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CHAPITRE III : LA MEDIATION CIRQUE DANS LA PRATIQUE PSYCHOMOTRICE

II- 4-1-2 vers une verticalisation plus assurée

Au bout d’environ six séances, une évolution de Léon s’est fait sentir. Il s’autorise plus de libertés lors des expérimentations corporelles, apparaît à l’écoute des propositions du groupe, et essaie de les réaliser, prenant son temps, mais semblant concentré sur la finalité du mouvement. Il est alors content de les partager, interpellant les différents adultes présents.

Par ailleurs, au sein du groupe Léon commence à prendre sa place. Il peut s’affirmer et se positionner dans le tour de rôle lors de la première séquence ou encore lors du choix du matériel. De plus, Léon est désormais capable d’amorcer une conversation avec les adultes, notamment lors des trajets. Toutefois, avec Sofian et Antoine, il continue de s’éloigner, ne s’intéressant pas aux mêmes divertissements que ses pairs. Ces difficultés relationnelles avec les enfants de son âge sont aussi retrouvées à l’école, Léon restant à l’écart, se plaçant dans des relations « de rivalité » et comprenant difficilement les échanges entre les enfants. Cependant, dans le cadre de « l’atelier cirque », le groupe composé de trois enfants peut-il influencer ce rapprochement entre Antoine et Sofian et l’éloignement de Léon ?

D’autre part, les différents objets et situations ont pu renforcer mes interrogations sur

la construction et l’intégration du bassin chez Léon. La jonction haut/bas, droite/gauche, ou

encore les rotations sont difficilement réalisables et demandent beaucoup d’énergie à Léon. La rencontre de ces quatre lignes virtuelles (horizontale, verticale et les deux diagonales) correspond au centre de gravité situé en avant de la troisième vertèbre lombaire. Il se construit et se développe dès la vie in utero, où le bébé est enroulé autour de ce centre. Après la naissance, le portage (occiput/bassin) permet au bébé de commencer à percevoir

75 une jonction haut/bas, constituant un premier sentiment d’unité. En suivant les lois de maturation céphalo-caudale et proximo-distale, accompagnées du portage physique et psychique, le bébé va contrôler le tonus cervical, dorsal puis lombaire et commencer à lever le bassin, à l’habiter. Les appuis et repoussés favorisent ainsi la construction de l’axe, le contrôle et la stabilité du buste, la coordination entre la vision fovéale et périphérique [55, 88].

En s’appuyant sur les mouvements retrouvés en acrobatie ou les objets de cirque, mais aussi sur l’attrait de Léon pour cette pratique, nous avons essayé d’adapter certains exercices à ces observations.

II-4-1-2-1. La bobine

Ainsi, lors d’une séance se déroulant dans la salle de cirque, j’ai utilisé la bobine pour faire sentir à Léon l’alternance et la rotation des jambes au niveau du bassin. Il était alors assis sur la bobine, les mains sur le haut des roues, et reculait le bassin afin de rester en place alors que la bobine avançait. Il a pu expérimenter pendant un certain temps ces sensations de balancements droite et gauche et avec un étayage verbal, commencer à percevoir cette jonction droite/gauche, haut/bas et rotatoire. Léon a alors rapidement progressé dans sa mobilité. En effet, lors de notre deuxième séance dans cette salle (3 semaines plus tard), le roulement du bassin était intégré ainsi que sa temporalité. Après quelques minutes de stupeur, Léon manifeste alors un grand enthousiasme, s’amusant à répéter l’exercice et demandant à le réaliser seul. Plusieurs essais, ma présence et mon regard sont alors nécessaires pour que Léon reste concentré sur le mouvement et sa temporalité, mais un lien se crée et Léon rigole et est fier de partager ses progrès.

II-4-1-2-2. La boule

Lors de notre deuxième séance dans la salle de cirque, nous avons pu proposer aux enfants de passer de boule en boule, s’échangeant ainsi leur « objet d’ancrage » (ces dernières étant stabilisées par un pneu). Léon a manifesté une certaine inquiétude, mais a su trouver les appuis nécessaires pour s’essayer à l’exercice. Ce dernier participe notamment à un travail de verticalisation et d’émergence du « je » (cf. p.11). Léon adoptait alors un mouvement adapté à l’objet (rond, dur), à sa distance mais aussi au temps mis par le copain pour quitter sa boule et passer à la suivante.

Au début, Léon restait agrippé à mon bras, les jambes fléchies, le regard fixe, très concentré. Au fur et à mesure, il a pu se redresser, un sourire est apparu, il a pu lâcher mon bras et me demander de rester prêt de lui mais sans le toucher. Cet exercice favorise aussi la coopération et la relation entre les trois enfants. Sur ce point, Léon regarde, fait attention à Antoine et Sofian, mais ne leur parle pas. S’il trouve que l’enfant derrière lui avance trop vite, ou au contraire, celui de devant trop lentement, Léon peut s’agacer, manifester de

76 l’impatience et le communique à l’adulte près de lui. Il s’appuie alors sur ce dernier pour entrer en relation et échanger.

II-4-1-2-3. Les pédalettes

Enfin, Léon s’intéresse beaucoup aux pédalettes. D’un point de vue psychomoteur, elles sollicitent la construction et l’intégration du centre de gravité afin de pouvoir se redresser, maintenir la station verticale et ajuster le tonus pour avancer. Lors du déplacement, le sujet peut sentir de façon assez fine, la rotation de la hanche mais aussi les différentes séquences et appuis du pas. Les premiers passages font resurgir chez Léon une posture avec une affinité postérieure faisant écho aux différents schèmes posturaux moteurs mis en avant par G. Denys-Struyf [55, p.98].

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