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Chapitre 5 : Assimilation de l’albédo pour l’estimation du bilan de masse spatialisé

5.1 CROCUS et SAFRAN

5.1.2 Variables météorologiques

CROCUS utilise en entrée des variables météorologiques. Dans son utilisation opérationnelle, ces données sont issues du modèle SAFRAN (Système d’Analyse Fournissant des Renseignements Atmosphériques à la Neige)(Durand et al., 1993). Pour cette étude, nous utiliserons également des données SAFRAN issues des données ARPEGE (Courtier et al., 1991) grande échelle.

Principe de SAFRAN

SAFRAN désagrège et spatialise les données grande échelle pour différents massifs d’une superficie de 400à 1000 km2des zones montagneuses françaises. Les variables sont la température, l’humidité relative, la

vitesse du vent, le rayonnement descendant grandes longueurs d’ondes, les précipitations (cumul et phase), le rayonnement incident courtes longueurs d’onde direct et diffus et enfin, la nébulosité. Ces variables sont fournies avec un pas de temps horaire, par tranche d’altitude de 300 m et pour 7 différentes orientations possibles (N, E, SE, S, SW, W, plat).

SAFRAN utilise une ébauche qui provient des modèles grande échelle sauf pour les précipitations et assi- mile pratiquement toutes les données météorologiques locales disponibles. Ces observations locales peuvent venir de stations météorologiques classiques, mais aussi des postes nivo-météo et des NIVOSES (réseau automatique de mesures météorologiques). L’analyse est effectuée toutes les 6 heures et les variables mé- téorologiques sont ensuite interpolées au pas de temps horaire et calculées au niveau de la surface par une méthode variationnelle.

Il faut garder à l’esprit que SAFRAN a été conçu pour une utilisation hivernale et à l’échelle du massif. Nous le détournons donc de son utilisation originelle. Nous avons, cependant, pour cette étude, préféré l’uti- lisation des données SAFRAN à celles d’autres modèles. D’une part, les données SAFRAN sont adaptées à une utilisation en zone montagneuse puisque SAFRAN assimile, entre autres, des observations provenant de sta- tions automatiques de montagne. D’autre part, SAFRAN a été conçu pour fournir un forçage météorologique au modèle de neige utilisé, CROCUS.

Evaluation pour le glacier de Saint Sorlin

La grille utilisée pour la modélisation du bilan de masse a une résolution de 100 × 100 m2ce qui représente

206points de grille pour le glacier de Saint Sorlin. Pour chaque point de grille, les données météorologiques utilisées en entrée de CROCUS sont donc interpolées à partir des fichiers SAFRAN (Gerbaux et al., 2005). Les réflexions multiples sur les parois avoisinantes ne sont pas pris en compte pour le rayonnement courtes longueurs d’onde. La contribution des parois avoisinantes au rayonnement grandes longueurs d’onde n’est pas, non plus, pris en considération. Les effets d’ombre (masque) sont pris en compte uniquement pour le rayonnement courtes longueurs d’onde.

Comme décrit dans la section 1.1.3, une station météorologique automatique (AWS) est installée sur la moraine depuis 2005. Dans l’annexe D, on compare les mesures de l’AWS avec les données de SAFRAN. Cette étude montre que SAFRAN propose une très bonne estimation des variables relativement homogènes comme la température (homogène au gradient thermique près) et l’humidité relative. La représentation des variables soumises à de fortes variations locales comme le vent et les rayonnements courtes et grandes longueurs d’onde liés aux nuages, et à la topographie, est moins bonne.

Les rayonnements grandes et courtes longueurs d’onde présentent des biais significatifs. Une étude plus détaillée de ces deux flux montrent que, pour les grandes longueurs d’onde, les jours de faible nébulosité, SAFRAN surestime systématiquement le flux. Cela peut être dû à la représentation des nuages hauts et de leur altitude ainsi qu’à la discrétisation verticale de la haute atmosphère dans SAFRAN (Y. Durand, commu- nication personnelle). Pour les courtes longueurs d’onde, la nébulosité locale joue beaucoup sur la valeur du rayonnement. La comparaison entre un point de mesure et la valeur de SAFRAN pour toute une maille pose donc un problème d’échelle.

Au vu de ces remarques et des résultats présentés dans l’annexe D, il s’avère nécessaire et possible d’ef- fectuer une correction sur le rayonnement grandes longueurs d’onde descendant. Cette correction est basée sur des classes de nébulosité et d’intensité du flux. Pour cinq classes de nébulosité et huit classes d’intensité du rayonnement simulé, on calcule le coefficient correcteur moyen. La valeur moyenne sur toutes les classes du coefficient correcteur appliqué est de 0.96, les valeurs les plus fortes étant concentrées pour les faibles valeurs de nébulosité. Elle permet d’obtenir un rayonnement grandes longueurs d’onde descendant qui n’est plus significativement biaisé sur les trois ans de comparaison avec les mesures de la station météorologique. Le coefficient de corrélation vaut alors 0.90 pour les trois ans en valeur journalière, valeur à comparer à 0.86 avant correction. La correction appliquée est sûrement un peu brutale et il pourrait s’avérer nécessaire par

la suite d’aller plus loin dans ces corrections.

Estimation des précipitations hivernales

L’estimation des précipitations en zone montagneuse est une problématique épineuse qui se heurte à la fois à des problèmes de mesures et de modélisation (Gottardi, 2009). Comme indiqué dans Gerbaux et al. (2005), l’utilisation des précipitations de SAFRAN conduit à une sous-estimation quasi-systématique du bilan de masse hivernal, principalement causée par une sous-estimation de la quantité de précipitations solides. Deux des raisons de cette sous-estimation sont la très faible densité de mesures de précipitations disponibles en altitude et la différence d’échelle spatiale.

Les précipitations de SAFRAN sont donc ajustées pour permettre une meilleure représentation de l’ac- cumulation hivernale. Cet ajustement est effectué comme dans Gerbaux et al. (2005) à partir des mesures d’accumulation hivernale sur les balises. Afin de ne pas utiliser un ajustement annuel et d’obtenir une mé- thode applicable sur plusieurs années sans avoir besoin de mesures d’accumulation, on effectue le calcul des coefficients d’ajustement des précipitations durant 14 ans (1995-2009) en utilisant les données de bi- lan de masse hivernal concomitantes. En pratique, on minimise sur 14 ans la somme des différences entre l’accumulation hivernale mesurée et simulée par SAFRAN-CROCUS.

Les coefficients sont ensuite interpolés sur l’ensemble du glacier. L’impact de la méthode d’interpolation a été testé. La différence moyenne sur l’ensemble du glacier entre une interpolation cubique et une interpo- lation linéaire est de 1 mm w.e. avec un écart maximum de 8 cm w.e. Le résultat est présenté sur la figure 5.1.

La moyenne sur le glacier de ces coefficients est de 1.64. En comparaison, Gerbaux et al. (2005) propose 1.5sur 10 années d’étude et Gottardi (2009) 1.6 comme valeur moyenne sur les Alpes et les Pyrénées (ces co- efficients sont calculés à partir d’observations essentiellement durant la période 1985-2005). Ces coefficients sont maintenus identiques tout au long de l’année, ce qui peut introduire une incertitude. Nous reviendrons sur l’utilité de ces coefficients dans la section 5.4.4.

Le tableau 5.1 décrit les propriétés statistiques de l’accumulation hivernale mesurée et celle simulée par SAFRAN-CROCUS en prenant en compte ces coefficients correcteurs ainsi que la correction du rayonnement grandes longueurs d’onde descendant.

TABLE5.1:Comparaison entre l’accumulation hivernale mesurée et simulée. µbalise représente la valeur moyenne

de l’accumulation hivernale mesurée à l’aide des balises ainsi et stdbalisel’écart-type. m est le biais entre la simulation et

la mesure et rmse l’erreur quadratique moyenne. Toutes ces grandeurs sont exprimées enm w.e. n représente le nombre

de balises utilisées. Les choix des années est explicité dans la section 5.3.

µbalise(stdbalise) m rmse n

2000-2001 2.37 (0.25) −0.05 0.23 8 2002-2003 1.66 (0.36) −0.05 0.35 17 2005-2006 1.54 (0.18) −0.23 0.27 28 2007-2008 1.40 (0.23) −0.05 0.18 40 2008-2009 0.99 (0.17) 0.10 0.17 39 total −0.02 0.20 132

FIGURE5.1:Carte des coefficients correctifs pour les précipitations utilisés dans cette étude. Le contour du glacier

en 2003 est représenté par les croix grises.

tation de l’accumulation hivernale et de sa variabilité temporelle et spatiale. Le biais n’est pas significatif et les erreurs quadratiques moyennes sont proches de l’incertitude sur la mesure.

Ces coefficients permettent de tenir compte de certains effets petite échelle non traités pas SAFRAN : – le biais orographique de SAFRAN à l’échelle des massifs (Gottardi, 2009) et les effets de la topographie

locale sur la répartition des précipitations solides sur le glacier (Fig. 5.1, Gerbaux et al., 2005),

– le biais des observations de précipitations solides dû au vent et intégrées dans les sorties de SAFRAN (Gottardi, 2009).

Nous devons ajouter à cela que les coefficients multiplicateurs des précipitations intègrent également une correction des biais éventuels des autres forçages météorologiques ou du modèle de neige lui-même puisqu’ils sont calculés de manière à minimiser l’erreur entre l’accumulation hivernale mesurée (nette et qui peut donc prendre en compte des phénomènes de fonte durant l’hiver) et simulée.

Cette correction est appliquée brutalement sur les précipitations quelles que soient leurs phases. La cor- rection devrait être logiquement plus faible sur les précipitations liquides (pour lesquelles les observations sont moins biaisées). Nous ne prenons pas ici en compte cette décroissance du facteur de correction, d’une part parce que nous n’avons pas d’observations pour vérifier la validité de la correction et d’autre part, parce que l’apport énergétique de la pluie au bilan d’énergie du glacier est un terme négligeable devant les autres termes du bilan énergétique (e.g., Hock, 2005). L’apport énergétique va, en effet, être de l’ordre de quelques W m−2. Les précipitations liquides ont, par contre, un effet non négligeable sur le métamorphisme

du manteau puisqu’elles augmentent la teneur en eau liquide de la neige et modifient l’albédo.