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Fig. 2.1: Allure d’un front se propageant vers les x négatifs avec des vitesses v = vc = 2

(en gras), v = 0.5 (ligne simple) et v = 5 (en pointillés).

L’équation de Fisher-Kolmogorov-Petrovsky-Piscounov (F-KPP) et ses variantes sont en fait présentes dans des domaines nombreux et variés, des problèmes de combustion et réaction-diffusion [KR85] jusqu’à la physique nucléaire [IMM05, MPS05]. Nous mon- trerons dans les chapitres ultérieurs que l’équation F-KPP est aussi reliée aux questions de survie de marches aléatoires avec branchements.

2.2 Vitesse d’un front

Outre les solutions triviales Q = 0 (instable) et Q = 1 (stable), (2.2) admet des solution de type (2.4) se propageant avec une vitesse −v et des conditions aux limites

(

limz→−∞Qv(z) = 0,

limz→+∞Qv(z) = 1.

(2.6) La fonction Qv satisfait alors l’équation

z2Qv− v∂zQv + f (Qv) = 0. (2.7)

Peu de solutions exactes de cette équation sont connues mais on sait cependant relier la vitesse v d’une solution Qv aux propriétés de celle-ci lorsque z → −∞.

24 Chapitre 2. Propagation de fronts

2.2.1 Analyse linéaire

Loin dans la phase instable (z → −∞), Qv est proche de zéro et on peut linéariser

(2.7) :

z2Qv− v∂zQv+ βQv ≃ 0 (2.8)

avec β = f′(0). Puisque l’on impose à Q

v de s’annuler en −∞, Qv prend la forme

Qv(z) ∝ eγz dans la phase instable où le coefficient γ est relié à la vitesse v par la

relation

v = γ + β

γ. (2.9)

Pour garantir la convergence vers 0 quand z → −∞ et la positivité de Qv (imposée

par la nature physique de Qv dans les problèmes qui nous concernent ici), il faut se

restreindre aux γ réels strictement positifs. On trouve alors (cf. figure 2.2.1) que les fronts admissibles doivent avoir une vitesse supérieure à la vitesse critique donnée par

(

vc = 2√β

γc =√β

(2.10) et ces fronts ont ainsi une queue exponentielle dans la phase instable. Si l’on autorise les solutions Qv à devenir négatives, alors γ peut prendre des valeurs complexes et

les solutions se comportent comme des oscillations amorties pour les grandes valeurs négatives de z ; dans ce cas, la vitesse est alors plus petite que la vitesse critique vc.

Exactement à la vitesse critique vc, Qvc prend la forme asymptotique

Qvc(z)≃ −(Acz + Bc)e

γcz (2.11)

loin dans la phase instable z → −∞. L’invariance par translation implique que l’un des deux coefficients Ac et Bc soit libre mais, une fois l’un fixé, l’autre est fixé par

les non-linéarités du système et le comportement Qv(z) → 1 en +∞. Néanmoins, la

détermination analytique complète des amplitudes n’est pas possible sauf dans des cas isolés.

2.2.2 Sélection de la vitesse de propagation

L’étude précédente a montré quelle était la forme de Qv(z) dans la phase instable pour

une vitesse v donnée mais il reste à déterminer laquelle de ces vitesses est sélectionnée pour une condition initiale donnée. Aronson et Weinberger ont montré [AW75, AW78] le résultat très général suivant pour des équations de type (2.2) avec les hypothèses (2.3) : – il existe une solution de type front (comprise entre 0 et 1) en translation uniforme

à la vitesse v pour tout v ≥ 2pf′(0),

– une telle solution est stable si et seulement si v ≥ vc pour une certaine vitesse

critique vc

– on a les bornes suivantes sur la vitesse vc :

2pf′(0) ≤ v

c ≤ 2 sup

0≤Q≤1

p

2.2 Vitesse d’un front 25 0 0.5 1 1.5 2 2.5 3 3.5 4 v 0 0.5 1 1.5 2 2.5 γ β = 1

Fig. 2.2: Vitesse de propagation d’un front Qv(z) en fonction de son taux de décroissance

γ loin dans la phase instable Q≃ 0. On voit que les solutions sans oscillations amorties obtenues pour γ réel positif ont une vitesse minimale vc = 2 pour

β = 1. Pour γ > 1, les solutions sont instables et adoptent la vitesse vc aux

temps longs.

– pour une large catégorie de conditions initiales, la vitesse du front tend vers la vitesse marginalement stable vc (cela est vrai en particulier1 pour toutes les conditions

initiales Q(x, 0) décroissant plus vite que eγcx pour x → −∞ pour un certain γ c

dépendant de l’équation de propagation).

La notion de stabilité, introduite ci-dessus, sera discutée en section 2.4 et doit être prise dans le sens suivant : si nous ajoutons à une solution Qv(z) une perturbation localisée

ǫ(z) qui est suffisamment petite pour que Qv(z) + ǫ(z) reste dans l’intervalle [0, 1] et qui

décroît à l’infini plus rapidement que Qv(z), alors aux temps longs, la solution de 2.3

converge (à une translation près) à nouveau vers Qv(z). Comme nous le verrons plus

bas, cette stabilité pour v ≥ vc est liée à la monotonie du front Qv(z).

Pour la plupart des cas que nous étudierons, nous aurons sup0≤Q≤1

p

f (Q)/Q = p

f′(0) et v

c et γc seront donc donnés par (2.10). Dans ces cas-là, toute condition ini-

tiale suffisamment abrupte donne un front se propageant à vc. Cela signifie donc qu’une

étude de l’équation F-KPP linéarisée suffit dans ces situations à donner les propriétés critiques des fronts. Par ailleurs, cela montre aussi que le seul effet des non-linéarités contenues dans f(Q) consiste à saturer Q à la valeur 1 sans modifier la propagation du front. De tels fronts sont appelés pulled d’après la terminologie inventée par Stokes [Sto76], par opposition aux fronts pushed pour lequel les non-linéarités influent sur la vitesse de propagation et la stabilité des solutions.

1Pour une condition initiale décroissant comme eγx en −∞ avec 0 < γ < γ

c, alors la vitesse du front

26 Chapitre 2. Propagation de fronts Les bornes (2.12) sur la vitesse du front trouvées par Aronson et Weinberger sont des conséquences de principes variationnels plus généraux [HR75, BD96b, BD96a] démontrés depuis, dont nous donnons ici une illustration. Ainsi, le principe variationnel de Hadeler et Rothe [HR75] donne, pour une non-linéarité du type (2.3), la vitesse vc du front de

vitesse minimale comme la borne inférieure suivante : vc = inf

g∈U0<u<1sup



g′(u) + f (u) g(u)



(2.13) où U = {g ∈ C1([0, 1])|g(0) = 0, g(0) > 0, g(Q) > 0,∀Q ∈]0, 1[} est l’ensemble des

fonctions g de classe C1 sur [0, 1], strictement positive sur ]0, 1[, s’annulant en zéro et

de dérivée strictement positive en 0. Un moyen simple de visualiser cette formule est présenté en figure 2.3. Si nous nous plaçons dans l’espace des phases (q, p) = (Qv, ∂xQv),

l’équation stationnaire (2.7) se réécrit : ( q′ = F 1(q, p) = p, p′ = F 2(q, p) = vp− f(q). (2.14) Cette dynamique admet les deux points fixes (q, p) = (0, 0) et (q, p) = (1, 0). Une étude de stabilité linéaire montre que (0, 0) est un point fixe instable, comme attendu, et que (1, 0) est un point-col. Pour que le front soit monotone (donc positif), il faut que la trajectoire ne forme pas de spirale autour de (0, 0) : les valeurs propres ne sont réelles que si v2 > 4f(0) qui est la première borne de (2.12). D’autre part, la seule trajectoire

aboutissant en 1 pour x → ∞ correspond à la partie de la variété instable du point 1 dans le domaine q < 1, p > 0 : il suffit alors de montrer que cette trajectoire provient nécessairement du point (0, 0). Pour cela, nous remarquons d’après (2.14) qu’aucune trajectoire ne peut entrer dans le domaine 0 < q < 1, p > 0 en passant par les frontières (0 < q < 1, p = 0) et (q = 1, p > 0). Il suffit alors de trouver une fonction g(q) satisfiant g(0) = 0, g′(0) > 0, g(Q) > 0 telle que le vecteur tangent (1, g(q)) et le champ

(F1(q, g(q)), F2(q, g(q)) soient orientés dans le sens direct pour être sûr (cf. figure 2.3)

que la variété instable arrivant en 1 provienne nécessairement du point (0, 0). La vitesse critique vc est alors obtenue en considérant la borne inférieure sur les fonction g ∈ U

pour laquelle la condition F2(q, g(q))− g′(q)F1(q, g(q)) > 0 est satisfaite.

Le fait d’avoir un infimum dans (2.13) implique que des choix appropriés de la fonction g permettent d’obtenir des majorations rapides de la vitesse du front marginalement stable. En particulier, si la non-linéarité f est telle que f(Q) ≤ f′(0)Q pour toute valeur

de Q dans [0, 1] alors le choix g(u) = pf′(0)u donne v c < 2

p

f′(0) = 2β. Par les

bornes (2.12), nous obtenons vc = 2√β et le front est donc de type pulled. La condition

f (Q)≤ f(0)Q n’est pas restrictive pour les cas que nous étudierons (f sera convexe) et

les fronts que nous considérerons seront de ce type.