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Validation clinique du modèle canin

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1. Cadre éthique et réglementaire

Bien souvent distinguées, la recherche fondamentale, visant à décrypter les mécanismes d’une pathologie donnée, et la recherche appliquée qu’elle soit translationnelle ou préclinique, restent étroitement liées. En effet, elles font appel à des modèles animaux pour répondre aux questions posées.

Ces modèles tiennent une place importante en recherche et développement (R&D) car ils sont nécessaires pour la compréhension des mécanismes physiopathologiques, permettant ainsi la mise en place de nouveaux outils diagnostiques et thérapeutiques. Ils constituent ainsi le dernier rempart avant la première administration et la phase de développement clinique chez l’homme. La R&D pharmaceutique fait appel à un grand nombre d’acteurs. C’est un secteur interdisciplinaire regroupant un large réseau de connaissances visant à déterminer les mécanismes impliqués dans la genèse de chaque pathologie, l’identification de nouvelles cibles, la mise en place de nouvelles stratégies thérapeutiques, la formulation de nouveaux principes actifs mais aussi l’amélioration du profil pharmacocinétique de chaque candidat médicament. Elle nécessite donc des modèles d’études in-vitro mais aussi in-vivo, imposés par les instances réglementaires (Déclaration d’Helsinki) avant toute administration à l’homme d’un nouveau candidat thérapeutique. On ne peut donc s’affranchir de la recherche préclinique sur animaux avant toute administration à l’homme car elle constitue un prérequis éthique et moral, justifiable si justifiée par de fortes motivations médicales.

Le paysage éthique et réglementaire de la recherche préclinique a évolué ces dernières années. Différents concepts et courants de pensée ont façonné notre réflexion et notre regard sur la place morale de l’animal dans notre société (Figure 20).

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Figure 20: Etapes majeures de l’évolution du paysage réglementaire de la recherche préclinique

2. Méthodes alternatives

L’expérimentation animale fait continuellement l’objet de débats publiques et moraux depuis l’apparition du premier texte sur le bien-être animal (Martin’s Act, 1822). Elle est aujourd’hui de plus en plus réglementée par un certain nombre de lois visant à réduire au maximum la souffrance et l’inconfort infligés aux individus (Directive européenne 2010/63/EU).

L’utilisation des animaux à des fins expérimentales est constamment remise en question, parmi les arguments en cette faveur, l’anatomie, la physiologie ainsi que la taille peu conservées des animaux utilisés. En effet, il a souvent été rapporté que l’homme n’est pas une souris de 70 kg et inversement. Les données ne sont donc pas assez pertinentes et significatives avec les modèles animaux standards et la valeur prédictive des résultats de la recherche sur les modèles animaux est constamment remise en question.

Les méthodes prédictives in-silico ne sont pas encore assez développées et complètes pour remplacer systématiquement l’expérimentation animale et la modélisation des conditions physiologiques in-vivo reste encore très imparfaite. De plus, la grande variabilité interindividuelle entre les différentes ethnies est impossible à évaluer dans un modèle animal de laboratoire. C’est pourquoi plusieurs équipes et consortium internationaux se sont penchés

75 sur l’utilisation du modèle spontané vétérinaire comme approche alternative, pouvant apporter un réel bénéfice au développement thérapeutique humain (Khanna et al, 2009 ; Gupta et al, 2011 ; Kanna et al, 2014) (Figure 21).

Figure 21 : Approche intégrée du modèle vétérinaire de maladie spontanée dans le développement thérapeutique standard

3. Mise en place d’essais cliniques

Le terme « essai clinique » n’a connu le jour qu’à partir de la seconde moitié du XXème siècle, quand le conseil de recherches biomédicales du Royaume-Uni (UK Medical Research Council) publie en 1948 un rapport d’une étude clinique sur le traitement de la tuberculose par la streptomycine. Cependant, la notion, l’idée d’une comparaison entre deux traitements en évaluant leur efficacité thérapeutique remonte à la nuit des temps. Dans son article paru en 1980, Lilienfeld et al, citent un exemple extrait du vieux testament de la bible, du livre de Daniel plus précisément où il est décrit une expérience comparant deux régimes alimentaires et incluant un groupe contrôle. Le célèbre chirurgien Ambroise Paré utilisait un traitement standard à base d’huile bouillante sur les plaies des soldats pendant la conquête du château de

76 Villaines. Alors qu’il manquait d’huile, il s’est résigné à utiliser une préparation à base de jaunes d’œufs, d’huile de rose et d’essence de térébenthine. L’efficacité du nouveau traitement est devenue évidente dès le lendemain (Packard FR, 1921).

Plusieurs essais cliniques sur animaux de compagnie ont permis d’apporter des informations essentielles au développement clinique humain. C’est le cas par exemple du Masitinib (Massivet®) et du Toceranib (Palladia®), deux inhibiteurs spécifiques du récepteur de tyrosine kinase ayant obtenu une AMM vétérinaire en 2008 et 2009 respectivement, pour le mastocytome canin (London et al, 2003 et 2009 ; Mendel et al, 2003 ; Pryer et al, 2003). Ces tumeurs surexpriment le gène KIT (London et al, 1999) et peuvent être, par leur profil moléculaire, apparentées aux tumeurs stromales gastro-intestinales chez l’homme (GIST : Gastro Intestinal Stromal Tumors) (Gregory-Bryson et al, 2010). Le développement de ces molécules chez le chien a donc permis la découverte de l’activité biologique des inhibiteurs de kinase dans un modèle de cancer spontané aboutissant au développement d’un équivalent pharmaceutique chez l’homme : le Sunitinib (Sutent®) (Goodman et al, 2007).

4. Challenges associés

La réglementation des essais sur animaux de compagnie reste aujourd’hui mal encadrée. Bien que l’accord préalable d’un comité d’éthique (Baneux et al 2014) et le consentement éclairé, écrit du propriétaire restent une obligation morale et éthique, indispensables à chaque protocole clinique, peu de textes règlementaires existent au jour d’aujourd’hui.

Même si ce domaine peine à se développer en Europe, aux Etats-Unis un ensemble de réseaux et consortiums (COTC ou Comparative Oncology Trial Consortium) vise à regrouper et harmoniser les pratiques de cette nouvelle discipline. En effet, les autorités compétentes américaines ont établi un ensemble de règles (FDA Food and Drug Administration animal

rule (21 CFR 314.600 et 21 CFR 601.90)) autorisant l’utilisation de tests sur animaux comme

substitut aux essais cliniques. Ces règles permettent l’évaluation de l’efficacité d’un composé chez l’animal domestique quand les investigations chez l’homme ne sont pas possibles pour des raisons éthiques ou des problèmes de faisabilité et uniquement si la molécule a démontré un apport clinique potentiel lors de tests précliniques in vitro et sur modèles murins. La FDA peut alors donner son accord pour démarrer les essais.

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