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La vie s’écoule et s’écroule

Dans le document KIMYA, Bruno MOUTARD (Page 105-200)

chapitre 14

J’ai grandi. De partout. trois années se sont écoulées, trente centimètres vers le haut, quelques-uns sur le périmètre abdominal, deux pointures en bas, neuf kilogrammes répartis je ne sais com-ment. et surtout des connections toutes neuves au niveau cérébral. mais attention, officieusement, parce que pour mes chers parents, j’étais toujours le cas François, emblématique manifestation d’un profond mal-être. l’objet d’étude pour mon chirurgien neurologue de père, l’objet de honte pour ma mère, l’objet qui ne servait pas à grand-chose, si ce n’était à la dérision, pour une fratrie brillante et fidèle aux lois du génotype.

Depuis trois ans je ne fréquentais plus cette magnifique usine à formater que l’on appelle école, ou collège, ou lycée en fonction de l’âge des pièces à mouler. après mon accident, ma convalescence, mes vacances, l’école m’a vu passer en coup de vent. trois petits tours et puis s’en va… Un demi-trimestre avait suffi à démontrer qu’un aéroplane bancal et fragile façon Jean mermoz ne peut suivre la patrouille de France, même pour de simples exercices. mon retard était tel que le conseil d’école proposa à mes parents une structure plus adaptée. oui, j’étais réellement le cas François. J’ai cru voir ma mère mourir à la lecture du courrier. le fruit de son utérus de reine dans un… établissement spécialisé. Un Fontaine dans un… un ins-titut. le fils du spécialiste du cerveau et de la moelle épinière dans une… une unité de suivi thérapeutique. mon père se montra à la

hauteur de la situation. il haussa les épaules et reprit ses consulta-tions à la clinique. néanmoins, le soir même, Philippe Fontaine sur-prit toute la petite famille réunie autour de la table. il avait réfléchi. rien d’étonnant, c’est un homme intelligent conscient de cet état de fait. ce qui était surprenant, en revanche : ses réflexions portaient sur un autre thème que sa personne, le libéralisme à l’occidentale, Fidel castro le félon, ou que l’argent. il s’agissait de moi. il choisit, dans un registre aussi étendu qu’un champ d’octaves pour chanteur lyrique, le ton qui lui parut le plus approprié.

Froid. Grave. Déterminé.

après un regard circulaire suivi des deux toux réflexes dans le nœud de son poing, il dit :

« Bon. J’ai bien réfléchi. François, tu ne peux pas continuer ainsi. tu perds ton temps. l’école n’est pas adaptée à ta personne. tu mérites mieux. »

J’ai dû encaisser ce «  mérite mieux  » comme câlinou une caresse de claudine Perrier, il me parut si décalé. mon père insista dans cette même direction :

« oui, je disais que puisque ces incompétents notoires ne sont pas aptes à te faire dépasser les objectifs, et que d’autres, dans leurs soi-disant établissements, ne feront pas mieux, je vais te trouver un précepteur particulier qui viendra te donner des cours à domicile. c’est la meilleure solution. on choisira un bon, un très bon péda-gogue. J’attends un nom. celui qu’un collègue m’a promis. le doc-teur Harmant, tu sais catherine ?

Haussement d’épaules.

mais si catherine, le cardiologue, il a un fils qui a connu quelques difficultés du même ordre. J’en saurai davantage la semaine prochaine. Voilà. Bon appétit à tous. Je ne veux plus entendre parler de tout ceci d’ici là. »

Fin. introduction pour fourchettes et couteaux, vive le concerto d’une table bien garnie !

Une semaine s’écoula sans nouvelle, si ce n’est la visite d’une conseillère de l’Éducation nationale venue en mission. c’était une femme gentille qui cumulait trop d’atouts pour catherine Fontaine. Belle à se crever les yeux, d’une intelligence supérieure et l’amabilité tout sourire au bord des lèvres. ma mère, constante dans le domaine de la jalousie pathologique, lui indiqua la direction de la mer, donc de la sortie. Puis, le lendemain si mes souvenirs sont exacts, mon père rentrait avec, méticuleusement rangé dans son portefeuille, le nom et le prénom de l’élu inscrits sur une carte banale, qui était une élue en l’occurrence :

Madame Claire Rieux, Route de la pointe, Agon-Coutainville.

Je me souviens. J’étais enlisé dans le vaste fauteuil du salon, le chat endormi sur mes cuisses, lorsqu’il lut à haute voix les trois lignes. « la magicienne qui va s’occuper de François est madame… » câlinou me griffa. miaula. Bondit sur le bras du fauteuil. Je n’aurais pas dû crisper mes doigts sur son échine. Pour autant, je n’avais pu retenir ce réflexe tant la surprise était forte. cette lecture à voix haute résonnait dans mon esprit. le nom, le prénom et l’adresse. mais sur-tout ce prénom : claire. claire. claire…

« c’est une femme très bien, m’a assuré Harmant, elle a fait des miracles avec son fils. »

il nous a rappelé à tous, nous les incultes, que rieux était le nom de famille du médecin dans le roman de camus, la peste je crois. mais le choix ne découlait pas de cette noble similitude. il avait des arguments le bougre.

« cinquante ans, un peu plus, jeune retraitée de l’Éducation nationale qu’elle a quittée parce que… je ne sais plus pourquoi, mais c’était une bonne raison. et je la comprends. elle a déjà travaillé à domicile pour des enfants de bonne famille. Harmant m’a dit qu’elle était d’une patience inouïe et d’une grande douceur avec les jeunes gens.

– et sinon est-elle… euh comme il faut, enfin…, hésita catherine, cinquante ans tu disais ?

– Passés. elle a eu deux enfants, indépendants aujourd’hui, un garçon qui travaille au canada, alexis, et une fille carine qui voyage énormément. sa solitude lui pèse. la passion de l’éducation a fait le reste.

– ne nous emballons pas, modéra ma mère, il faut qu’on la prie de venir nous rencontrer, avant de décider quoi que ce soit. Je te rappelle que j’avais dit Un précepteur de préférence, avec les adolescents c’est préférable. l’âge, Philippe tu me comprends n’est-ce pas ? »

ce que je compris, moi, et mon père devait partager cet avis bien qu’il ne réagît pas dans ce sens, c’est que je n’étais pas encore un adolescent, la réticence de ma mère n’était donc pas fondée, en revanche mon père était un homme, et un beau, un périssable, un de ceux qui peut s’évaporer si la chaleur d’une flamme se faisait trop violente dans la promiscuité d’une maison. D’où ce sourire en coin échangé entre nous. Un sourire qui ne me quitta plus de la soirée. l’air bête, aurait dit claudine. et si le hasard ne jouait pas des tours, à savoir l’existence hypothétique de plusieurs claire au même endroit au même moment, je connaissais cette femme de cinquante ans ayant deux grands enfants.

Depuis peu, quelques semaines en fait puisque c’était au début du mois de décembre, je l’avais rencontrée. Pas croisée, non. Vrai-ment rencontrée. Percutée même. tête rentrée dans les épaules, debout sur les pédales, j’achevais l’escalade d’une tête de dune coiffée de spartines et d’oyats et m’apprêtais au grand saut. celui d’où je sortais toujours grandi, presque médaillé et perlé de sueur. au dernier moment je l’aperçus. le haut du chevalet d’abord tel un mât d’artimon, la toile de lin et sa chevelure de peintre dans le vent, ensuite. nous avions poussé un cri, le même, et hurlé un gros mot, le même. nous étions fait l’un pour l’autre, la preuve était faite. Je ratai claire avec mon vélo, pas le chevalet. me désincarcérer, j’exa-gère mais cela fait si longtemps, lui demanda du temps. Vélo, che-valet, tabouret et jeune garçon tombé du ciel composaient un mécano

difficile à remettre en place. claire me demandait sans cesse où j’avais mal. nulle part en fait. mais je devais avoir mal, pour elle. il était impossible qu’il en fût autrement. elle s’en voulait. De quoi ? D’avoir été là, de peindre au pied de la dune, de ne pas avoir prévu. Pour un peu tout était de sa faute. et l’écorchure qui me zébrait l’avant-bras lui arrachait des grimaces démesurées et des hou lala plutôt comiques. « Hou lala quelle chute.  Hou lala mon pauvre garçon. Hou lala, il faut soigner ça tout de suite. Hou lala, j’espère que ton vélo n’a rien. »

madame Hou lala habitait à un jet de pierre du phare. sa maison, invisible de la route unique qui relie le monde à la pointe de ce monde, se nichait avec discrétion entre deux monticules enherbés consciencieusement broutés par les brebis et ensemencés de minus-cules boulettes réglisse. en chemin, et en boitant, nous avions fait les présentations. elle connaissait mon patronyme, mon père étant «  quelqu’un dans la commune  », et moi j’ignorais tout du sien. rieux, claire rieux. elle me confia qu’elle avait déjà eu l’occasion de me voir courir dans les prés salés, ou traverser la sienne dans une coque en plastique, ou encore chevaucher avec fougue mon vélo rouge. arrivé chez elle j’eus droit, dans l’ordre des apparitions, à l’eau oxygénée, au mercure au chrome puis à un morceau de gâche aux raisins secs superbement accompagné d’un jus d’ananas. Je dévorai ce quatre-heures improvisé en l’observant au travers de la fumée répandue par son mazagran de thé vert. elle n’était pas très jolie. elle aurait plu à catherine, ai-je pensé, et moins à Philippe. elle parlait beaucoup et moi, je me méfiais. J’étais toujours le pauvre garçon tombé de l’échelle, un jouet cabossé, celui qui ne fonctionnait plus vraiment comme avant. Pourtant, alors que je l’écoutais, séduit par son timbre édulcoré, ma propre voix intime me murmurait que non seulement cette femme ne présentait pas le moindre danger, mais qu’elle était une solution, un sésame qui pourrait, un jour, ouvrir les portes du mieux être.

« tu rêves ? tu ne dis rien. tu n’as pas trop mal au moins ? ça pique ? »

non, je ne disais rien. non, ça ne me piquait pas.

Je me concentrais sur sa voix, sur la mienne. J’étudiais cette femme, cette pièce qui lui ressemblait tant. sobre, propre, petite et peu lumineuse. aux murs, plusieurs tableaux apportaient une touche très colorée au gris jaune d’un mortier à la chaux. ils étaient son œuvre, à l’entendre et à la croire. tous les êtres humains ne sont pas des fabulateurs ou des menteurs y compris chez les adultes.

« Pas mal hein ! François ? ce sont mes huiles, et à côté j’ai des aquarelles et quelques monochromes, des encres. Je te les montrerai une autre fois, d’accord ? »

Une autre fois ? D’accord ? et comment ! Hocher la tête en me levant me parut une réponse somme toute acceptable. nous nous sommes quittés. le merci que j’aurais souhaité lui offrir demeura quelque part dans ma trachée. Je me contentai, en équilibre instable sur mon vélo, de lever le bras sans me retourner. ce geste valait un « à bientôt » impossible à formuler, mais ô combien ! espéré.

lorsque mon père et ma mère convinrent, devant moi, d’un rendez-vous avec madame claire rieux, cette dame que je n’étais pas censé connaître, j’avais retenu le cri qui voulait jaillir. De justesse. adopter le mouvement de balancier fréquent parmi les enfants enfermés dans l’autisme à nouveau me permit d’éluder le sujet, comme la question de mon père :

« tu es d’accord, François, tu veux bien rencontrer cette dame en fin de semaine ?

au plafond un chrysope se déplaçait au ralenti dans l’élégance de sa robe verte. il avait toute mon attention.

– tu parles dans le vide, il s’en fout. il se fout de tout, Philippe. J’en ai marre ! Que va-t-on faire de lui ? s’exclama ma mère les yeux au plafond.

avait-elle aussi une attirance singulière pour un insecte éme-raude marchant la tête en bas ?

ce qui est certain, c’est que depuis ma rencontre avec claire rieux dans le plus beau jardin du monde, l’estuaire de la sienne, et

à chaque fois que son prénom était prononcé ou simplement que l’idée de la voir m’attrapait par surprise, mon avant-bras me déman-geait. longtemps après la disparition de la cicatrice, à l’exact empla-cement, je me grattais en douceur. certains amputés connaissent paraît-il ce genre de « gratouille » concernant le membre depuis longtemps évaporé. la mémoire se cache dans de drôles d’endroits. complexe est le cerveau.

tiens tiens ! il faudrait que j’interroge un neurologue, un jour.

chapitre 15

carine et mylène avaient quitté un pays en proie à un conflit intérieur, le Zaïre, laissant derrière elles Kimya, ses frères, les

toutà-faireet tous les autres enfants égarés dans leur pays de naissance.

elles allaient vers la paix, en europe, en quelques heures elles y étaient. les enfants de la guerre restaient dans la guerre. et pour eux, ce n’était pas une question d’heures, ni de jours, de mois, ni même une question d’années. l’enlisement semblait programmé pour l’éternité dans cette afrique ensanglantée.

cette fin d’année, comme les suivantes, ne leur réservait pas de sort plus envieux. tel le vautour à dos blanc tournoyant dans le ciel de Kivu, le maréchal-Président mobutu, auto proclamé dès 1965, fut chassé de son aire après trente-deux années d’une dictature sau-vage. les enfants n’avaient connu que l’empreinte de ses serres, de son bec aquilin, que l’emprise d’un homme qui ne s’entourait que d’amis de son village, d’hommes de son ethnie et de mercenaires grassement payés sur le dos des plus pauvres. Un être abominable qui se faisait appeler Sese Seko Kuku Ngbendu Waza Banga (celui qui va de victoire en victoire sans qu’on puisse l’arrêter). À l’exception de courts épisodes heureux où la paix avait poussé comme un cham-pignon éphémère après une courte pluie, le chaos régnait en maître sur les contrées de l’est d’un Zaïre en cendre, sur les hommes. les deux institutrices avaient eu de la chance. oui, beaucoup de chance.

tomber d’un avion au cœur de cette parenthèse de l’histoire et sur-tout de partir à temps.

seulement la machine infernale reprit son œuvre maléfique sitôt leur départ avec l’arrivée du vautour remplaçant. Un affreux à tous points identiques à celui qui désormais se terrait dans la mala-die quelque part au maroc. laurent Désiré Kabila 1er. 1erdans l’hor-reur ? pas sûr, sur le podium, oui. Un pur produit de la guérilla et des trafics en tout genre, aidé puis imposé par les « gentils » voisins rwandais, ougandais et angolais. en mai 1997, il s’emparait des rênes du pays qu’il débaptisa aussitôt, en signe de rupture, pour lui attri-buer le nom de république Démocratique du congo (rDc). Un joli nom s’il en est, un bel adjectif, mais un gros mensonge. Une nouvelle monnaie apparaissait. Flottait un nouveau drapeau. De nouveaux hommes entraient au gouvernement, on remercie toujours ses anciens amis. et le peuple ? les habitants des grandes villes, des villages, les paysans ? et les enfants ? rien de neuf. Pour eux rien de grand, pas de beau. Progrès zéro. Kabila ? Un homme à la main de fer, au cœur de pierre, aux rêves de diamant, noir comme le pétrole au niveau de la couleur d’âme. Un minéral inaltérable. Dans la pro-vince de shaba, au pied des grands plateaux, les villages entiers se vidaient de leurs habitants. les conflits entre les dizaines d’ethnies, entre les Katangais d’origine et les Kasaïens, entre les belligérants des pays voisins, entre les défenseurs nostalgiques de mobutu et les partisans de laurent Désiré Kabila, entre les miniers et les paysans, provoquaient des exodes massifs.

certains villages disparaissaient. D’autres changeaient de peuple, de croyance et de langue. Parfois seuls les chiens hantaient les cases abandonnées. squelettiques, ils pouvaient se montrer dan-gereux pour les troupeaux et les enfants. et des enfants, malgré les massacres et les migrations forcées, il y en avait tant. Un adulte pour quatre à cinq enfants.

Pour Kimya, esengo et obengo, comme pour tous les gamins de brousse de la région des grands plateaux, une année à peine après le départ de carine et de mylène, la peur reprit ses droits. tous ses droits. elle occupait chaque parcelle de leur esprit, chaque fibre de

leur corps en pleine métamorphose. on effaçait les instants de bon-heur volés au maître du temps, et on recommençait à zéro, parfois plus bas encore. les menaces les plus folles se ressourçaient. les chiens errants affamés. les hyènes. les rebelles. les miliciens. les pros, les antis, les « je ne sais pas », les « je ne sais plus » ou les sim-ples bandits. l’armée régulière patrouillait à longueur de journée sur les pistes, dans les savanes comme le long des rivières. elle avait faim cette armée, et souvent demandait ou prenait le peu qu’il y avait. Une fois partie, car elle ne s’attardait jamais longtemps cette armée, les rebelles arrivaient, souvent de nuit, et détruisaient en répression pour cette aide involontaire ce qui tenait encore, et violaient, et tuaient. Puis, les miliciens venus de l’est du pays, les Kadogos et pour tout nettoyer, les hyènes encore, les chiens toujours. les hommes, les femmes et les enfants mouraient par milliers, oui par milliers, sans savoir qui les massacrait, pour quelles raisons. ils n’avaient rien, sinon la vie. les violeurs, les assassins, les bandits n’avaient pas davantage, sinon la haine. la vie en sursis, la mort, la haine, un quotidien à peindre en rouge et noir, un tableau que les rares occidentaux débarqués à l’aéroport de Kisangani, de Kigani ou de camembé près de Bukavu contemplaient de loin. la peur conta-mine les peaux blanches comme les peaux noires. Quelques-uns, des reporters courageux, dénonçaient et décrivaient, photographiaient et écrivaient ce que Kimya et ses frères enduraient au quotidien dans l’indifférence totale des autres peuples. Dans leur îlot de tranquillité, carine et mylène, la peur au ventre et le dégoût au bord des lèvres, lisaient ces articles effroyables de vérité, de détails et d’insoutenables images. les croire leur était aisé, elles savaient. et bien que séparées l’une de l’autre par plusieurs centaines de kilomètres, elles échan-geaient leur crainte par des courriers qui leur fabriquaient des larmes plein les yeux. elles se confiaient leur tristesse et s’accusaient de ne rien faire de mieux que de pleurer leur impuissance. elles avaient essayé de rentrer en contact avec nelson le chef de village devenu ami. elles avaient écrit à la mission du père Patrick, en vain jusqu’ici. elles ne savaient pas si celles et ceux qu’elles avaient aimés, aidés, relevés parfois, étaient encore de ce monde. elles ressentaient

une angoisse perpétuelle. Pas une journée ne s’écoulait sans qu’elles n’y songent. elles vivaient, avaient un travail, un salaire confortable leur assurant un toit, des repas, une démocratie capable de garantir

Dans le document KIMYA, Bruno MOUTARD (Page 105-200)

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