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Les auteurs73 qui se sont penchés sur ce portrait reconnaissent les traits de Vespasien. Ce- pendant, le reproche va à la restauration qui paraît excessive : elle aurait été « un peu plus loin que la surface faciale antique » comme le soutiennent Georg Daltrop et ses collègues74. A leurs yeux, le portrait est « iconographiquement et artistiquement sans valeur »75. Il est vrai que la surface trop abîmée complique la lecture de l’arrière du crâne. Toutefois, les traits du visage de Vespasien sont clairs et facilement compréhensibles. De plus, l’équipe allemande n’hésite pas à établir un lien comparatif entre ce portrait et celui conservé au Muzeo nazionale delle Terme, à Rome, au sujet du « caractère » et de la « chevelure »76.

De son côté, Kate de Kersauson ne doute pas de reconnaître les traits de Vespasien, malgré le nettoyage Campana. Elle trouve même des points communs avec d’autres portraits identifiés comme ceux du princeps. Elle s’attarde sur « les traits accusés par l’âge », ce qui lui permet de citer les portraits de Copenhague (I.N. 2585) et Florence comme comparants77. Par ce moyen, elle date alors le portrait du Musée du Louvre de la même époque que celui de la glyptothèque danoise, entre 76 et 79 apr. J.-C.

Cependant, certains détails éloignent les portraits de Paris et de Copenhague. Kate de Ker- sauson évoque « une calvitie prononcée »78 dans les deux cas ; la chevelure est moins simpliste. Le portrait I.N. 2585 de la glyptothèque danoise montre effectivement une calvitie bien avancée ; le sommet du crâne est bien dégarni. Toutefois, sur les tempes, des mèches sont incisées ; elles sont peignées du haut vers le bas et vers l’avant, tout comme sur le portrait de Paris. Dans les deux cas, il s’agit certainement d’une coquetterie pour cacher du mieux possible le manque de cheveux. Cepen- dant pour le togatus de Paris, les mèches des tempes laisse la place à une frange, certes haute mais existante. Par ce détail, le portrait parisien serait le plus jeune.

73 Kersauson 1996, p. 28 74 Daltrop – Wegner 1966, p. 78 75 Daltrop – Wegner 1966, p. 78 76 Daltrop – Wegner 1966, p. 78 77 Kersauson 1996, p. 28 78 Kersauson 1996, p. 28

32 Passons aux autres signes de l’âge : le jeu de rides est de même composition, tout en diffé- rant dans certains détails. Le nombre de rides est plus important à Copenhague qu’à Paris. Le front du premier portrait présente trois rides alors qu’on ne peut en décompter que deux pour le second. Les joues sont creusées pareillement par des sillons qui se rejoignent sous le menton ; mais encore une fois ils sont plus nombreux pour le premier avec trois sillons, que pour le second (deux sillons). De plus le compte des sillons, plis et autres rides vieillissent le portrait de Copenhague. Le portrait du Louvre peut être considéré comme représentant un princeps plus jeune et pourrait donc se rap- procher de ceux du type I.

Toutefois, un détail ne va pas dans ce sens ; sur le portrait du Louvre, les lèvres sont fines ; la lèvre supérieure disparait presque comme happée par la bouche. En comparaison avec le chef de file des portraits de type I, la différence est flagrante : le portrait découvert à Carthage et conservé au British Museum présente des lèvres relativement épaisses par rapport aux autres effigies de Ves- pasien. Sur le portrait Ma 1262, la bouche est composée par une lèvre supérieure nettement plus fine que la lèvre inférieure. Si cette organisation ne rappelle pas celle du portrait I.N. 2585 de Co- penhague, elle n’est pas non plus identique à la bouche du Vespasien conservé au British Museum. A quel type peut donc se rapporter ce portrait ?

La bouche du portrait de Paris se retrouve entre celle du type I et celle du type II. Un peu comme sur le portrait inv. 330 d’Ostie. D’ailleurs, la chevelure du Vespasien parisien est composée d’une façon qui rappelle beaucoup le portrait d’Ostie : une chevelure pleine qui laisse dégagé le haut des tempes. Le mouvement de mèches temporales est identique : elles sont peignées vers le visage, du bas vers le haut. Le princeps n’est donc pas chauve, bien que le début d’une calvitie soit sensible ; en effet, le retour des mèches vers le visage est une coquetterie que l’on retrouve sur d’autres portraits du princeps. Quoiqu’il en soit, le sommet du crâne n’est pas dégarni comme pour le portrait I.N. 2585 de Copenhague. La chevelure ne correspond pas aux types I et II mais semble plus comparable au portrait d’Ostie.

De même, l’affaissement des chairs ainsi que la pomme d’Adam proéminente sont autant de signes de vieillesse que le Ma 1262 partage avec le portrait d’Ostie. Le Vespasien parisien paraît se détacher des caractéristiques propres aux types I et II pour se rapprocher des portraits posthumes. D’ailleurs, les auteurs allemands, bien que considérant le portrait du Louvre inintéressant pour l’étude des traits de Vespasien, le rapprochent toute de même de la tête découverte à Ostie79

. De son côté, Kate de Kersauson préfère le rapprochement avec le portrait de Copenhague, de type II car

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33 tous deux présentent « des traits accusés par l’âge, une calvitie prononcée, le bourrelet subsourcilier appesanti sur la paupière supérieure »80.

Certes, les signes de l’âge sont communs aux deux portraits ; mais ils sont également com- muns à bien d’autres portraits du princeps. De plus, comme nous venons de le voir, la chevelure du Vespasien parisien est plus proche de celle du portrait inv.330 d’Ostie que du I.N. 2585 de Copen- hague. Il est vrai que dans le cas du portrait parisien, le bourrelet de la paupière supérieure fait dis- paraître le coin externe des yeux, comme sur le portrait danois. Toutefois, cette caractéristique se retrouve sur d’autres portraits qui n’appartiennent pas à la classification de type II, comme sur le portrait conservé à la Galerie des Offices, à Florence, considéré lui aussi comme posthume81. Les principaux indices viendraient à dire que le portrait Ma 1262 pourrait être un portrait posthume. Il aurait alors été créé après 79, année de la mort de Vespasien, et non pas durant les années 76 – 79 qu’avance Kate de Kersauson82

.

Toutefois, le style de l’œuvre parisienne semble éloigné des deux portraits utilisés comme référence pour les créations posthumes. Est-ce que cela est dû au nettoyage trop excessif réalisé par les équipes du marquis Campana ? Est-ce que le style est dû à une date de création plus tardive ? Il est difficile de trancher. Cependant, on peut écarter l’hypothèse d’un portrait non canonique, au sens où l’entend Lee Ann Riccardi83. En effet, l’auteur définit son concept à partir d’œuvres issues

des ateliers provinciaux. Or, la statue aurait été retrouvée à Pompéi : le concept ne saurait alors s’appliquer ici. Toutefois, devant le manque de renseignements précis, on ne peut être plus affirma- tif.

Si les principaux traits du premier des Flaviens sont reconnaissables sur Ma 1262, si les signes caractéristiques des portraits posthumes s’y retrouvent, le style semble échapper aux attentes des spécialistes. Il n’est pas étonnant que l’œuvre ait alors été d’une part rejetée du corpus des por- traits sérieux de Vespasien par les Allemands84 et par la suite, moins étudiée. Malgré cela, le por- trait porte bien le « caractère » de Vespasien85. Le camée conservé au Cabinet des Médailles per- mettra-il d’éclairer un peu le cas ?

80 Kersauson 1996, p. 28 81 Daltrop – Wegner 1966, p. 78 82 Kersauson 1996, p. 28 83 Riccardi 2000, p. 110 84 Daltrop – Wegner 1966, p. 78 85

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