n’émet pas dans les mêmes longueurs d’onde. La différence de signal (“phase”) entre l’onde émise et réfléchie est ensuite analysée par une interface numérique qui transforme le signal en concentration d’oxygène dissous.

Ces mesures métaboliques soulignent que la réponse des Corallinacées aux conditions futures d’AO est une réponse spécifique des espèces. Alors que l’hypothèse attendue était que les espèces vivant dans des milieux hypervariables soient les plus résistantes, il a été montré

- 38 -

que les espèces se développant en milieu dont les conditions physico-chimiques sont plus stables pouvaient aussi bien résister à l’augmentation de la pCO2. Ceci amène à reconsidérer la grande sensibilité des Corallinacées face à l’AO démontrée jusqu’à présent par d’autres études scientifiques.

- 39 -

Article n° 1

Physiological responses of three temperate coralline algae from contrasting

Documents relatifs