• Aucun résultat trouvé

2 Verrous scientifiques de la simulation moléculaire en Génie des Procédés.

Le challenge de l’utilisation de la simulation moléculaire en Génie des Procédés réside principalement dans la difficulté à faire le lien entre les propriétés macroscopiques et leur description ou celle de paramètres mésoscopiques significatifs à l’échelle moléculaire. Comme d’autres outils, la simulation moléculaire s’intègre dans la démarche multi-échelle du Génie des Procédés. La relation micro – macro peut être simple : en distillation la connaissance des données d’équilibre liquide – vapeur permet d’aller très loin dans l’étude et la conception du procédé. En mise en forme des solides, c’est plus complexe : les propriétés d’un comprimé (compactibilité, friabilité, dissolution) sont liés à la cohésion des granulés, à la solubilité des substrats. Les modèles actuels intègrent ces notions sous forme de paramètres fourre-tout tels que les paramètres de solubilité. En regardant de plus près ces concepts anciens mais très utiles, on peut identifier des contributions essentiellement énergétiques (répulsion – attraction de Van der Waals, forces coulombiennes, …), justement le domaine d’application de la simulation moléculaire. Mais constat optimiste ne doit pas faire sous estimer l’importance des paramètres opératoires sur la taille des granulats, l’épaisseur et l’homogénéité des couches de substrats. Dans ces conditions, l’identification des phénomènes limitants est une priorité avant de se lancer dans la simulation moléculaire.

Un frein est la taille des systèmes moléculaires que l’on peut modéliser même si des artifices tels que les conditions périodiques des systèmes modélisés et la puissance croissante des ordinateurs atténuent ces restrictions. Quelques milliers de particules au plus qui, répliqués périodiquement, reproduisent une phase homogène avec ou sans interface.

Cependant, un des atouts de la simulation moléculaire est que ses bases théoriques issues de la thermodynamique statistique permettent de simuler, sans autres hypothèses contrairement à une théorie, directement, des états du système modèle et apportent un surcroît de connaissance qui peut conduire à devoir reconsidérer la formulation et les paramètres des modèles macroscopiques employés jusqu’alors.

Trois verrous scientifiques sont identifiables en simulation moléculaire :

(i) la modélisation détaillée des interactions notamment entre composés polaires, éventuellement des électrolytes ; pour dépasser les modèles moléculaires actuels qui s’appliquent aux corps peu polarisés comme les hydrocarbures linéaires et suppléer les modèles thermodynamiques macroscopiques non extrapolables et trop peu universels.

(ii) l’élaboration d’une méthodologie de calcul théorique permettant le calcul direct des propriétés qui intéressent le Génie des Procédés. En effet, les méthodes de simulation moléculaires actuelles permettent d’obtenir des propriétés d’ensemble (courbe d’équilibre liquide – vapeur) mais c’est presque toujours un point particulier (azéotrope, température de rosée, coordonnées critiques) qui manque en Génie des Procédés.

(iii) L’intégration des mécanismes moléculaires dans des modèles applicables pour l’étude de systèmes macroscopiques et de leurs propriétés.

a La modélisation des interactions

Le challenge posé par la modélisation des interactions est tout à fait à la portée des connaissances et des compétences actuelles pour les petites molécules, électrolytes compris. Les macromolécules (polymères ou protéines) posent plus de difficultés par leur taille.

La modélisation des interactions réfère au système modèle du système réel sur lequel sont effectuées les simulations numériques. Le système modèle est défini par :

131 II Erreur ! Source du ren voi introu vabl e.

VII – APPROCHE « PRODUITS » - LA SI

MULATIO N MOLE CUL AIRE EN GE

NIE DES PROCEDES

• un champ de force ou champ de potentiel qui décrit les interactions énergétiques entre les éléments du système modèle et permet de calculer l’énergie du système.

Pour le calcul des propriétés d’une phase stationnaire, l’enceinte devra être représentative d’un élément homogène de la phase réelle, sans frontières. Pour l’étude d’une interaction avec une interface, l’enceinte devra comporter à sa frontière ou en son sein l’interface. Des effets de bords sont à prévoir et pour les atténuer il est nécessaire d’augmenter la taille du système modèle.

En général l’enceinte est un parallélépipède mais d’autres configurations ont été testées (octaèdre). Sa taille se mesure en multiples de la taille caractéristique des particules placées dans la boite : quelques nanomètres dans le cas de molécules, quelques micromètres si la simulation est faite sur des macromolécules modélisées par des ovoïdes.

L’élaboration d’un champ de force nécessite une coopération étroite avec des chimistes et physiciens théoriciens. En effet, les modèles développés peuvent être de natures très différentes :

• modèles quantiques

• modèles de mécanique moléculaire

Les premiers utilisés en modélisation statique et naturellement en mécanique quantique numérique calculent les propriétés nucléaires et électroniques du système et par conséquent l’énergie vraie du système (ex. l’énergie de ionisation) mesurable physiquement. Les seconds sont utilisés en simulation moléculaires calculent des propriétés intensives (T,P) et extensives parmi lesquelles l’énergie interne du système qui n’est pas mesurable directement par l’expérience mais permet de calculer des propriétés thermodynamiques en utilisant les lois de la thermodynamiques. Par contre, des grandeurs reliées à des différences d’énergie interne (ex. enthalpie de vaporisation) sont mesurables physiquement.

Les modèles de mécaniques moléculaires sont les plus employés et sont basés sur une description mécanistique des liaisons intermoléculaires sous forme de ressorts et intramoléculaires sous formes de potentiels d’interactions (Van der Waals, Coulomb). Plus globalisant que les modèles quantiques applicables à quelques dizaines d’atomes au mieux, ils permettent des calculs sur des systèmes de plus grande taille (plusieurs centaines de particules) qui sont capables de modéliser des systèmes réels de façon satisfaisante. Les modèles de mécanique moléculaire comportent cependant encore des paramètres empiriques qui doivent être confrontés à des données expérimentales et aussi des paramètres physiques évalués à partir de calcul par des méthodes de mécanique quantique. Cependant, cet empirisme est atténué par la signification physique que l’on peut donner aux paramètres. En outre, les champs de force ont démontré une généricité étonnante : ils sont valables dans un très large domaine de température et de pression, extrapolables, utilisables pour un grand nombre de propriétés et peuvent concerner toutes les molécules complexes (isomères, électrolytes) ; … des atouts que l’on doit certainement aux bases théoriques solides de la modélisation moléculaire et qui sont moins solides dans la plupart des modèles macroscopiques existants. Actuellement, de nombreuses équipes de par le monde sont impliquées dans cette démarche de modélisation des interactions qui se structure par l’intermédiaire d’un concours pluriannuel (le premier a eu lieu en 2002) proposant aux différentes équipes des benchmark pour évaluer les différents modèles. De plus la collaboration avec les chimistes et physiciens théoriciens permet aussi d’étudier comment calculer a priori les quelques paramètres empiriques restants et ainsi renforcer les bases théoriques de l’approche par simulation moléculaire. Cette démarche est appliquée dans l’exemple n°2 issu de la thèse de Mohammed HADJKALI sur le développement d’un potentiel générique pour la prédiction des propriétés d’équilibre liquide – vapeur des nitriles.

b Une méthodologie de calcul théorique

Le deuxième verrou nécessite une implication plus forte du Génie des Procédés qui peut orienter les recherches vers la prédiction de propriétés particulières plutôt que globales : l’azéotrope, les

132 II Erreur ! Source du ren voi introu vabl e.

VII – APPROCHE « PRODUITS » - LA SI

MULATIO N MOLE CUL AIRE EN GE

NIE DES PROCEDES

coordonnées critiques, la température (pression) de rosée et la température (pression) de bulle plutôt que la courbe d’équilibre liquide – vapeur tracée point par point. Les exemples ne manquent pas. La participation des chimistes et physiciens théoriciens est importante afin de valider les outils de simulation et de les développer en accord avec le formalisme théorique de la mécanique quantique et de la thermodynamique statistique. Cette démarche est actuellement appliquée dans la thèse de Mohammed HADJKALI pour développer une méthode de calcul direct des azéotropes dans l’ensemble statistique grand canonique µVT.

Avec ce deuxième verrou, le Génie des Procédés trouve une nouvelle utilisation des outils de simulation moléculaire : non seulement ils permettent d’obtenir des valeurs particulières mais permettent aussi d’étudier les systèmes dans des configurations associées à ces valeurs. Par cela, ils deviennent des outils de découverte au même titre que les outils d’expérimentation.

c Une démarche multi-échelle

Mais la portée scientifique de la simulation moléculaire doit dépasser l’obtention de données physico- chimiques. En qualité de technique d’expérimentation, elle permet de visualiser à l’échelle moléculaire des phénomènes physico-chimiques et peut donc servir à développer ou à revisiter des théories, des modèles ou des paramètres de modèles. Il se produit en thermodynamique statistique une tendance semblable à celle observée en mécanique des fluides où les solutions analytiques laissent de plus en plus la place à des solutions numériques obtenues avec des outils capables de simuler des systèmes plus complexes. En effet, l’étude de systèmes toujours plus réalistes et complexes se fera par des outils numériques comme ceux de la simulation moléculaire.

La figure 50 présente les interactions complémentaires du Génie des Procédés et de la Modélisation moléculaire.

Le chevauchement des disciplines est appelé à se renforcer : sous une incitation de plus en plus forte

Chimie quantique Génie des Procédés Modélisation moléculaire

procédé opération unitaire interface molécule

MACRO MICRO MESO NANO

simulation moléculaire Modélisation et simulation des procédés

flowsheet macroscopiques microscopiques Mécanique des fluides numériques Approche

expérimentale

133 II Erreur ! Source du ren voi introu vabl e.

VII – APPROCHE « PRODUITS » - LA SI

MULATIO N MOLE CUL AIRE EN GE

NIE DES PROCEDES

de contrôler les propriétés d’usage des produits finaux, le Génie des Procédés cherche à accroître sa connaissance des phénomènes fondamentaux jusqu’à des échelles de plus en plus fines. Pour cela, il a à sa disposition des techniques expérimentales ou des techniques numériques (ex. mécanique des fluides numériques, modèles ‘Rate Based’ microscopiques) qui restent cependant limitées à des échelles mésoscopiques et ne représentent pas bien les phénomènes énergétiques. C’est justement l’objet des outils de modélisation moléculaire. Ceux-ci progressent chaque jour vers la simulation de systèmes toujours plus réalistes et complexes.

Les modèles de procédés sont par essence des modèles de connaissance qui essaient de modéliser les phénomènes physico-chimiques qui interviennent dans les procédés. Dans la plupart des domaines, il faut nécessairement concevoir une démarche multi-échelle macro – méso , méso – micro , micro – moléculaire capable de descendre jusqu’à la molécule si nécessaire et faire intervenir des modèles moins rigoureux qu’en simulation moléculaire mais plus familiers pour le Génie des Procédés. La difficile démarche consiste à identifier au fur et à mesure que l’on descend dans les échelles de taille et de temps les paramètres des modèles qui peuvent être calculés à l’échelle inférieure plutôt qu’identifiés empiriquement. Ainsi, on espère renforcer les bases théoriques des modèles et accroître leur capacité de prédiction, d’extrapolation.

Cette démarche encore balbutiante est appliquée dans la thèse de Mohammed BENALI sur l’approche thermodynamique pour la prédiction des propriétés d’usage des produits pulvérulents lors des étapes d’enrobage et/ou de granulation (thèse démarrée en septembre 2003 ; action qui a reçu le soutien d’une ATIP SPI en 2002).

Documents relatifs