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3. ANALYSE DES CHANGEMENTS LÉGISLATIFS ENCADRANT LA CONSERVATION DES MILIEU

4.3 La vision de l’Union internationale pour la conservation de la nature

L’UICN est composée de gouvernements et de sociétés civiles. Elle est particulièrement reconnue pour son travail de protection des espèces en péril et pour la création de l’outil de communication qu’est « la liste rouge mondiale des espèces menacées ».(UICN, 2019) En 2016, elle a publié une politique portant sur la

compensation de la biodiversité. Cette politique est très pertinente dans le cadre de cette analyse, car elle ne fait aucun compromis. Effectivement, au Québec comme ailleurs, les lois et politiques de conservation s’inscrivent dans un contexte politique et légal. Ce dernier peut limiter ou bonifier la portée de la politique. Pour ces raisons, la politique de l’UICN est plus détachée de tout élément partisan. La prochaine sous- section souligne les éléments pertinents de la politique pour l’analyse du modèle québécois. Dans le cadre de cette analyse, les éléments les plus importants à retenir sont : la précaution avec laquelle l’UICN recommande cette approche, l’importance qu’elle accorde à la hiérarchie d’atténuation et les conditions sous lesquelles la compensation est envisageable.

4.3.1 La politique de l’Union internationale pour la conservation de la nature

En 2012, prenant acte de l’intérêt et de l’utilisation grandissants par la communauté internationale des mesures compensatoires à l’atteinte de la biodiversité, l’UICN a mis sur pied un comité ayant pour tâche d’analyser la pratique. Rappelons que le système de compensation pour la perte des MH mis en place au Québec est une version plus ciblée de ce que l’on nomme ailleurs « biodiversity offsets ». La version québécoise n’encadre pas l’ensemble des pertes de biodiversité, mais seulement celles ayant lieu dans les MH. En ce sens, les grands constats qu’offre la politique de l’UICN sont tout à fait transposables au régime de compensation mis en place par la LCMHH. L’objectif du comité mis sur pied par l’UICN est d’offrir des outils permettant de guider les décideurs dans l’élaboration et la mise en place de cette pratique. La politique, adoptée en 2016, fait partie des outils mis sur pied par l’UICN (IUCN, 2016a).

4.3.2 Appliquer la compensation avec précaution

L’objectif de la politique de l’UICN : « consiste à fournir un cadre d’orientation pour la formulation, la mise en œuvre et la gouvernance de mécanismes et projets de compensation de la biodiversité » (traduction libre) (IUCN, 2016). Parmi les déclarations habilitantes de cette politique, l’une semble particulièrement porteuse de sens. Il y est mentionné que la politique : « reconnaît les risques élevés et le besoin de produire davantage de connaissances permettant d’affirmer que la compensation peut contribuer à des résultats de conservation positive » (traduction libre) (IUCN, 2016). L’UICN ne fait pas l’éloge de ce mode de conservation. La déclaration citée ci-haut met en relief la nécessité d’utiliser avec précaution ce nouveau modèle de conservation.

4.3.3 L’importance de la hiérarchie d’atténuation

Un autre élément intéressant de la politique se trouve dans sa section « Portée de la politique ». Il y est énoncé les conditions selon lesquelles la compensation peut ou ne peut pas être utilisée, mettant en relief les limites de cet outil. L’élément central se lit comme suit :

« Dans le cas des conditions spécifiques présentées dans cette Politique, la position de l’UICN est que les compensations relatives à la biodiversité peuvent contribuer positivement à la conservation. Cependant, les compensations relatives à la biodiversité ne sont pertinentes que pour les projets ayant rigoureusement appliqué la hiérarchie des mesures d’atténuation (éviter, minimiser, restaurer/réhabiliter et compenser) et lorsqu’un ensemble complet d’alternatives au projet a été pris en compte. » (traduction libre) (IUCN, 2016)

Dans cette déclaration, l’UICN met l’emphase sur la condition sine qua non de respecter la hiérarchie d’atténuation. Plus précisément, il est spécifié que c’est l’étape d’évitement qui est la plus importante et qu’en aucun cas la compensation ne doit servir d’excuse ou encore de « droit de détruire ». C’est pourquoi, selon l’UICN, il est important que la hiérarchie d’atténuation soit intégrée dans les outils de gouvernance. Comme il a été expliqué dans le chapitre 3 de cet essai, dans la section portant sur la LQE, la hiérarchie d’atténuation est inscrite dans la loi québécoise. Le sous-chapitre 5.5 qui porte sur hiérarchie d’atténuation se penche plus spécifiquement sur cet aspect.

Toujours selon l’UICN, la compensation doit servir à compenser les impacts résiduels de manière à accomplir l’objectif d’aucune perte nette ou encore un gain net. De plus, la politique stipule que sous certaines circonstances, les impacts ne peuvent pas être compensés. Par exemple, les projets touchant des espèces dont le statut de conservation est déjà fortement compromis, ou dont les connaissances garantissant l’efficacité de la compensation sont incomplètes, ainsi que les projets qui touchent un site dont les caractéristiques sont uniques devraient tous être évités.

4.3.4 Compenser la biodiversité seulement sous certaines conditions

Les articles de la section dix de la politique s’intéressent à des éléments clefs garant du succès des mesures de compensation. On mentionne tout d’abord les craintes de l’UICN concernant les difficultés de mesurer et d’échanger la biodiversité. Comme la majorité des projets de compensation doivent tenir compte de plusieurs espèces ainsi que de nombreux habitats, il est effectivement difficile de penser les projets de manière à ce qu’ils prennent en compte l’ensemble de ceux-ci. Il est donc important de mettre en place un système de suivi tenant compte d’une multitude de paramètres représentatifs du milieu impacté, ainsi qu’un suivi plus ciblé pour les espèces ou les habitats ayant un statut de conservation particulier. La

réflexion sur les méthodes de suivi se poursuit plus spécifiquement dans la section portant sur la biodiversité du chapitre 5.

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