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Vers une viable renaissance des vols supersoniques ?

Classification Business Jets

A. Vers une viable renaissance des vols supersoniques ?

Le futur de l’Aviation d’affaires est-t-il pour partie supersonique ?

C’est une question légitime car depuis l’arrêt d’exploitation du Concorde en 2003, plus aucun aéronef capable de franchir le mur du son (Mach 1) n’est actuellement opéré en transport civil de passagers.

Le Concorde ayant été retiré d’exploitation pour plusieurs raisons, notamment économiques. Les coûts de maintenances et d’opérations étant selon Air France trop importants, mais il est aussi probable que le crash du vol 4590 en 2000, de la compagnie, ait contribué à son déclin.

Mais de manière plus générale l’essor des vols supersoniques a été stoppé par la FAA (Federal Aviation Administration) qui depuis le début des années 70 a interdit le survol de son territoire par des avions supersoniques, car ces derniers génèrent lors du passage du mur du son le fameux « bang supersonique », accusé de pouvoir générer d’éventuels dégâts matériels au sol et pouvant incommoder des habitants. Bien qu’aucun dommage majeur n’ait été scientifiquement démontré, cette interdiction, toujours d’actualité, a suffi à limiter fortement le développement des avions supersoniques, les obligeant à n’effectuer que de rares lignes comme Paris-New York. Surmonter le problème du « bang supersonique » et de sa réglementation associée est donc un des défis majeurs à relever pour les vols supersoniques.

De plus, outre les coûts d’exploitation élevés (maintenance, consommation en carburant), le supersonique nécessite des investissements de développement conséquents, et est critiqué pour ses émissions importantes.

Néanmoins des projets relativement poussés d’avions supersoniques destinés spécifiquement à l’Aviation d’affaires, les Supersonic Business Jets (SSBJ), naissent à nouveau. Ces derniers ayant différentes stratégies, pour surmonter les obstacles du supersonique.

Différents projets pourraient être cités à l’instar du SAI Quiet Supersonic Transport, supporté par la Nasa et Lockheed Martin, annonçant pouvoir réduire de 99% le bruit généré par le bang du Concorde grâce à des avancées en aérodynamisme, ou encore le S-512 Spike aerospace proposant une cabine sans hublots, remplacés par des écrans, afin de gagner également en aérodynamisme et permettant d’améliorer la résistance de la structure. Mais ce sont les projets Aerion Corporation et de la compagnie Boom qui sont actuellement les plus avancés.

La société Boom propose un appareil ayant une capacité pouvant aller jusqu’à 45 passagers (ce qui ne correspond pas à une capacité habituelle d’un jet d’affaires), capable de voler jusqu’à deux fois la vitesse du son, soit environ Mach 2,2, et pouvant être commercialisé aux alentours des années 2025.

Cette société, supportée par Richard Branson, créateur notamment de Virgin Galactic, semble avoir résolu le problème de la consommation en carburant, cet avion devant être conçu en matériaux composites, par définition plus légers que l’alliage d’aluminium utilisé pour le fuselage du Concorde. Ce qui permettra de proposer des billets à des tarifs équivalent à 50% de ceux du Concorde, rejoignant au passage l’idée d’une certaine « démocratisation » de l’Aviation d’affaires. En revanche cette société ne résout pas la question du bang supersonique car elle espère un assouplissement de la législation américaine.

En attendant, preuve de la progressive concrétisation de ce type de projets jusqu’alors relégués aux statuts de concepts, le prototype XB-1, du futur Boom aircraft à échelle réduite, devrait être testé en vol au cours de l’année 2017.

Vue d’artiste du futur avion supersonique Boom, au côté du prototype à échelle réduite XB-1, prochainement bien réel.

Un second projet est celui du AS2 de l’avionneur Aerion Corporation, plus proche des standards et attentes de l’Aviation d’affaires.

Celui-ci est supporté par le constructeur Airbus et se présente comme étant un supersonique ayant une capacité d’environ 12 passagers et une vitesse comprise en 1,2 et 1,6 Mach.

Ce qui le distingue, c’est que ce projet ne mise pas sur un changement de la réglementation mais s’adapte à celle-ci. En effet, il est prévu que l’AS2 volera à une vitesse subsonique au-dessus des territoires interdisant les vols supersoniques (notamment les Etats-Unis), et ne franchira le mur du son qu’une fois au-dessus des océans. Cette stratégie pourrait ainsi être viable car nécessitant peu de changement réglementaire. Aerion annonce également que jusqu’à environ Mach 1,2 le bang du mur du son ne serait quasiment pas ressenti au sol.

Outre le fait que cet appareil respecterait la réglementation en vigueur, celui-ci semble plus adapté à l’Aviation d’affaires de par sa capacité, ses dimensions, et sa consommation, en comparaison avec le Concorde.

Un schéma comparatif du journal « L’Usine nouvelle »93 permet de se rendre compte de la différence entre un tel jet et ce que fut le Concorde :

93 P. Monnier « Aerion AS2, digne héritier du Concorde ? », L’Usine Aéro, 2015.

On remarque ainsi une différence de positionnement stratégique entre le Concorde, destiné exclusivement à être exploité en aviation commerciale et l’Aerion AS2 qui correspondrait plus à un usage propre à l’Aviation d’affaire.

La différence la plus notable étant la capacité en passagers de ces deux appareils, avec une différence de plus d’une centaine de passagers, bien que le Concorde n’ait que rarement été utilisé avec sa capacité maximale. Ainsi l’Aerion, se présente comme une version rationalisée et optimisée en matière de coûts de ce que pourrait être le supersonique de demain.

De plus la configuration de la cabine proposée est en tout point semblable avec celle retrouvée au sein des jets classiques, avec différentes « zones » de vie et de travail, contrairement au Concorde qui présente des rangées alignées de sièges business ou première classe. Ce qui démontre que ces nouveaux projets correspondent vraiment avec les usages de l’Aviation d’affaires, alors que les précédents supersoniques n’avaient pas cette vocation. C’est un point novateur.

D’ailleurs en ce qui concerne les intérêts que pourrait trouver l’Aviation d’affaires aux avions supersoniques, ils sont relativement nombreux.

On peut citer dans un premier temps un gain de temps notable, du fait qu’un vol supersonique pourrait permettre de diviser jusqu’à deux fois le temps nécessaire pour un trajet, en comparaison avec un vol effectué en avion de ligne ou en jet. Ce qui tend vers une plus grande flexibilité de l’Aviation d’affaires.

De plus les avancées technologiques en matière de recherches en aérodynamisme et également en consommation des moteurs, pourraient avoir des retombés bénéfiques sur la conception des jets conventionnels.

De même qu’une compagnie d’avion d’affaires incorporant dans sa flotte un avion supersonique pourrait bénéficier d’une image positive en pouvant se revendiquer comme étant à la pointe de la technologie.

Il serait également possible d’imaginer qu’à l’instar des partenariats entre compagnies majors et d’affaires, que des accords puissent être passés visant à offrir une continuité de vol pour un passager débarquant d’un jet supersonique et souhaitant poursuivre avec un appareil d’affaires, afin de rejoindre en temps réduit sa destination. En attendant la compagnie d’Aviation d’affaires Flexjet aurait dès maintenant passé commande d’une vingtaine d’Aerion AS2.

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De même un second frein à l’essor de ces projets est qu’il n’existe actuellement pas sur le marché de moteurs destinés à de tels appareils. GE Aviation a tout de même annoncé lors de l’EBACE 2017 travailler au développement d’un moteur destiné à l’Aerion.

Néanmoins il est intéressant de constater que ce marché intéresse un nombre important de ce qu’on peut qualifier de « micro-constructeurs », avec des sociétés privées ayant de forts pouvoirs d’investissement. Ce phénomène est également observé dans le secteur du spatial (Space X, Orion, Virgin Galactic) et il n’est pas étonnant de voir certaines d’entre elles graviter autour des projets de supersoniques. Ces dernières ont fait leur preuve en matière d’optimisation des coûts de lancement, et contribuent à une autre démocratisation relative, celle du spatial.

94 « Le bien-fondé économique de ces appareils restant à démontrer » Citation de N. Charrieau, du cabinet d’expert Airdjusting. A. Candau « Les petits constructeurs à la conquête du vol supersonique », Le Figaro.fr, 2015

Configuration possible d’une cabine d’Aerion AS2, en tout point similaire à celle des jets actuels

avec différentes « zones » de vie et de travail.

Il reste tout de même à garder à l’esprit qu’aucun de ces appareils n’est actuellement réellement opérationnel et il est donc peu probable que le futur proche de l’aviation d’affaires voit l’apparition d’une nouvelle segmentation supersonique au sommet de sa segmentation actuelle, ou alors de manière marginale. « Le bien-fondé

économique de ces appareils restant à démontrer » et le marché demeurant

Il est d’ailleurs peut être plus vraisemblable pour l’instant, de penser que le prochain engin de transport commercial de passager supersonique, sera au sol, avec le projet de train Hyperloop, imaginé par le même créateur que Space X.