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Vieillissement et apprentissage : synthèse et conclusion

CHAPITRE VII DISCUSSION GENERALE ET CONCLUSION

2. Vieillissement et apprentissage moteur

2.3 Vieillissement et apprentissage : synthèse et conclusion

L’ensemble des travaux ayant porté sur le vieillissement de la personne et l’apprentissage sensori-moteur a produit des résultats contrastés. Certaines études ont montré que les personnes âgées révélaient des difficultés pour apprendre de nouvelles habiletés motrices alors que d’autres ont conclu à une capacité d’apprentissage préservée au cours du vieillissement. Nous avons vu dans un premier temps, qu’engager les personnes dans un apprentissage de type implicite pouvait permettre de réduire, voire d’éliminer dans une certaine mesure les déficits dus à l’âge dans l’apprentissage de nouvelles habiletés motrices. Dans un deuxième temps, nous avons vu que cette possibilité était tout de même subordonnée à la relative simplicité de l’habileté à apprendre. Il est apparu que si l’habileté en question nécessite d’une part l’apprentissage de règles ou d’associations entre les évènements à apprendre complexes, ou si d’autre part, elle nécessite la production de réponses motrices complexes, les personnes âgées étaient en difficulté.

Dans son article de 1998, Willingham propose d’analyser les désaccords concernant l’effet du vieillissement sur l’apprentissage d’habiletés motrices à partir de la théorie de la vitesse de traitement de Salthouse (1996). Cette théorie suggère, comme nous l'avons vu, que la plus part, voire tous les déclins cognitifs liés à l’âge voient leur origine dans le ralentissement, au cours du vieillissement, de la vitesse de traitement de l’information. Il y aurait deux mécanismes par lesquels ce ralentissement entraînerait des déficits cognitifs : un

mécanisme de temps limité et un mécanisme simultané. Le mécanisme de temps limité

traitement lent entraîne que quelque opération ne sera pas complétée dans le temps alloué. Le

mécanisme simultané suppose que le traitement lent réduit la quantité d’information qui est

disponible simultanément pour être utilisée, parce que le produit des opérations précédentes ne serait plus disponible lorsque les opérations subséquentes seraient complétées. Ainsi, selon cette théorie, les personnes âgées devraient montrer des difficultés à apprendre des tâches pour lesquelles l’allure d’exécution est imposée par l’expérimentateur et/ou des tâches qui demandent un maintien simultané de multiples processus cognitifs en mémoire de travail. Leur traitement lent devrait dégrader ou rendre inutilisable l’information pertinente quand elle est nécessaire.

Loin d’être en opposition avec l’hypothèse de la complexité développée dans la section précédente, nous pensons que ces deux approches sont complémentaires puisqu’elles assument toutes les deux que la plupart des déclins cognitifs liés à l’âge résultent essentiellement d’un nombre très limité de facteurs généraux (comme la vitesse de traitement) plutôt que d’une multitude de facteurs spécifiques (Salthouse, 1991 ; 1996). Plus une tâche est complexe et nécessite des traitements longs, plus la vitesse de traitement réduite des personnes âgées augmente les différences liées à l’âge.

Appliquée au champ de l’apprentissage de Temps de Réaction Sériels par exemple, la théorie de Salthouse (1996) permettrait d’expliquer plus théoriquement la préservation ou le déficit d’apprentissage des personnes âgées en fonction de la complexité des séquences. Ainsi, selon le mécanisme simultané, les personnes âgées peuvent activer simultanément moins d’évènements que les jeunes ; il leur est ainsi plus difficile de détecter des régularités de deuxième ou troisième ordre, bref des régularités plus ambiguës ou plus complexes. De même, la théorie prédit que les personnes âgées sont plus susceptibles de montrer des difficultés lors de tâches pour lesquelles il y a deux choses à apprendre. C’est le cas par exemple de l’expérience de Harrington et Haaland (1992) qui nécessite un apprentissage sensori-moteur général d’association entre les stimuli et les réponses motrices et un apprentissage plus spécifique de la séquence de régularités d’apparition des stimuli.

A la suite de cette revue de travaux, plusieurs questions restent tout de même en suspens. Une première concerne l’opérationnalisation empirique de(s) la complexité(s) de la tâche. Dans la majorité des études, la complexité de la tâche est déduite à posteriori, d’après les résultats des participants aux études (Amrhein, 1996 ; Salthouse, 1991). Si l’objectif est de démontrer que la complexité de la tâche est la principale source d’explication des différences entre jeunes et âgés dans l’apprentissage d’habiletés motrices, il devient nécessaire de définir

clairement et de quantifier précisément a priori ce concept. Ceci n’est pas sans poser des problèmes, comme nous l’avons vu. L’évaluation univoque de la complexité de différentes séquences à apprendre dans le cadre de tâches de Temps de Réaction Sériels par exemple, est extrêmement difficile et surtout semble dépendre de ce que les participants apprennent réellement. De même, sur l’autre versant, il est nécessaire de quantifier précisément la complexité de l’exécution des réponses impliquées dans la tâche, si l’on veut en analyser les effets sur l’amplitude des différences entre jeunes et âgés du point de vue de l’apprentissage.

Une deuxième question concerne l’identification précise du principal facteur responsable d’un possible déficit d’apprentissage des personnes âgées. Les personnes âgées présentent-elles des difficultés particulières à apprendre des régularités complexes quelle que soit la difficulté des réponses motrices impliquées dans la tâche, comme le suggèrent les résultats de Curran (1997) ou ceux de Howard et Howard (1997) ? A l’opposé, la complexité des réponses est-elle responsable du déficit d’apprentissage lié à l’âge de ces mêmes régularités quelle que soit leur complexité intrinsèque, comme le suggèrent les résultats de Harrington et Haaland (1992) ? A notre connaissance, aucune étude n’a manipulé empiriquement dans une même expérience les deux sources de complexité d’une tâche comme nous les avons définies, afin d’examiner l’apprentissage moteur des adultes jeunes et âgés. Cette question reste donc à ce jour non résolue.

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