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par Vincent Milliot et Philippe Minard

Dans le document Entretien avec 
Gérard Noiriel (Page 41-48)

ENTRETIEN AVEC GÉRARD NOIRIEL
 marginalisée depuis la fin du XXe siècle, au profit d’autres grilles d’interprétation culturelles, poli-tiques ou « identitaires ». En congédiant ce que l’on considérait comme né d’une prétendue vul-gate « marxiste » déterministe, présentée comme dominante dans les sciences sociales, simplifiant au passage des propositions bien plus riches et nuancées dans les faits, on pouvait aussi congé-dier une « question sociale » qui n’aurait plus eu lieu d’être. Au prétexte que les conditions so-ciales ne pouvaient, seules, tout expliquer, on leur déniait finalement le pouvoir d’expliquer quoi que ce soit.

Il arrive pourtant que les faits soient têtus et que le refoulé ressurgisse. Avant que la crise sociale que traverse la France depuis quelques mois ne semble redonner une actualité immédiate aux travaux qui analysent les dynamiques complexes, les tensions et les contradictions de la vie sociale, le marché de l’édition pouvait déjà témoigner de l’existence d’une curiosité en ces domaines. En attestent depuis une bonne dizaine d’années les traductions successives des travaux de Rediker consacrés aux gens de mer et à l’Atlantique révo-lutionnaire, chez des éditeurs militants mais aussi chez un « grand » éditeur, ou encore la traduction des écrits d’E. P. Thompson ou d’historiens 1685 à nos jours (La Découverte, 2016), ou par celui d’un groupe d’auteurs parmi lesquels les historiens Alain Croix et Didier Guyvar’h, His-toire populaire de Nantes (Rennes, 2017), don-nant le sentiment d’un nouvel engouement du public.

C’est dans ce contexte éditorial, historiogra-phique, mais aussi sociopolitique, que nous avons souhaité ouvrir le dialogue avec Gérard Noiriel pour comprendre, au-delà de « l’effet de mode » et de la pression médiatique, les significations possibles de ce renouveau d’une histoire sociale, exigeante, mais soucieuse d’être lue par le plus grand nombre.  Pour comprendre aussi ce que

faire et écrire une « histoire populaire » peut vou-loir dire, lorsqu’on est historien de métier et spé-cialiste reconnu, discuté, des sciences sociales.

Le dernier ouvrage de Noiriel s’inscrit dans une œuvre riche, ponctuée de travaux consacrés no-tamment à l’histoire de la classe ouvrière (Longwy. Immigrés et prolétaires (1880-1980), 1984 ; Les ouvriers dans la société française, 1986), à l’histoire de l’immigration (Le creuset français. Histoire de l’immigration (XIXe-XXe s.), 1988 ; Gens d’ici venus d’ailleurs. La France de l’immigration de 1900 à nos jours, 2004), à l’his-toire du « fait » national (État, nation et immigra-tion, 2001 ;  Qu’est-ce qu’une nation ? 2015), au racisme (Immigration, antisémitisme et racisme en France (XIXe-XXe siècles), 2009 ; Le massacre des Italiens. Aigues-Mortes, 17 août 1893, 2010).

Tous ces thèmes habitent son « Histoire popu-laire » qui met en perspective nombre de pro-blèmes d’actualité pour en renforcer l’intelligibi-lité : les transformations du monde du travail, l’importance des migrations dans la société fran-çaise, le débat sur la protection sociale, la crise de la représentation politique, du syndicalisme et des « corps intermédiaires », l’affirmation des revendications identitaires.

L’expression « histoire populaire » suscite au-jourd’hui un nouvel engouement et les ouvrages qui s’en réclament rencontrent un certain suc-cès public. Comment l’entendez-vous ? « Popu-laire » désigne-t-il un objet ou une méthode, une démarche ?

Il faudrait d’abord préciser le sens de ce que vous appelez un « nouvel engouement » pour l’histoire populaire, en procédant à une analyse sociolo-gique des formes de réception des ouvrages uni-versitaires. Si l’on prend le critère du nombre des exemplaires vendus, « l’engouement » pour mon Histoire populaire de la France est tout à fait relatif comparé aux ouvrages à prétention histo-rique de journalistes comme Stéphane Bern ou Éric Zemmour…

Autant que je puisse en juger, « l’engouement » dont a bénéficié mon livre a d’abord été limité au milieu intellectuel politisé à la gauche de la gauche. C’est la conséquence directe de mon choix de publier cet ouvrage chez Agone, un petit éditeur marseillais connu pour ses engagements civiques. La « promotion » du livre a d’abord été assurée par Le Monde diplomatique qui en a pu-blié des extraits en « bonnes feuilles » dès le mois d’août. Avant même la sortie du livre (mi-


ENTRETIEN AVEC GÉRARD NOIRIEL

septembre 2018), j’ai été invité dans des ren-contres militantes (festival d’Uzeste, université d’été de La France insoumise, Fête de l’Humani-té, etc.) et dans le vaste réseau des librairies avec lesquelles travaille Agone. J’ai bénéficié aussi des mutations récentes de l’espace public, qui résultent du développement extraordinaire de l’internet. J’ai notamment été invité par un col-lègue médiéviste, Julien Thery, pour la première émission de son émission « la grande H » sur Le Média, chaîne diffusée sur YouTube. Moi qui n’y connaissais pas grand-chose, j’ai utilisé Amazon et Twitter pour convertir le petit écho produit par mes prestations médiatiques en « amis » et en « followers » (plus de 5 000 aujourd’hui). J’ai ou-vert un blog qui a connu un certain

retentisse-ment parce que  j’ai abordé de front des questions sur lesquelles je reviendrai plus loin concernant la fonction civique de l’historien.

Dans un premier temps, c’est surtout dans ce pe-tit cercle que j’ai repéré un « engouement ». Mais à l’exception de L’Obs, les journalistes qui ré-gentent la vie intellectuelle parisienne n’ont pas accordé d’intérêt à mon livre. J’ai eu droit à un petit article dans Libération, mais pas une ligne dans Le Monde des livres. À partir de la mi-no-vembre, les choses ont complètement changé en raison du mouvement des Gilets jaunes. Le Monde a publié une longue tribune dans laquelle j’ai réfuté les qualificatifs péjoratifs d’emblée appliqués à cette lutte populaire (« jacquerie », 


Gérard Noiriel © Jean-Luc Bertini

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« poujadisme »). À partir de ce moment-là, les grands médias ont découvert mon existence et celle de mon livre.

J’en viens maintenant à la deuxième partie de votre question qui concerne la définition de

« l’histoire populaire ». Comme je l’explique ci-dessous, dans mon cas c’est le résultat d’une commande d’Agone, qui avait publié l’édition française de l’Histoire populaire des États-Unis d’Howard Zinn. Tout en me plaçant dans le sillage de cet historien que j’admirais, j’ai appré-hendé l’histoire populaire dans un sens un peu différent du sien, pour des raisons sur lesquelles nous reviendrons sans doute. Pour moi, l’histoire populaire n’est pas l’équivalent de l’histoire des classes populaires (même si j’utilise souvent cette expression pour désigner les classes dominées).

Dans ce livre, je définis le « populaire » comme une relation de pouvoir qui lie les dominants et les dominés au sein d’un même État.

Comment en êtes-vous venu à écrire une « his-toire populaire de la France », c’est-à-dire une synthèse de nature différente de vos travaux scientifiques passés ?

Au total, cet ouvrage m’a occupé pendant une dizaine d’années, mais avec de longues interrup-tions, dues notamment aux recherches que j’ai consacrées à l’histoire du clown Chocolat. L’un des intérêts que je voyais dans cette vaste entre-prise était, effectivement, qu’elle me permettait de présenter une « synthèse » de mes travaux an-térieurs, mais aussi de rendre hommage à tous ceux avec qui j’ai travaillé au cours de ma car-rière : les collègues avec lesquels j’ai tenté de promouvoir la socio-histoire comme un domaine propre de la recherche historique, les étudiants qui ont fait leur thèse avec moi et qui souvent n’ont pas trouvé d’éditeur, etc.

Ce souci de rassembler toutes ces recherches s’est imposé quand je suis entré dans la dernière ligne droite de ma carrière, lorsque j’ai vu se rap-procher le moment où j’allais prendre ma retraite (effective depuis septembre 2018). Même si, dans notre métier, ce n’est pas une rupture brutale, c’est quand même une période où la question du bilan se pose, où le désir de transmettre à la géné-ration suivante s’impose.

On retrouve dans votre livre, sur la longue du-rée, certaines questions ou grands thèmes

struc-turants de cette histoire de la France. Parmi eux, l’immigration et son traitement administra-tif, les dispositifs de son contrôle ; celui de l’ex-ploitation et de ses modalités (incluant l’escla-vage et le travail forcé) ou encore celui des formes de la représentation et de la participa-tion politique. En quoi l’approche en termes d’« histoire populaire » offre-t-elle un éclairage neuf ou différent ? Vue sous ces trois angles, l’histoire de la France se distingue-t-elle de celle des autres pays ?

Quand vous évoquiez plus haut la « synthèse de nature différente de [mes] travaux scientifiques passés », vous avez eu raison d’utiliser l’expres-sion « de nature différente ». En effet, le but n’était pas seulement d’intégrer dans ce livre des connaissances produites depuis une quarantaine d’années. Il s’agissait aussi de défendre une dé-marche scientifique. C’est à ce niveau que se si-tue le principal « thème structurant » de mon His-toire populaire. J’ai tenté de mobiliser la double formation que j’ai reçue en histoire et en sociolo-gie pour fabriquer une « grille de lecture » socio-historique de l’histoire de France. Sur le plan théorique, elle combine (principalement) les ap-ports de Karl Marx, Norbert Elias et Pierre Bour-dieu. La question fondamentale qui parcourt le livre est celle du lien social. Alors que les cou-rants dominants de la recherche historique (que ce soit l’histoire politique, l’histoire culturelle ou l’histoire des idées) raisonnent sur des entités collectives (l’État, l’Église, le Parti, l’Opinion publique, l’Imaginaire, etc.), la démarche socio-historique cherche toujours à retrouver les indivi-dus réels et les liens qu’ils tissent entre eux. Ce qui est très difficile parce que le socio-historien est bien obligé, lui aussi, d’utiliser des concepts généraux.

C’est ce genre de préoccupations qui a guidé mes choix. Dans ce livre, je pars du principe que « la France », ce sont tous les individus liés entre eux parce qu’ils sont placés sous la dépendance du même pouvoir souverain (l’État royal au départ, puis l’État national républicain), d’abord comme sujets puis comme citoyens. C’est ce qui justifie mon point de départ : le début du XVe siècle, quand Charles VII est parvenu à imposer de fa-çon définitive l’impôt royal. J’utilise l’expression

« relation de pouvoir » dans un sens neutre. Pour moi, les liens sociaux sont par définition des rela-tions de pouvoir, mais celles-ci peuvent prendre deux formes contradictoires : elle peuvent engen-drer des rapports de domination, mais aussi de la solidarité.

ENTRETIEN AVEC GÉRARD NOIRIEL

Ce schéma de base a guidé toute mon enquête et déterminé les choix que j’ai dû faire ensuite par-mi la multitude des travaux historiques qui existent aujourd’hui. Voilà pourquoi, comme vous le dites, la question de la domination est l’un des thèmes structurants de mon livre, depuis les formes anciennes de l’esclavage jusqu’aux formes actuelles du capitalisme néolibéral qui précarisent de plus en plus les salariés. Néan-moins, je m’efforce aussi de montrer qu’à chaque époque la domination a engendré de la solidarité.

Lorsqu’ils parviennent à réprimer une lutte so-ciale, les dominants croient toujours avoir annihi-lé définitivement les résistances populaires, mais celles-ci ressurgissent constamment sous une forme inédite (le mouvement des Gilets jaunes a parfaitement confirmé ce que j’ai écrit là-dessus dans mon bouquin).

Je précise que cette vision de l’histoire, je l’ai acquise dès mes premiers travaux. En 1979-1980, quand j’étais enseignant dans un collège de la banlieue de Longwy (Meurthe-et-Moselle), j’ai participé à la grande lutte des ouvriers de la sidé-rurgie contre la liquidation de leurs usines. Je leur ai consacré ma thèse pour montrer qu’on ne pou-vait pas comprendre la longueur (le conflit a duré plus de six mois), l’intensité et l’unanimité de ce combat si l’on ne connaissait pas l’histoire de ces

« hommes du fer », dans une région qui a été l’une des toutes premières terres d’immigration depuis le début du XXe siècle. Dans cette re-cherche, rééditée récemment par les éditions Agone [1], j’ai montré que le système de domina-tion qu’on appelle le « paternalisme », imposé pendant trois quarts de siècle par les maîtres de forge, joua un rôle essentiel dans la fabrication d’un monde ouvrier homogène, enraciné, qui a acquis peu à peu une forte culture de classe. Cette culture a cimenté des liens de solidarité qui ont transformé cette région en un bastion de la CGT et du PCF, jusqu’à la liquidation des usines.

C’est avec la même « boîte à outils » que j’ai traité d’autres aspects des relations de pouvoir, comme la question des migrations. Je montre qu’il s’agit là d’une dimension centrale de l’his-toire populaire. Quelle que soit l’époque, les mi-grants sont presque toujours des individus qui ont subi des formes extrêmes de domination sociale ; contraints de fuir le lieu où ils sont nés pour des raisons économiques ou politiques. Le principal changement se produit au début de la IIIe Répu-blique, au moment de la « nationalisation » de la

société française. Les migrants deviennent alors des immigrants, le clivage ville/campagne s’atté-nue au profit du clivage national/étranger. En jouant sur les discriminations liées à la nationali-té, la classe dominante parvient alors à affaiblir les résistances populaires, mais là aussi on voit émerger de nouvelles formes de solidarité (dé-fense des droits de l’homme, internationalisme prolétarien, etc.).

Comme vous le dites à juste titre, j’ai également analysé le thème de la représentation du peuple dans l’espace public avec ces mêmes outils, pour mettre en relief le clivage qui s’est sans cesse reproduit, depuis la Révolution française, entre une définition bourgeoise de la citoyenneté et une définition correspondant aux aspirations des classes populaires.

Quelle différence alors avec l’histoire sociale telle que la pratiquaient les historiens français des années 1960 et 1970 ? Pourquoi semble-t-il y avoir eu solution de continuité ? Avec plu-sieurs traductions récentes, les lecteurs français (re)découvrent E. P. Thompson et son héritage porteur d’une « histoire par en bas » : comment analysez-vous cette réception décalée d’ou-vrages déjà assez anciens ?

Dans la nouvelle préface que j’ai écrite pour la réédition de mon livre Immigrés et prolétaires, j’ai expliqué que j’avais été moi-même formé comme historien dans les années 1970, à une époque où « l’histoire par en bas » était très en vogue chez les étudiants et les jeunes universi-taires contestauniversi-taires. Bien que le livre d’ E. P.

Thompson The Making of the English Working Class n’existât pas encore en français, il a été l’un de mes livres de chevet à cette époque-là.

Néanmoins, quand j’ai écrit ma thèse et l’ouvrage que j’en ai tiré (paru aux PUF dans la collection dirigée par Dominique Lecourt et Étienne Bali-bar), j’ai pris mes distances avec la lecture thompsonienne de l’histoire populaire. Je suis très heureux qu’une nouvelle génération d’histo-riens redécouvre aujourd’hui cette perspective, dont je me sens toujours proche. Néanmoins, on oublie que la réception des ouvrages d’E. P.

Thompson a fait l’objet de polémiques d’autant plus acerbes que Thompson était lui-même très violent avec ceux qui n’étaient pas d’accord avec lui. Sans entrer dans les détails d’une question qui mériterait d’être creusée, je me sentais fina-lement plus proche du marxisme althussérien et de la sociologie bourdieusienne, parce qu’ils s’in-téressaient surtout au problème de la domination 


ENTRETIEN AVEC GÉRARD NOIRIEL

sociale plutôt qu’aux « résistances » populaires.

Je vivais moi-même à l’époque au sein de la po-pulation ouvrière du bassin de Longwy. Cette familiarité explique sans doute pourquoi je voyais dans l’exaltation des « résistances » une nouvelle forme du romantisme indécrottable d’une partie des élites intellectuelles. La théma-tique de la « conscience de classe », omnipré-sente dans le livre de Thompson, ne me convenait pas non plus. Sans nier tout ce qu’avait apporté à la connaissance du monde ouvrier son anthropo-logie historique, j’étais davantage séduit par les pistes nouvelles proposées par un autre historien anglais, Gareth Stedman Jones, dans son livre Languages of Class [2].

À qui s’adresse cette « histoire populaire » ? S’agit-il de retrouver la fibre de l’éducation po-pulaire ? Quelles sont alors les conséquences en termes d’écriture de l’histoire ?

La question de savoir à quel public s’adresse l’historien m’a toujours beaucoup préoccupé, peut-être parce que j’appartiens moi-même à la catégorie des « transfuges sociaux », ayant « mi-gré » d’un milieu social vers un autre. C’est ce souci qui m’a conduit, sur le plan épistémolo-gique, à me tourner vers le pragmatisme, cette approche philosophique qui aborde la question de la vérité comme un rapport social : un fait scien-tifique peut être considéré comme vrai s’il est validé par les pairs. Ce principe de « communau-té de compétence » est un idéal, souvent trans-gressé dans la pratique. Néanmoins, il structure les normes sur lesquelles reposent nos activités professionnelles (jurys de thèse, recrutements, comptes rendus de lecture dans les revues scienti-fiques, etc.). Il est bien évident qu’une histoire populaire de la France ne relève pas du même genre d’exercice. C’est une dimension de l’écri-ture de l’histoire qu’on appelle la synthèse. Elle est en rapport avec l’autre facette de notre métier d’enseignants-chercheurs : la transmission du savoir à des publics non spécialisés.

Comme je l’ai écrit il y a déjà longtemps, je pense qu’il est légitime qu’un historien puisse se livrer à différents types d’exercice, mais il faut éviter de les confondre. On ne peut pas évaluer une synthèse avec les critères qu’on utilise pour juger un travail pointu, fondé sur un travail d’ar-chives. Voilà pourquoi le mot « populaire », utili-sé dans le titre de mon livre, désigne aussi le pu-blic auquel je voulais m’adresser. Ne rêvons pas !

Il ne s’agit pas des classes populaires, mais plutôt du public intermédiaire : enseignants, étudiants, journalistes, salariés des métiers de la culture, etc. Quelques dizaines de milliers de personnes grâce auxquelles on peut espérer toucher un pu-blic plus vaste par toute une série de médiations qu’il serait utile d’analyser précisément.

Ce parti pris explique que, dans cette histoire po-pulaire, je me suis efforcé de traduire les connaissances issues des recherches savantes dans un récit accessible à tous, en évitant les notes de bas de page, les développements théo-riques, etc.

Comment voyez-vous, plus largement, le rôle de l’historien(ne), et comment peut-il ou peut-elle articuler sa fonction sociale et ses pratiques ? Lorsqu’on est soi-même issu d’un milieu popu-laire, avec des frères et sœurs qui sont toujours confrontés aux multiples formes de domination qu’impose aujourd’hui le libéralisme échevelé des gens qui nous gouvernent, on ne peut pas échapper à un certain sentiment de culpabilité.

Depuis que j’ai été recruté sur mon premier poste universitaire (à l’ENS-Paris), j’ai toujours eu le sentiment d’être un privilégié. C’est ce qui m’a poussé à ne jamais mettre mes deux pieds dans le monde académique. Depuis le début de ma car-rière, j’ai animé des associations d’éducation po-pulaire, d’abord quand j’étais enseignant à Longwy, puis à Paris. J’ai participé à la création de la Cité Nationale de l’Histoire de l’Immiga-tion (CNHI) sous l’égide de Jacques Toubon. Et j’ai démissionné avec sept autres collègues du conseil scientifique en 2007 quand le président

Depuis que j’ai été recruté sur mon premier poste universitaire (à l’ENS-Paris), j’ai toujours eu le sentiment d’être un privilégié. C’est ce qui m’a poussé à ne jamais mettre mes deux pieds dans le monde académique. Depuis le début de ma car-rière, j’ai animé des associations d’éducation po-pulaire, d’abord quand j’étais enseignant à Longwy, puis à Paris. J’ai participé à la création de la Cité Nationale de l’Histoire de l’Immiga-tion (CNHI) sous l’égide de Jacques Toubon. Et j’ai démissionné avec sept autres collègues du conseil scientifique en 2007 quand le président

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