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Chapitre I : Etat de l’art

I.1 Contexte de l’étude

I.1.4 Valorisation des matières plastiques issues des D3E et problématiques liées aux retardateurs de

Le cycle de vie des polymères ainsi que les différentes opérations de valorisation possibles sont représentés sur la Figure I.13.

Figure I.13 : Le cycle de vie des matières plastiques46,47

En outre, l’Union Européenne a défini cinq modes de gestion des D3E qui sont classés par ordre de priorité dans le Tableau I.5. Dans cette hiérarchie, la meilleure option est la prévention, suivie par la réutilisation, le recyclage et d’autres modes de valorisation. L’élimination est utilisée en dernier recours3,22,48.

Tableau I.5 : Hiérarchisation de la gestion des D3E3,22,1,48

INTITULÉ TYPE DE TRAITEMENT

Prévention Réduire la quantité de déchets, les effets nocifs des déchets

produits et la teneur en substances nocives des matières et produits

Préparation à la réutilisation Réutilisation de l’équipement entier ou de certains composants

Recyclage Valorisation par laquelle les déchets sont retraités en produits,

matières ou substances

Autre valorisation (ex :

valorisation énergétique) Incinération avec récupération d’énergie

Élimination Élimination sans valorisation (mise en décharge, incinération

sans récupération d’énergie)

Les quatre types de valorisation des polymères sont explicités dans les parties suivantes. Ces méthodes sont applicables aux matières plastiques issues des D3E mais la présence d’impuretés et de retardateurs de flamme peut compliquer leur valorisation. Les problématiques liées à ces impuretés sont expliquées dans les parties suivantes.

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I.1.4.1 Le recyclage primaire ou réutilisation de la matière pour un même

usage

Le recyclage primaire est principalement utilisé en post-production dans les usines de transformation des matières plastiques. Les rebuts sont broyés et remis dans le cycle de mise en œuvre (extrusion, injection, etc.). Cette méthode est considérée comme la meilleure méthode de recyclage car elle utilise le moins d’énergie et de ressources. Elle nécessite cependant d’avoir un flux homogène et propre. Il existe également des exemples de recyclage primaire pour des produits de post-consommation comme le recyclage de bouteilles plastiques en PET. Après une collecte et un tri, ces dernières peuvent être lavées et broyées. Les paillettes de PET obtenues sont ensuite utilisées pour produire à nouveau des bouteilles46.

I.1.4.2 Le recyclage mécanique ou recyclage secondaire

Le recyclage mécanique ou recyclage secondaire consiste à utiliser un procédé mécanique comme l’extrusion, pour refondre les déchets de matières plastiques broyées et les transformer en granulés afin de les utiliser pour fabriquer de nouveaux produits. Il permet de remplacer en totalité ou en partie les polymères vierges selon les applications.

Les propriétés mécaniques du produit recyclé peuvent être inférieures à celles d’un polymère vierge. En effet, les traitements thermiques additionnés au vieillissement de la matière entraînent la dégradation des chaînes de polymères. De plus, les déchets plastiques ne sont pas homogènes et sont constitués de produits de faible masse molaire (produits de dégradation, additifs et impuretés)46. Certains additifs ont un effet direct sur la recyclabilité des matières plastiques et peuvent favoriser leur dégradation. C’est le cas par exemple, des additifs métalliques tels que l’oxyde de fer (Fe2O3) et l’oxyde de zinc (ZnO) qui peuvent agir comme pro-oxydants et catalyseurs de photo-oxydation et provoquer la dégradation des polymères lors d’une nouvelle mise en œuvre19.

C’est pourquoi, une opération de formulation est généralement effectuée pour améliorer les propriétés du polymère recyclé et répondre au cahier des charges de l’application ciblée. Les déchets de matières plastiques sont alors mélangés à l’état fondu dans une extrudeuse bi-vis avec des polymères vierges, des charges, des fibres, des compatibilisants et divers additifs (peroxydes, agents de couplage, polymères réactifs, antioxydants, etc.)46.

Les opérations de mise en œuvre des polymères sont réalisées à hautes températures (de 190 à 260°C le plus souvent) pouvant conduire au relargage de composés organiques volatiles et semi-volatiles. En particulier, le recyclage mécanique de matières plastiques contenant des RFBs POPs est interdit car des études ont montré que des dégradations de la matrice polymère et des RFBs pouvaient se produire et augmenter la quantité de composés nocifs relargués comme des dibenzofuranes et des dibenzodioxines polybromés (PBDF et PBDD) et des RFBs POPs19,22,49. Deng et al.49 ont étudié les émissions de PBDE lors du procédé de recyclage mécanique de HIPS, d’ABS et de PP ignifugés aux PBDE. Ils ont observé une débromination du décaBDE en nonaBDE et détecté des PBDE dans les fumées générées lors de l’extrusion et dans l’eau du bain de refroidissement. Ils ont également constaté que la quantité de PBDE détectée dans les fumées augmentait avec la température d’extrusion.

Imai et al.50 ont simulé le recyclage d’ABS contenant du TBBPA et des oligomères époxy bromés (BEO) par des séquences répétées d’extrusion. Ils ont démontré que ces matières étaient thermiquement stables et pouvaient subir jusqu’à quatre cycles de recyclage sans impact notable sur leurs propriétés

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mécaniques et leur résistance au feu. De plus, ces opérations de recyclage n’ont pas généré de PBDD ni de PBDF. Ils ont donc conclu que le BEO et le TBBPA ne se dégradaient pas lors du recyclage mécanique.

Même si certaines matières plastiques contenant des RFBs non POP pourraient être recyclées mécaniquement sans relarguer de composés nocifs, le tri des matières plastiques par type de RFB n’est techniquement pas réalisable à l’heure actuelle et seule la concentration en brome est prise en compte lors du tri. Pour pouvoir recycler la matière dont la concentration est supérieure à la limite imposée, des équipes de recherches ont travaillé sur des méthodes de pré-traitement. Parmi ces méthodes figurent diverses méthodes d’extraction telles que la technique solvothermale51, les extractions avec des fluides supercritiques52,53 et la dissolution-précipitation39,44,54. D’autres méthodes consistant à modifier chimiquement les RFBs ont été testées telles que le traitement mécanochimique55,56, la photodégradation32,57 et le traitement hydrothermal alcalin58,59. Ces méthodes seront détaillées dans le Chapitre III.

Malgré le nombre de pré-traitements différents étudiés dans la littérature et leur efficacité à l’échelle laboratoire, peu de solutions viables industriellement existent. Parmi les procédés d’extraction, seul un procédé de dissolution-précipitation appelé Creasolv® est en phase pilote pour l’application visée60. L’extraction avec du CO2 supercritique est, quant à elle, un procédé utilisé à grande échelle dans l’industrie agroalimentaire depuis de nombreuses années61 mais ne l’est pas encore pour le traitement des matières plastiques. Concernant les procédés de modification chimique, seul un brevet sur la photodégradation a été déposé en 2013 et présente des résultats effectués à l’échelle pilote62.

I.1.4.3 Le recyclage chimique

Le recyclage chimique ou recyclage tertiaire consiste à casser les chaînes de polymères pour obtenir des petites molécules qui pourront servir de matières premières pour la production de carburant, de nouveaux polymères ou de produits chimiques. La dépolymérisation, la pyrolyse, l’hydrocracking, la gasification, l’oxydation humide sous conditions supercritiques et la décomposition catalysée par des bases sont des exemples de procédés de recyclage chimique13,46.

Par exemple, la gasification et la pyrolyse impliquent de chauffer les déchets dans une atmosphère contrôlée en oxygène afin d’éviter la combustion. Leurs différences reposent sur la source de chaleur, le taux d’oxygène et la température utilisés. Ces technologies de conversion diffèrent de la combustion car elles produisent du syngas (hydrogène et monoxyde de carbone principalement) qui pourra ensuite être brûlé ou transformé en d’autres combustibles ou produits chimiques13.

Le recyclage chimique est moins utilisé que les autres types de recyclage car il requiert de grandes installations à haut coût d’investissement. Concernant les matières plastiques bromées, le risque de production et d’émission de produits toxiques est accentué par la présence d’halogènes. De plus, le processus de dégradation est modifié en fonction de la quantité et du type de RFB présent dans les déchets, ce qui oblige à adapter des procédés existants. La présence de brome dans les matières plastiques à recycler occasionne la présence de brome dans les produits finaux ce qui peut nuire à leurs applications futures13.

Afin de limiter la quantité de brome présente dans les produits de recyclage chimique, différentes études ont été menées. La première méthode consiste à effectuer une pyrolyse en deux étapes pour éliminer les RFBs juste avant la décomposition du polymère63. La seconde méthode consiste à déshalogéner les RFBs tout en dégradant le polymère. Pour cela, des fluides supercritiques48,64,65, la

co-37 pyrolyse66–69 et le craquage catalytique48,70,71 peuvent être utilisés. La troisième méthode consiste à utiliser un pré-traitement tel que les méthodes d’extraction énoncées dans la partie précédente avant le recyclage chimique. Enfin, la dernière méthode consiste à réaliser une pyrolyse puis à traiter la phase gazeuse ou la phase liquide par hydrohalogénation catalytique afin de transformer les composés halogénés en composés inorganiques facilement récupérables48,63,72. Ces différentes méthodes seront détaillées dans le Chapitre III. Grâce au recyclage chimique, il est possible de récupérer le brome mais également l’antimoine, un élément rare utilisé dans de multiples applications et figurant parmi les métaux les plus essentiels13.

Les recherches sur le recyclage chimique des matières plastiques bromées présentent un fort potentiel mais n’en sont qu’à leur début car les procédés doivent être optimisés afin d’augmenter la qualité des produits, limiter la consommation énergétique et le coût du procédé ainsi que les pollutions secondaires qui pourraient avoir lieu. De plus, à cause de la composition complexe des matières plastiques issues des D3E, les mécanismes de dégradations et leur cinétique ne sont pas encore entièrement compris48.

I.1.4.4 La valorisation énergétique

La valorisation énergétique consiste à incinérer les déchets pour récupérer de l’énergie via la production de chaleur ou d’électricité. Les polymères ont une haute valeur calorifique et sont donc une source appropriée pour la production d’énergie. Les matières plastiques peuvent être co-incinérées avec d’autres déchets ou utilisées comme combustible solide de récupération (CSR)22. Le traitement thermique des déchets plastiques contenant des RFs est compliqué et cher à cause de la quantité importante d’halogènes. Des études ont montré que le taux de brome dans les D3E était de l’ordre de 1,7 à 5,2% et le taux de chlore entre 0,1 et 4,4%. Les déchets contenant plus de 1% d’halogènes sont traités dans des incinérateurs pour déchets dangereux en Europe. En effet, la combinaison du brome, du chlore et de métaux catalytiques peut engendrer la formation de grandes quantités de dibenzofuranes et les dibenzodioxines polychlorés (PCDD/PCDF), de PBDD/PBDF et de dibenzofuranes et les dibenzodioxines polyhalogénés (PXDD/PXDF) dans d’autres incinérateurs. Les rejets de POPs et de gaz acides doivent être surveillés car l’inflammabilité des matières plastiques ignifugées est réduite ce qui a pour effet de favoriser la formation de produits de combustion incomplète si l’incinération n’est pas effectuée dans des chambres de combustions efficaces chauffant jusqu’à 1100°C22,73. La transformation des PBDE en produits plus toxiques comme les PBDD/PBDF est également un paramètre à surveiller. Enfin, du bromure d’hydrogène (HBr), un gaz corrosif peut être généré ce qui implique que les gaz et fumées d’échappement doivent être traités. Ces gaz corrosifs ont également pour inconvénient d’endommager les parties métalliques des installations22.

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