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que la visite partielle des Cercles de la Haute-Volta avait permis d’y découvrir,

au 1

er

octobre 1934, 31 854 malades,

don

t 6 264 à Ouagadougou, 6 877 à Gaoua, 2 104 à Dédougou, 876 à Bobo et 15 733 à Koudougou »

(Jamot, 1933).

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Citation 2 (foyer de Garangos): « La

carte montre que les quartiers du sud de la circonscription de Garango ont disparu avant ceux du Nord et que, pour une par-tie de ceux-ci, au nord-est, l’abandon défi-nitif a eu lieu dans la même année. Une épidémie de trypanosomiase, qui touche le secteur de 1936 à 1948, en est la cause directe » (Lahuec et Marchal, 1979).

Citation 3 (foyer de Zuénoula) : « En

1945, entre les deux Bandama, les subdi-visions de Zuénoula, Mankono et Oumé étaient peu contaminées à l’exception des îlots Mossi (Koudougou, Ouagadougou, Kaya) » (Domergue-Cloarec, 1986).

Citation 4 (foyer de Bouaflé) : « Entre la

Lobo et le Sassandra, la zone de cantons Niaboua nord et sud présentait des indices de contamination nouvelle (ICN) de 1,21 % et de 1,92 %, alors que partout ailleurs en 1943 ils étaient voisins de 0,35 %, sauf dans les villages Mossi de Bouaflé que l’on jugeait très contaminés »

(Domergue-Cloarec, 1986).

Citation 5 (foyer de Vavoua) : « L’ethnie

ivoirienne principale est constituée par les Gouro ; nous trouvons également quelques Baoulé et, surtout, une importante main-d’œuvre étrangère, essentiellement voltaïque. Certains villages, dits “villages Mossi”, sont formés presque uniquement de travailleurs voltaïques et de leurs familles » et « une

étude de localisation géographique des nou-veaux cas pour 1975 et 1976 montre qu’ils sont, pour la plupart, localisés sur quatre villages le long de la route Vavoua-Trafla : il s’agit des villages de Koudougou-PK5, Kou-dougou-PK8, Koudougou-carrefour et de Koétinga (autre village Mossi) » (Duvallet

et Stanghellini., 1979).

Si au fur et à mesure du contrôle de l’en-démie en Haute-Volta, les migrations en direction de la Côte d’Ivoire compor-taient de moins en moins de trypanoso-més, les migrants Mossi se faisaient désormais contaminer sur place où la maladie circulait (les malades dépistés étaient tous en première période, signe d’une contamination récente) (Domer-gue-Cloarec, 1986). Progressivement, ces migrants Mossi ont remplacé la forêt située aux alentours de leurs villages d’ac-cueils par des plantations de café et de cacao, à tel point que l’accès à la terre est progressivement devenu compliqué. C’est ainsi que de nouveaux fronts pion-niers ont été mis en place spontanément, en direction des zones de faible peuple-ment, comme par exemple à Vavoua, située à environ 30 kilomètres à l’ouest de Zuénoula (fig. 134).

Les premiers migrants Burkinabé semblent être arrivés entre 1951 et 1954 dans la zone de Vavoua. Ils se seraient d’abord installés à Bouhitafla (village Figure 134. Mouvements de populations liés aux villages de colonisation Mossi. (Source : Kiendrebeogo et al., 2012.)

© Kiendrebeogo

et al.

, 2012

Gouro) et auraient ensuite créé leur propre campement vers 1956 : Koudougou PK5, puis Koudougou PK8 en 1957 et Kou-dougou PK 10 en 1958 (Prady, 1983). Deux régions ivoiriennes jouent un rôle essentiel dans l’apport de colons Mossi dans la zone de Vavoua : Zuénoula (d’où sont venus 45 planteurs de 1950 à 1979) et Bouaflé (10 planteurs sur la même période) (Prady, 1983). Ainsi, vingt-cinq ans après l’arrivée du premier colon Mossi en provenance de Zuénoula et quinze ans après la constitution des vil-lages de PK5, PK8 et PK 10, le foyer de THA de Vavoua est découvert (Kiendre-beogo et al., 2012).

L’histoire croisée des courants migratoires, qui ont constitué le peuplement de la zone de Vavoua avec celle des caractéristiques socio-ethniques des peuplements les plus touchés par la THA dans le foyer de Vavoua, permet de penser que la THA s’est diffusée des foyers de Zuénoula et de Bouaflé vers la zone de Vavoua (fig. 134, citation 5). Si l’histoire du foyer de Vavoua peut paraître hors sujet, il faut garder à l’esprit qu’elle n’est probablement pas très éloignée de celles de Sinfra, de Bonon et de Méagui. La seule différence entre Vavoua, Sinfra, Bonon et Méagui étant l’époque à laquelle l’histoire se déroule, et c’est peut-être ce qui peut expliquer, aux côtés d’autres facteurs, que Méagui ne soit jamais devenu un foyer de THA.

Les premiers immigrants de Sinfra et de Bonon furent les Dioula (sous-entendu Malinké). Selon Meillassoux (1999) :

« En 1913, l’administration leur avait interdit le stationnement hors des postes militaires : Bouaflé, Zuénoula et Sinfra. Depuis lors, et malgré la levée de cette restriction en 1924, la plus grande partie

d’entre eux réside dans les chefs-lieux. Leur rôle dans l’économie régionale explique pour une bonne part cette implantation. La plupart de leurs activités sont liées, en effet, à l’économie monétaire : artisanat commercial, colportage, commerce, traite du café et du cacao, transports

en

com-mun, etc.

».

À Sinfra, jusqu’à la fin des années 1950s, les Dioula se restreignent à la ville. Seuls les Baoulé sont présents au niveau d’un village (N’Drikro). La figure 135permet de voir que la zone de Sinfra est assez densément peuplée déjà en 1959 (Meil-lassoux, 1999). C’est à partir des années 1960 que le peuplement va commencer à Figure 135. Morphologie et composition ethnique du peuplement en pays Gouro en 1959. (Source : Meillassoux, 1999.)

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s’étoffer en accueillant progressivement les populations de divers horizons (Centre et Nord de la Côte d’Ivoire, Bur-kina Faso, Mali), et aussi les populations originaires de Koudougou, de Garango, de Tenkodogo et de Koupéla situés aux environs de Bouaflé. C’est ainsi qu’au

début des années 1990, «

les autochtones

Gouro sont devenus minoritaires par

rapport aux allogènes ivoiriens ou

étran-gers. Parmi les Ivoiriens, les Baoulé,

venus des savanes du Centre, dominent

largement les Dioula et les Sénoufo

venus du Nord. Parmi les étrangers, on

compte surtout des Burkinabé

»

(Laveis-sière et al., 2003). La figure 136permet de saisir d’où sont originaires les chefs de peuplements immigrants installés dans la zone de Sinfra. En Côte d’Ivoire, c’est la zone de Tengrela qui a été la plus pour-voyeuse en migrants, suivie par les

régions de Korhogo et de Bouaké. Au Burkina Faso, les régions du plateau Mossi (Koudougou, Ouahigouya, Oua-gadougou) sont les plus représentées. Au Mali, c’est la région de Sikasso qui a été la principale pourvoyeuse de migrants. À Bonon, ce sont également les Dioula qui ont, les premiers, rejoint les Gouro au niveau de la ville, alors qu’elle ne consti-tuait encore qu’un regroupement de vil-lages jusqu’à la fin des années 1950 (Meillassoux, 1999) (fig. 135). Après l’Indépendance (1960), ils ont été suivis par les Baoulé du Centre, à la recherche de terre pour cultiver, puis plus tard par les populations Mossi, en provenance du Burkina Faso et des villages de colonisa-tion situés aux alentours de Bouaflé. La

figure 137permet d’apprécier les régions d’où sont originaires les chefs de peuple-ments migrants de la zone de Bonon. En Côte d’Ivoire, ce sont les régions de Ten-grela, de Ferkessedougou et de Bouaké qui sont les principaux pôles fournisseurs de chefs de peuplements. Au Burkina Faso, le pays Mossi (Koudougou, Kaya), Gourmantchè (Fada N’Gourma) et Lobi (Gaoua) sont les principales régions pourvoyeuses. Au Mali, aucune région ne ressort en particulier.

Pendant que le foyer de Vavoua brûle, dans le Sud-Ouest de la Côte d’Ivoire le peuple Bakwè poursuit ses activités tradi-tionnelles de pêche et de chasse, isolé du reste du pays, à l’abri de la THA qui se trouve en pleine phase de réémergence dans le pays Gouro (Saliou et Challier,

Discussion

Figure 136. Origine géographique des chefs de peuplement de la zone rurale de Sinfra et foyers de THA.

1976 ; Duvallet, 1987). La carte établie par Scwhartz (1971) permet de constater qu’en 1971 la zone de Méagui est uni-quement peuplée de Bakwè, en nombre réduit (figure 138). L’ouverture du front pionnier du Sud-Ouest relèvera d’une volonté politique de désenclavement et de rééquilibrage économique du pays (Hauhouot, 2002). L’organe de l’État en charge d’administrer le Sud-Ouest est l’Autorité pour l’aménagement de la région du Sud-Ouest (Arso).

C’est avec l’inauguration du pont de Soubré, en décembre 1970, et celle du port de San Pedro (décembre 1972), que le destin de la région va complètement basculer. Le peuplement de la zone de Méagui en a été profondément boule-versé en l’espace de quarante ans, comme nous avons pu le montrer dans la partie « Résultats ». L’origine géographique des chefs de peuplement fait apparaître deux pôles principaux fournisseurs de migrants (fig. 139). En Côte d’Ivoire, il s’agit très clairement du pays Baoulé (Bouaké, Daoukro, etc.). Au Burkina Faso, il s’agit du plateau Mossi (Koudougou, Yako, Kaya, Ouagadougou), tandis qu’au Mali c’est la région de Koutiala qui ressort. À première vue, les régions d’origine des chefs de peuplement des zones de Sinfra,

de Bonon et de Méagui se recoupent en de nombreux points. Le premier point étant que les chefs de peuplements immi-grés proviennent de trois pays que sont la Côte d’Ivoire, le Burkina Faso et le Mali. Le second est qu’en Côte d’Ivoire le

bas-sin migratoire des trois zones est centré sur les pays Baoulé, Sénoufo, Lobi et Malinké. Le troisième est qu’au Burkina Faso, c’est le plateau Mossi qui a participé massivement au peuplement des zones de Sinfra, de Bonon et de Méagui, avec une

région particulièrement pourvoyeuse, celle de Koudougou. Quatrième point, au Mali, ce sont les régions de Sikasso et de Koutiala qui sont les plus actives dans le peuplement des trois zones. Au vu de ces similitudes, la migration ne semble Figure 137. Origine géographique des chefs de peuplement de la zone rurale de Bonon et foyers de THA.

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donc pas pouvoir jouer un rôle explicatif dans le fait que les zones de Bonon et de Sinfra soient devenues des foyers de THA et pas la zone de Méagui, puisque les ori-gines des peuplements affichent de fortes similitudes.

Si l’origine des peuplements apparaît similaire dans son ensemble, les périodes de déclenchement des phases migratoires différent considérablement. Comme spé-cifié précédemment, Méagui a été un front pionnier tardif, effectif à partir de

1975, tandis que les zones de Sinfra et de Bonon ont été soumises à un processus d’immigration précoce, dès le début des années 1950 pour Sinfra et au début des années 1960 pour Bonon. À quinze-ving-cinq ans d’intervalle, la situation de la

THA dans les zones de départ des migrants n’était donc pas la même. La superposition de l’origine des peuplements de Sinfra, de Bonon et de Méagui aux foyers de THA, encore actifs au début de ces migrations, apporte un éclairage nouveau sur cette question (fig. 136, 137, 139). À Sinfra, à l’époque où les premiers migrants agricoles sont venus s’installer (1950), les foyers du Burkina Faso (Koudougou, Mane-Korsi-moro, Dédougou, Yako, Boromo, Fada N’Gourma, Banfora) et du Mali (Bamako-Kati, Koutiala-Sikasso, Ouelessebougou) sont toujours actifs. Une partie des migrants originaires de ces régions est donc possiblement arrivée contaminée. La plu-part des bassins pourvoyeurs de migrants internes à la Côte d’Ivoire ne sont pas à risque, excepté celui de Korhogo. À Bonon, même si le début de la migration a été un peu plus tardif (1960), certains foyers du Burkina Faso (Koudougou, Ouahigouya, Fada N’Gourma) et du Mali (Koutiala-Sikasso) sont encore susceptibles de four-nir des trypanosomés parmi les migrants. En Côte d’Ivoire, aucun bassin d’origine des migrants n’est affecté par la THA À Méagui, à l’époque où le processus de colonisation agricole a débuté (1975), la transmission de T.b.gambiense dans les foyers Burkinabé est déjà en phase de désactivation (Laveissière, 1973 ; Eyraud, 1974 ; Duvallet, 1975 ; Challier et

Duval-Discussion

Figure 138. Morphologie et composition ethnique du peuplement en pays Bakwè en 1971. (Source : Schwartz, 1973.)

© Schwar

let, 1973 ; Lankoande et Ouedele, 1982 ; Duvallet, 1987 ; Kiendrebeogo et al., 2012). Cette dernière a été brutale, du fait des luttes entomologiques menées contre les glossines mais aussi et surtout du fait des épisodes de sécheresse des années 1972-1973, qui ont considérable-ment impacté la distribution des glos-sines dans la bande soudano-sahélienne, où se situaient la plupart des foyers de THA Burkinabé (Laveissière, 1976). En Côte d’Ivoire, quelques rares migrants, en provenance de la région de la Mara-houé, auraient pu constituer une opportu-nité pour la THA de se propager du Centre-Ouest vers le Sud-Ouest, mais cela n’a pas été le cas. La rapidité (moins de quarante ans) d’exécution du couvert forestier dans la zone de Méagui semble avoir laissé peu de chance au système pathogène de la THA de s’exprimer. La dynamique de peuplement impulsée par ces courants migratoires a profondément modifié la morphologie des trois territoires étudiés, à travers la création d’une multi-tude de campements et de hameaux et la mise en place d’un réseau de pistes denses reliant ces peuplements. De manière logique, la densité de la population de ces trois zones a augmenté. En pays Gouro, elle est passée de 12,5 hab/km2à la fin des années 1950 à 464 hab/km2à Bonon (multipliée par 37) et à 435 hab/km2à Sinfra (multipliée par 35).

À Méagui, la densité de population est pas-sée de 1 hab/km2en 1972 à 227 hab/km2

en 2015 (multipliée par 227). Comme on peut le constater à la comparaison de ces chiffres, la zone forestière ivoirienne est densément peuplée, et la forêt originelle a

été la première à subir les effets de cette anthropisation massive. La densité de population moyenne en zone de forêt ivoi-rienne en 2014 est estimée à 117 hab/km² (INS, 2014). Les densités de population observées dans nos trois zones d’études

sont donc bien au-dessus de la moyenne forestière. Cette augmentation des densi-tés de population n’a pas été sans consé-quence sur l’occupation du sol des zones de Bonon, de Sinfra et de Méagui.

Figure 139. Origine géographique des chefs de peuplement de la zone de Méagui et foyers de THA.

79 Discussion

Évolution

de l’occupation

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