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C) Thérapie génique

2) Vecteurs viraux adéno-associés (AAV)

Au cours des dernières années, les AAV ont été testés dans de nombreuses approches de thérapie génique. En effet, malgré leur faible capacité de stockage (environ 4 kb), les vecteurs viraux recombinants construits à partir d’AAV sont sûrs, car ils ne sont pas

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intégratifs. De plus, leur forme naturelle est non pathogène et ils permettent une bonne expression du transgène à long terme (Berns and Muzyczka, 2017; Simonato et al., 2013). Ils sont donc devenus des outils de choix pour le transfert de gène ciblant notamment le SNC (Saraiva et al., 2016).

a) Anatomie

Les AAV naturels sont des virus non enveloppés appartenant à la famille des parvoviridae. Ils ont besoin d’un autre virus (adénovirus) pour terminer leur cycle de réplication (Atchison et al., 1965). Le génome des AAV fait 4,7 kb. Il comprend deux phases ouvertes de lecture (ORF), rep et cap délimitées par des séquences répétées inversées (ITR) en 3’ et 5’. Rep code pour quatre protéines nommées en fonction de leur poids moléculaire qui servent pour la réplication, la transcription, l’intégration et l’encapsidation du virus. Cap permet la production de trois protéines structurelles (VP1, VP2 et VP3) qui une fois assemblées vont produire une capside icosahédrale d’environ 25 nm de diamètre. L’ORF cap permet aussi la production d’une protéine qui assure l’assemblage des protéines structurelles entre elles. La structure précise de son génome est schématisée en figure 26.

Figure 26 : Représentation du génome d’un virus adéno-associé sauvage (wild-type, WT) (Saraiva et al., 2016).

P5, P19 et P40 correspondent aux trois promoteurs régulant la transcription des gènes rep. P5 régule aussi l’épissage des transcrits rep 78 et rep 68 et P19 régule l’épissage des transcrits rep 40 et rep 52. P40 permet l’initiation de la transcription des gènes cap. VP1 est un variant non épissé, VP2 vient d’un variant épissé dont la transcription a débuté à partir d’un codon alternatif (ACG). VP3 est un variant épissé. Une autre ORF code pour la protéine activant l’assemblage (AAP).

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b) Transduction

La transduction par les AAV commence par la liaison entre un récepteur à la surface des cellules cibles et la capside de l’AAV. Ensuite, plusieurs étapes ont lieu, la première étant l’internalisation du virus par endocytose. Ensuite, le virus va quitter la voie endosomale et rejoindre le noyau. Le virus va ensuite être déshabillé, son génome simple brin va être libéré, puis le second brin va être synthétisé et ensuite vient la transcription (Murlidharan et al., 2014). Après l’infection, il va y avoir deux voies possibles (Balakrishnan and R. Jayandharan, 2014) :

- En présence d’un virus « helper » (adénovirus ou herpes virus), l’AAV sera rapidement répliqué dans la cellule et de nouvelles particules seront libérées dans l’environnement extracellulaire.

- Dans le cas contraire, l’AAV entre en « latence », le génome peut persister sous forme extra-chromosomique ou bien s’intégrer dans le génome. Ce phénomène est rare et a lieu sur le bras long du chromosome 19.

La figure 27 schématise la transduction des AAVs.

Figure 27 : Cycle de vie de l’AAV (Balakrishnan and R. Jayandharan, 2014).

c) Production pour la thérapie génique

L’utilisation de ce virus comme vecteur d’un ADN thérapeutique en vue d’un transfert de gène implique la construction d’un vecteur recombinant, c’est-à-dire d’un virus AAV dans

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lequel on a remplacé une partie du génome viral par un transgène contenant le gène médicament. La production de ce vecteur s’effectue en général par triple transfection de cellules HEK293 (voir figure 28).

Figure 28 : Processus de production d’un rAAV par triple transfection (Saraiva et al., 2016).

Les plasmides nécessaires pour la triple transfection sont les suivants :

- Un plasmide contient des ITR à chaque extrémité, avec entre les deux un promoteur (à choisir en fonction de la nature des cellules cibles pour la thérapie), le transgène et une séquence de polyadénylation (poly A) ou cinq thymidines pour terminer la transcription. La réplication et l’assemblage du vecteur durant la production sont régulés par les éléments ITR (Xiao et al., 1997).

- Le plasmide helper (pHelper) contient les séquences adénovirales E1, E2, E3 et VA qui contribuent à la réplication du génome (Collaco et al., 1999).

- pAAV-RC est le plasmide contenant les gènes rep et cap qui permettent respectivement la réplication du génome et l’assemblage de la capside.

Le transgène est alors encapsidé dans un AAV conduisant à la production d’AAV recombinant (rAAV). Après purification, il peut être utilisé pour le transfert de gènes. L’AAV naturel et l’AAV recombinant classique se composent d’un ADN simple brin. Il est possible de créer un AAV recombinant double brin (self complementary, sc) qui permet d’avoir une expression plus rapide du transgène, car l’étape de réplication n’est plus nécessaire (McCarty, 2008; McCarty et al., 2003).

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d) Tropisme

A cours des dernières années, 12 sérotypes naturels d’AAV ont été découverts et plus d’une centaine de variants d’AAV ont été isolés chez l’homme et chez d’autres primates (Gao et al., 2004). Les différents sérotypes sont définis en fonction des motifs présents sur la capside qui ont été identifiés grâce à des anticorps distincts. Les sérotypes des AAV constituent un point important, car ils déterminent les interactions capside/récepteurs, donc capside/cellules cibles. En général, les récepteurs des AAV sont des glycanes. Par exemple, l’AAV de sérotype 2 va lier des protéoglycanes de type héparane sulfate, tandis que l'AAV9 se fixe sur des résidus galactose N-terminaux. Ces différences de capside aboutissant à des affinités pour certains récepteurs déterminent le tropisme tissulaire des AAV, c’est-à-dire qu’en fonction de leur capside, ils vont cibler plus ou moins bien certains types cellulaires. Le choix du sérotype est donc primordial pour infecter un tissu spécifique. Le tableau 4 résume le tropisme tissulaire de chaque sérotype d'AAV, ainsi que le niveau de transduction et les récepteurs permettant le ciblage de tel ou tel type cellulaire (Lisowski et al., 2015; Saraiva et al., 2016).

Sérotype Origine Naturelle

Récepteurs et corécepteurs

Tropisme Cinétique Niveau de

transduction AAV1 PNH SA SNC, cœur poumon, rétine, pancréas, muscle Rapide Modérée AAV2 Homme HSPG, FGFR, HGFR, LamR Rein, muscle, SNC, foie, rétine Lente Faible AAV3 PNH HSPG, FGFR, HGFR, LamR

Muscle Lente Faible

AAV4 PNH

α 2-3 SA O-lié

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Tableau 4 : Caractéristiques des différents vecteurs AAV. Adapté à partir de (Lisowski et al., 2015; Saraiva et al., 2016).

PNH : non-human primate SA : acide sialique, HSPH : protéoglycane de type héparane sulfate, FGFR : récepteur du fibroblast growth factor, HGFR : récepteur de l’hepatocyte growth factor, LamR : récepteur laminine, PDGFR : récepteur du platelet derived growth factor. IV : expression dans le tissu concerné possible aussi après injection intraveineuse.

Afin d’améliorer le tropisme et donc l’efficacité du vecteur, il est possible de modifier les propriétés des capsides. Ceci a été beaucoup étudié ces dernières années. Différentes approches sont possibles : la modification chimique, la création d’une mosaïque de capsides consistant à mélanger deux capsides provenant de sérotypes différents, l’insertion peptidique

AAV5 Homme α 2-3 SA N-lié PDGFR SNC, poumon, rétine, muscle Lente Faible AAV6 Homme α 2-3 / α 2-6 SA N-lié / HSPG/EGFR

Muscle (IV), cœur, poumon Rapide Modérée AAV7 PNH ? Muscle, œil, SNC, rétine Rapide Elevée AAV8 PNH

LamR Foie, muscle, SNC, rétine, pancréas, coeur

Rapide Modérée

AAV9 Homme

Glycanes N-liés, LamR

Foie, muscle (IV), cœur (IV), SNC (IV),

pancréas, rétine, rein (IV)

Rapide Elevée

AAVrh10

Macaque LamR Foie, cœur, muscle, poumon, pancréas,

SNC, rétine, rein

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et la modification ciblée d’acides aminés de la capside (Castle et al., 2016). La modification de la capside peut avoir plusieurs conséquences sur la transduction du vecteur :

- L’amélioration de la transduction d’un type cellulaire précis, par exemple la création d’un double hybride AAV1/2, a permis une transduction plus robuste au niveau du poumon et du muscle (Hauck et al., 2003). Au niveau du cerveau, ce mélange de sérotypes permet de combiner le tropisme spécifique de l’AAV2 pour les neurones dopaminergiques et la capacité de l’AAV1 à mieux diffuser dans le SNC (Koprich et al., 2010).

- L’insertion d’un gène codant un petit peptide se fait au niveau des gènes VP1 et VP2 et elle permet l’insertion d’un petit peptide au niveau des capsides. Sur l’AAV2, ces insertions peptidiques ont généralement lieu au niveau de la région qui médie la liaison HSPG. De cette façon, le tropisme de base est modifié et l’AAV2 va alors cibler d’autres cellules, par exemple des cellules de la rétine (Dalkara et al., 2013). - Une meilleure compréhension de la structure des AAV a permis de générer des

vecteurs modifiés spécifiquement à un endroit de façon à améliorer leur fonction. Le changement d’un petit nombre d’acides aminés peut suffire à modifier leur tropisme. Par exemple, un AAV6.2 a été créé à partir d’un AAV6 dans lequel seulement un acide aminé a été modifié de façon à mieux cibler les voies respiratoires (Limberis et al., 2009). Par ailleurs, ce type de vecteur a l’avantage de ne pas être reconnu par des anticorps anti-AAV qui pourraient faire échouer la thérapie.

- Des modifications ciblées d’acides aminés peuvent permettre aussi d’améliorer l’efficacité de la transduction. C’est le cas par exemple de mutations sur les résidus tyrosine et thréonine des AAV2, AAV5 et AAV8. Ces nouveaux vecteurs ont l’avantage d’avoir une meilleure transduction pour une même dose utilisée. Au niveau thérapeutique, ils permettent de baisser la dose du vecteur administré (Zhong et al., 2008).

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