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La création de l’atelier de mime adapté à la psychomotricité

4. La vie à l’institution

Cette séance a eu pour objectif d’aborder la vie quotidienne des résidents. Le thème principal était les activités indispensables à l’autonomie, comme la préparation et la prise des repas, la toilette, les loisirs, ou encore les soins. L’activité du petit-déjeuner a été retenue, car c’est celle dont les résidents ont parlé spontanément lorsque le thème de la séance a été évoqué. J’ai cru remarquer que c’est cette activité qui a le plus éveillé leur intérêt.

Dans un premier temps, chacun a été amené à se concentrer sur tout ce que activité mettait en jeu : les transferts pour passer de la station debout à assise, les ajustements

posturaux une fois sur sa chaise, l’ordre dans lequel effectuer les actions, les notions spatiales pour disposer convenablement les éléments sur la table, les gestes à effectuer…Tous les résidents ont choisi de débuter leur scène déjà assis. La plupart ont réajusté leur position pour se rapprocher de la table. Je peux observer différentes praxies préservées, comme se servir un verre, ou le porter à ses lèvres, ou encore découper une tranche de pain pour ensuite la beurrer et la mettre en bouche. Mr M se trouve le dos appuyé contre son fauteuil, assez loin de la table. Il peine à effectuer les gestes, qui sont réalisés à un rythme saccadé. Ses membres supérieurs semblent rigides et les tremblements de ses doigts sont nombreux. En certaines

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occasions je ne suis pas en mesure de reconnaître de nombreux gestes qu’il effectue. Mme L quant à elle, observe beaucoup les gestes des autres participants pour s’en imprégner.

J’observe aussi des difficultés spatiales quand elle saisit et tente de manipuler les ustensiles. Lors du premier temps de verbalisation, Mme L m’exprime qu’elle ne parvient pas à se représenter cette scène et les actions qu’elle doit accomplir. Nous reprenons alors une scène classique du petit-déjeuner, que nous détaillons. J’invite Mme L à décrire les actions en même temps qu’elle les effectue : « J’ouvre le tiroir, je saisis le couteau avec ma main droite, je le ramène près de moi. Avec mon autre main, j’attrape le pot de confiture… » Tous ensemble, nous décrivons notre petit-déjeuner imaginaire. Cet exercice est l’occasion de visualiser plus précisément la scène et de revoir chaque geste en détail. De plus, les résidents sont invités à se concentrer sur leurs sens: le goût de la confiture, l’odeur du café, les couleurs des tasses, la texture du pain, les bruits provoqués par les ustensiles…Tous les sens viennent nourrir l’imaginaire et contribuent à rendre cette scène plus réelle. Ce temps est également mis à profit pour parler des ajustements posturaux. Grâce à des exercices de tirer-repousser, chacun peut ajuster sa posture. Mr M en profite pour se repositionner sur sa chaise et se redresser. La reprise de cet exercice me permet d’observer que Mme L semble moins démunie. Je vois qu’elle remue silencieusement les lèvres, et je devine qu’elle décrit les actions qu’elle effectue. J’observe beaucoup plus de gestes cohérents avec l’activité. Quant à Mr M, il se tient plus droit et semble plus présent. Son visage est un peu plus relâché. Il prend également le temps de humer plusieurs aliments avant de les déguster. Les notions spatiales ne sont en revanche pas davantage respectées.

La dernière partie de cet exercice a consisté à mettre les résidents par binôme, afin d’effectuer un travail en miroir. Un exercice assez complet car il reprenait les gestes travaillés précédemment, les ajustements posturaux, les adaptations rythmiques, le dialogue tonique, la régulation tonique, le schéma corporel, la planification, les coordinations et dissociations, ainsi que l’image du corps. Je note que Mr M évite de regarder sa partenaire dans les yeux, préférant utiliser sa vision périphérique. Ses gestes deviennent alors frénétiques, et ses

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mouvements se succèdent de manière désordonnée. Les tremblements au niveau des doigts sont majorés, et le contact avec sa partenaire est rompu. Je m’approche alors et après lui avoir proposé de se recentrer, je lui rappelle les consignes de l’exercice. Mme L de son côté

parvient à faire preuve de bonnes capacités d’accordage et de régulation tonique. Elle arbore un grand sourire et émet de petits rires occasionnellement.

Lors de la verbalisation, certains résidents mentionnent qu’il était délicat de faire l’exercice sous le regard de l’autre. Mr M exprime alors la honte qu’il avait ressentie. Il précise que les tremblements de ses doigts s’étaient majorés et qu’il s’était senti très exposé. Il n’avait alors plus osé regarder l’autre dans les yeux, et souhaité se soustraire à ce regard, trop pesant. Cela a provoqué une agitation psychomotrice, d’où la frénésie soudaine de ses gestes et la rupture du contact avec l’autre. Sa partenaire lui explique alors que cela ne l’avait pas dérangée, mais qu’il avait été très ardu pour elle de suivre son rythme. A la fin de la séance, Mr M vient me voir pour m’expliquer sa gêne à l’idée d’avoir mis sa partenaire en difficulté. S’en suit une longue conversation au cours de laquelle je m’efforce de rassurer Mr M sur ses capacités en surlignant les progrès qu’il effectue à chaque séance. J’expose alors à nouveau les principes de bienveillance du groupe, de non jugement, de non performance et lui rappelle les propos de sa partenaire qui n’avait pas été perturbée par ses tremblements. Mr M semble alors rassuré, et me promet de faire de son mieux, bien que cela ne soit pas nécessaire.

Mme L quant à elle parle de son quotidien, qu’elle décrit comme morose et de façon très mécanique. « A force de subir et de faire les choses sans y penser, on finit par ne plus en profiter » confie-t-elle sous l’approbation générale. Elle mentionne également l’utilité et le plaisir de renouer avec ses sens, ce qui lui permet de raviver des souvenirs, et dans le cas présent de renforcer son imaginaire. Cette séance a été pour elle l’occasion de palper un atout sensoriel de taille. Elle m’explique aussi que se concentrer sur l’utilisation de ses sens lui a permis de ne pas se perdre dans le fil de ses pensées et de garder le contrôle de la situation.

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