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Vers la détermination de la source des impuretés

Chapitre 3 : Impact du recuit laser sur les propriétés physiques du silicium

III.5 Vers la détermination de la source des impuretés

L’étude précédente a permis de mettre en évidence la dépendance du comportement des défauts par rapport aux conditions de recuit. A ce stade de l’étude, l’origine des impuretés est un verrou encore à lever. Nous avons donc mené des expériences afin d’éclaircir deux hypothèses extraites de la littérature.

III.5.1 Contribution de l’atmosphère

Les études menées par Hoh et Berti [9, 10] mentionnées dans le §I.2.2.3 (p. 23) ont avancé que l’atmosphère dans laquelle était effectué le recuit laser avait un rôle important. Dans cette étude, la pression atmosphérique a été modifiée afin d’évaluer cette hypothèse. Nous avons comparé les profils SIMS de concentration en oxygène d’un échantillon recuit à 4 J/cm² avec 10 tirs sous air ambiant « Air » et sous flux d’azote « N2 ». Cette comparaison est

faite à partir de la Figure III.24 qui montre une introduction d’oxygène dans tous les échantillons et une très forte concordance des profils, quelle que soit l’atmosphère. Aucune différence spectrale n’est notée entre un recuit « Air » et un recuit « N2 ». Par ailleurs, nous

retrouvons l’accumulation d’oxygène à l’interface liquide/solide. Nous pouvons conclure que la contribution de l’atmosphère à l’introduction d’oxygène est faible voire nulle.

Figure III.24 : Profils SIMS de concentration en oxygène obtenus sur des échantillons de silicium (S3- A) à 4 J/cm² et 10 tirs dans des conditions d’atmosphères différentes : sous air ambiant « Air » et sous

flux d’azote « N2 ».

Si cette hypothèse s’avère exacte, les atomes présents dans l’atmosphère doivent traverser la couche d’oxyde natif lors du recuit laser pour pénétrer dans le silicium. Pour évaluer cette possibilité, nous avons calculé la diffusion de l’oxygène dans le SiO2en prenant

en compte un coefficient de diffusion de 10-14 cm²/s à 1400 °C [11] pendant 400 ns. Il s’avère

que dans ces conditions, l’oxygène pénétrerait de 0,6 pm dans l’oxyde. Il semble donc difficile que l’oxygène puisse traverser la couche d’oxyde et diffuser dans le silicium.

III.5.2 Contribution de l’oxyde

La seconde hypothèse consiste à avancer que l’oxygène diffusant dans le matériau lors du recuit provient de l’oxyde natif présent à la surface de tous les échantillons [12]. En

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d’autres termes, lors de la fusion, les atomes d’oxygène de la couche d’oxyde en contact avec le silicium liquide se dissocieraient et pénétreraient dans la couche liquide. Pour évaluer cette possibilité, nous avons commencé par comparer la concentration d’oxygène dans la plaque après recuit laser et celle dans la couche d’oxyde de surface.

III.5.2.1 Evaluation de la dose d’oxygène

Pour évaluer la dose d’oxygène (DO2Si) présente dans nos échantillons, l’intégrale sous

la courbe des divers profils SIMS a été calculée en retirant l’artefact de surface (entre 0 et 100 nm) et le bruit de l’appareillage au-delà de 1,8 µm comme montré Figure III.25. Dans le cas du recuit de bilan thermique le plus élevé (8 J/cm² et 10 tirs), la dose calculée DO2Si est

égale à 6x1014 atomes/cm2.

Figure III.25 : Profil SIMS de concentration d’oxygène obtenu sur un échantillon recuit avec une densité d’énergie de 8 J/cm² et 10 tirs en trait rouge, l’aire hachurée est utilisée pour évaluer la dose

d’oxygène.

Estimons à présent la dose d’oxygène (DO2ox) contenue dans un oxyde natif

« standard » (~ 1 nm). A partir de l’équation (III.2), nous avons calculé la dose totale d’atomes d’oxygènedans cette couche d’oxyde et avons extrait la dose de l’oxygène.

𝛸′= 𝜌 𝒩𝐴

𝑀 𝑥 (III.2)

où Χ’ est la dose de l’espèce, ρ est la masse volumique du SiO2 (2,2 g/cm3), 𝒩A est le nombre

d’Avogadro, M est la masse molaire du SiO2 (60,08 g/mol) et x l’épaisseur.

A partir de cette équation, la densité atomique dans une couche d’oxyde de 1 nm déterminée est 4,4x1015 atomes/cm-2,dont 2/3 sont des atomes d’oxygène soit DO2ox est égale

à 2,93x1015 atomes/cm-2.

Si on compare DO2ox et DO2Si, il s’avère que la dose d’atomes contenus dans l’oxyde

est d’un ordre de grandeur supérieur à celle mesurée dans l’échantillon après recuit à 8 J/cm² et 10 tirs. DO2Si est compatible avec une couche d’oxyde d’une épaisseur de 200 pm, elle

pourrait donc provenir de la première monocouche de SiO2 en contact direct avec le Si liquide

(rayon d’un atome d’oxygène : 60 pm).

bruit artefact

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III.5.2.2 Simulation de la contamination par l’oxyde

Pour appuyer cette hypothèse, des simulations de diffusion de l’oxygène de la couche d’oxyde natif vers le silicium ont été effectuées en collaboration avec le CNR-IMM de Catane à l’aide d’un logiciel développé par ce groupe de recherche. Ces simulations prennent en compte la transition de phase du silicium de l’état liquide vers l’état solide, les équations thermiques et la diffusivité des dopants selon la loi d’Arrhenius (§I.1.2 p. 11). La température prise en compte est la température de la surface calculée pour chaque densité d’énergie.

Sur la Figure III.26, un « réservoir » d’oxygène libre de diffuser pendant le recuit laser a été modélisé avec une dose de 5x1013 atomes/cm-2 correspondant à celle obtenue par SIMS

sur un échantillon recuit à 8 J/cm² et 1 tir.

Figure III.26 : Boite d’oxygène modélisé pour simuler la dose d’oxygène incorporée pendant un recuit laser à 8 J/cm² et 1 tir.

La comparaison entre les profils simulés et expérimentaux des échantillons recuits de 5,6 à 8 J/cm² et 1 tir de la série S1-E sont reportés Figure III.27.

Figure III.27 : Profils simulés (traits pointillés) et expérimentaux (traits pleins) de concentration en oxygène obtenus sur des échantillons de silicium (S1-E) soumis à des recuits de 5,6 à 8 J/cm2 et 1 tir.

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Les résultats expérimentaux sont représentés en traits pleins et sont à comparer avec les résultats simulés en traits pointillés. Excepté l’artefact de surface sur les mesures, on observe un accord qualitatif entre les mesures et les simulations de diffusion de l’oxygène pour les densités d’énergie de 6,5 à 8 J/cm². Pour les densités d’énergie inférieures à 6,2 J/cm², une différence de profondeur de pénétration maximum de l’oxygène existe entre les résultats expérimentaux et simulés (+ 200 nm pour l’énergie de 6,2 J/cm²). Ces simulations sont en cours d’optimisation avec à l’étude notamment l’ajustement du « réservoir » simulé pour chaque énergie et la prise en compte d’un régime de diffusivité autre pour les faibles énergies laser.

III.5.2.3 Confirmation de la source de contamination

La plus probable des deux hypothèses précédemment explorées est celle qui mentionne l’oxyde natif comme étant la source des impuretés d’oxygène. Nous avons donc conduit une expérience afin de valider cette possibilité.

Nous avons soumis au recuit laser trois plaques dont l’état de surface est différent. Une plaque avec un oxyde chimique d’épaisseur égale à 0,3 nm grâce à un nettoyage au buffer HF effectué avant le recuit laser, une plaque avec un oxyde thermique de 4 nm et une plaque avec une épaisseur d’oxyde chimique identique à celle jusqu’ici étudiée (~ 1 nm), ces échantillons composent la série S4-Ox.

Nous avons reporté sur la Figure III.28 les profils SIMS de la concentration en oxygène en profondeur de ces trois plaques. Les profils des échantillons avec un oxyde chimique (trait bleu) et un oxyde natif (trait rouge) sont proches.

Le nettoyage au buffer HF limite l’épaisseur de l’oxyde natif à 0,3 nm. Dans ce cas, si l’oxygène provenait de l’atmosphère, l’épaisseur d’oxyde à traverser étant plus faible, une quantité plus importante d’oxygène devrait pénétrer dans le silicium. De plus, l’oxyde de 0,3 nm d’épaisseur contient une dose de 9x1014 atomes/cm2, dose qui reste supérieure à celle

mesurée dans les échantillons recuits à 3,6 J/cm² et 10 tirs (~ 1x1013 atomes/cm2).

Figure III.28 : Profils SIMS de concentration en oxygène obtenus sur des échantillons de silicium (S4- Ox) soumis aux mêmes recuits (3,6 J/cm² et 10 tirs) avec des états de surface différents : un oxyde

chimique de 1 nm, un oxyde natif de 0,3 nm et un oxyde thermique de 4 nm.

Dans le cas de l’échantillon avec un oxyde thermique, la diffusion de l’oxygène est supérieure de 80 nm par rapport à celle dans les échantillons avec oxydes natif et chimique.

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L’oxydation thermique, étant réalisée à haute température, permet d’améliorer la qualité de l’interface SiO2/Si (peu ou pas de contamination carbone). Les liaisons Si – C sont donc peu

présentes contrairement au cas d’une oxydation sous air ambiant. On peut considérer que cette interface modifie la diffusion de l’oxygène dans le silicium fondu par le traitement laser. Dans cette hypothèse, il s’agit donc de s’intéresser à la concentration de carbone.

Le comportement des impuretés de carbone a été suivi, les spectres SIMS sont reportés sur la Figure III.29. Le spectre obtenu sur l’échantillon recuit avec 4 nm d’oxyde thermique est très proche de celui obtenu sur l’échantillon non recuit, la pénétration d’atomes de carbone est donc nulle ou limitée à une région proche de la surface du silicium.

Les deux spectres obtenus sur les échantillons avec oxyde natif montrent la présence de carbone et des profondeurs de diffusion très proches, légèrement plus faible pour l’échantillon dont la surface a été traitée au buffer HF. Cette différence peut s’expliquer par le traitement dans un environnement de salle blanche avec une atmosphère contrôlée. Par ailleurs, les concentrations dans une zone proche de la surface (de 0 à 250 nm) sont par contre similaires.

Figure III.29 : Profils SIMS de carbone obtenus sur des échantillons de silicium (S4-Ox) soumis aux mêmes recuits (3,6 J/cm² et 10 tirs) avec des états de surface différents : oxyde natif de 0,3 et 1 nm et

un oxyde thermique de 4 nm.

Ainsi, l’état de la surface avant recuit conditionne la présence ou non de carbone dans le silicium. Dans le cas de l’oxyde natif, des atomes de carbone sont piégés à l’interface SiO2/Si, ces impuretés carbonées tout comme les impuretés d’oxygène pénètrent dans le

silicium lors de la fusion. L’hypothèse que la contamination provient de l’interface SiO2/Si

semble se confirmer.

Ces mêmes échantillons ont été caractérisés en photoluminescence. Les spectres obtenus sont présentés Figure III.30. Le spectre de l’échantillon avec l’oxyde thermique en surface ne présente aucun pic excepté celui de la transition bande à bande du silicium. A contrario, les pics G-line et C-line sont observés sur les spectres obtenus sur les échantillons avec une couche d’oxyde natif en surface.

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Figure III.30 : Spectres de photoluminescence obtenus sur des échantillons de silicium (S4-Ox) soumis aux mêmes recuits (3,6 J/cm² et 10 tirs) avec des états de surface différents : oxyde natif « OxN » de

0,3 et 1 nm et oxyde thermique « OxT » de 4 nm.

III.5.3 Conclusion

Les différentes hypothèses sur l’origine des impuretés ont été discutées ; celle impliquant l’air ambiant a été écartée du fait de la similitude des profils SIMS obtenus sur des échantillons soumis à un même recuit dans différentes atmosphères. L’hypothèse la plus probable reste la seconde, c’est à dire une contamination venant de l’oxyde natif. Les calculs de doses d’oxygène présentes dans les échantillons recuits sont tout à fait compatibles avec une dose d’oxygène provenant de l’oxyde natif. Par ailleurs, les spectres simulés de diffusion d’oxygène dans le silicium concordent avec les spectres SIMS expérimentaux.

Afin de soutenir cette supposition, nous avons soumis au même traitement thermique des échantillons présentant des surfaces différentes (oxyde natif de 0,3 nm, oxyde chimique de 1 nm et oxyde thermique de 4 nm). Une augmentation de la pénétration de l’oxygène a clairement été observée dans le cas de l’échantillon avec l’oxyde thermique « propre », augmentation liée à l’absence d’impuretés de carbone. Nous avons donc conclu que la contamination d’oxygène et de carbone provient de la couche d’oxyde en contact avec le silicium liquide au cours du recuit.