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3. 3. Variabilité intra et inter annuelle des pluies – les sécheresses au Sahel

Chapitre I. Introduction générale

I. 3. 3. Variabilité intra et inter annuelle des pluies – les sécheresses au Sahel

Le climat sahélien est caractérisé par un régime pluviométrique unimodal contrôlé par la mousson ouest africain (Nicholson, 1980 ; Todorov, 1985 ; Morel, 1992 ; Hiernaux et Le Houérou, 2006). Durant le siècle passé, après les années 1960 en particulier, le Sahel a connu des périodes de sècheresses récurrentes dont deux extrêmement sèches : 1972 – 1974 et 1983 -1985 (Hulme, 1992 ; Le Barbé et Lebel, 1997 ; D’Amato et Lebel, 1998 ; L’Hôte et al., 2002 ; Lebel et al., 2003). Cette dernière période de sécheresse s’est installée du nord vers le

sud sahélien entre 1966 et 1969 (Ozer, 2001). La transition vers cette période fut d’autant plus violente qu’elle succédait directement à la période la plus arrosée du siècle (Ozer & Erpicum 1995 ; L’Hôte et al., 2002).

Comme nous l’avons vu plus haut, les pluies dans le Sahel sont marquées par un cycle saisonnier ; elles ont lieu pendant l’été de l’hémisphère nord et débutent entre avril-mai et finissent en septembre-octobre atteignant au passage leur maximum en août (Hiernaux et Le Houérou, 2006 ; Frappart et al., 2009). Des études comparatives du cycle saisonnier des années humides (1950 – 1969) et sèches (1970 – 1989) du Sahel ont été effectuées (Le Barbé

et al., 2002 ; Lebel et Ali., 2009). Ainsi, durant les années sèches, le maximum des pluies est

précoce de 20 jours entre les latitudes 6°N et 10°N, ce décalage diminue progressivement en direction du nord et n’est plus que d’une semaine à 14°N. Lebel et Ali (2009), en travaillant sur le cumul de 10 jours de pluies, ont par ailleurs identifié 5 parties dans la saison des pluies au Sahel central (figures 1.8a) : a) une augmentation progressive des pluies entre avril et fin mai liée à la composante océanique de la mousson ouest-africaine, b) un plateau de un mois, c) le saut de la mousson la dernière décade du mois de juin (Sultan et Janicot, 2003), d) une augmentation brusque des pluies cumulées jusqu’à atteindre le maximum (70 mm) à la fin du mois d’août après une petite baisse à la fin du mois de juillet, et e) un retrait rapide des pluies sur un mois avec des pluies résiduelles en octobre. Cette évolution phasique de la saison des pluies montre des différences entre les périodes 1950 – 1969, 1970 – 1989 et 1990 – 2007 (Lebel et Ali., 2009) (figures 1.8b). Sur ces périodes, l’évolution des cumuls de pluies est similaire d’avril jusqu’au saut de la mousson. Entre juillet et début août, le cumul des pluies de la période récente a une position intermédiaire dépassant la période de 1970 – 1989 de 50 mm. La fin de la saison des pluies est similaire au cours des 2 dernières périodes qui sont déficitaires d’en moyenne 80 mm par rapport la période 1950 – 1969. La baisse de la pluviométrie dans le Sahel central au cours des 4 dernières décades s’explique ainsi à 75 % par le retrait précoce de la saison des pluies (Ozer, 2001) et particulièrement par une baisse drastique de la probabilité de la pluie journalière (figures 1.8) avec une diminution de 1/3 du nombre des événements pluvieux entre le 10 août et le 10 septembre (Lebel et Ali, 2009). De même, Le Barbé et Lebel (1997) et D’Amato et Lebel (1998) qui n’ont pas observé une modification de la quantité moyenne précipitée par événement pluvieux (12 - 15 mm), ont plutôt lié la variabilité interannuelle de la pluviométrie au nombre d’événements pluvieux. Au Niger, la comparaison des isohyètes durant la période (humide) 1950 - 1967 et la période (sèche) 1968 - 1985 met en évidence la diminution généralisée des précipitations qui se marque par un retrait important des courbes isohyètes vers le Sud pouvant atteindre 200

kilomètres (Ozer & Erpicum 1995 ; L’Hôte et al., 2002 ; Lebel et Ali, 2009) (figure 1.9 a et b). On peut noter que, sur la figure 1.9a, la courbe isohyète de 400 millimètres de la période 1968-1985 se superpose pratiquement à celle de 600 millimètres de la période précédente, ce qui souligne bien l’importance de la péjoration climatique des années 1970 et 1980 (Ozer et

al., 2005). Le Barbé et al (2002) montrent que le déficit pluviométrique des années 1970 et

1980 comparativement aux années 1950 et 1960 a couvert toute la région sahélienne avec des baisses pouvant atteindre 190 mm. Ces déficits pluviométriques dans les cumuls annuels des années post 1970 ont atteint 25 voire 40 % comparativement à la période 1930 – 1960 (Hunt, 2000 ; L’Hote et al., 2002). Dans l’Est du Niger, des départements sont ainsi passés de Sahel à culture sous pluies (limite septentrionale de 300 mm) au Sahel dit pastoral (Ozer et al., 2005).

Pour les pluies journalières supérieures à 1 mm, la durée de la saison des pluies est cependant restée identique sur les 3 périodes (10 mai au 1er octobre soit 110 jours) (Lebel et Ali, 2009) (figures 1.8). Cependant, depuis le début des années 1990, la pluie a légèrement repris dans à l’est du Sahel (figure 1.9b ; Lebel et Ali, 2009). C’est le cas notamment du Niger où les isohyètes des années 1990-2007 sont remontées vers le Nord. Cependant, à l’Ouest du Sahel la sécheresse observée depuis le début des années 1970 persiste encore (figure 1.9b ; Lebel et Ali, 2009).

Figures 1.8 : a) cycle saisonnier de la pluie au Sahel central, b) comparaison du cycle saisonnier inter décennal (Lebel et Ali, 2009)

a

Légende :

Figure 1.9 : a) Carte pluviométrique du sud Niger : les isohyètes sont calculées sur la période dite« humide » (1950-1967) et la période de sécheresse (1968-1985) (OZER & ERPICUM 1995). b) Evolution des isohyètes et des anomalies pluviométriques au cours des 6 dernières décennies au Sahel (Lebel et Ali, 2009).

1950 -1969

1970 -1989

1990 -2007

Niveau de gris

Niamey

a b

La perturbation du régime des pluies depuis la fin des années 1970 a eu d’importantes conséquences sur l’hydrodynamisme des cours d’eau ouest africains (figure 1.10). Les décharges annuelles moyennes de deux principaux cours d’eau de l’Afrique de l’ouest (le Niger et le Sénégal) ont connu une diminution de presque deux fois plus importante que la baisse de la pluviométrie observée au cours de la période 1970 – 2000 (Lebel et al., 2003 ; Andersen et al., 2005). Sur le fleuve Niger, à la station de jaugeage de Niamey en particulier, la baisse des pluies observée en août, a conduit à une diminution du débit de 200 m3 s-1 au cours des 4 à 6 semaines suivant la crue locale (Lebel et Ali., 2009). La crue guinéenne a, elle, enregistré un déficit de 400 m3 s-1 à cette même station du fait de la baisse des pluies d’août et septembre dans l’Ouest du Mali et de la Guinée (Lebel et Ali., 2009). Le débit du fleuve Sénégal a lui diminué de près de la moitié au cours des années quatre-vingts relativement aux années cinquante (Dione, 1995 ; Omar-Haroun, 1995 ; Mahe et Olivry, 1999). Les sècheresses des années 1970 et 1980 ont aussi touché le régime des lacs sahéliens tel que le lac Tchad dont la superficie, entre la période humide des années 1950 – 1960 et les années 1990, est passée de 23500 km² approximativement à 1355 km² (Kadomura, 1997).

A l’échelle régionale, d’autres changements hydrologiques majeurs ont eu lieu. Il s’agit notamment des baisses de l’évapotranspiration (McGuffie et al., 1995 ; Taylor et al., 2002 ; Cappelaere et al., 2009) et des débits des rivières (Mahe et Olivry, 1999).

Figure 1.10 : Comparaison des indices pluviométrique et de l’indice du débit du fleuve Niger à la station de Niamey (Descroix et al., 2009a)

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