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B) L A VALEUR ECONOMIQUE TOTALE DE L ’ AGRICULTURE , UNE CHAINE DE VALEURS ADAPTEE AU

3) La valeur de non usage

La notion de services écosystémiques est apparue suite à la prise en compte progressive des enjeux environnementaux, notamment en aménagement du territoire. Rappeler les rôles économiques et sociaux de la biodiversité amène à considérer « les écosystèmes comme pourvoyeurs de services pour l’homme » (CARDONA, 2012). Désormais, elle n’a plus uniquement une valeur intrinsèque, c’est-à-dire une valeur de préservation que l’homme attribue moralement à la vie sous toutes ses formes, ou une valeur patrimoniale, culturelle, historique qui fait de la biodiversité un legs aux générations futures à conserver (voir le schéma page suivante). Ces deux approches restent subjectives et limitées en matières de protection de l’environnement : d’une part la morale n’est ni universellement partagée ni garante de préservation, d’autre part la reconnaissance patrimoniale est systématiquement différenciée selon les habitats, les territoires et le rapport à la Nature de

leurs habitants, ce qui implique de redéfinir localement les valeurs associées à la biodiversité dans le cadre de diagnostics. Il est impossible d’établir une valeur économique étalon commune à l’échelle nationale en matière de patrimonialisation de la biodiversité. En revanche, le concept de service écosystémique renvoie à une biodiversité pourvoyeuse de services envers la société, chiffrables eux selon des méthodes plus ou moins exactes.

Les valeurs de la biodiversité. Source : Fondation pour la recherche sur la biodiversité, Les valeurs de

la biodiversité, reflet des relations multiples de l’homme à la nature, Fiche-clé, mai 2013, FRB, Paris.

Entre patrimonialisation et instrumentalisation, la valeur d’option fait référence à l’usage potentiel futur que l’on aura d’une ressource. SALLES indique que, dès lors, la préservation est réalisée selon deux finalités bien distinctes en fonction des contributeurs : soit la biodiversité est préservée par principe (valeur intrinsèque), soit elle l’est dans un but d’exploitation future (valeur d’option). Tout ceci fait état d’un regard global qui se construit au sujet des services écosystémiques rendus par la Nature. Qu’en est-il des services écosystémiques rendus par l’agriculture ?

En lien avec l’agriculture, les services écosystémiques de la biodiversité sont à l’origine d’agro-écosystèmes (INRA, 2012). La définition des services rendus est sujette à débats tout comme leur catégorisation. Au premier chef, l’Evaluation des Ecosystèmes pour le Millénaire, travail collectif mondial mené au début des années 2000 pour constituer une base

de réflexion et diffuser le concept de services écosystémiques, a permis de statuer l’existence de quatre types de services :

- les services de support

- les services d’approvisionnement - les services de régulation

- les services culturels et sociaux

Sans s’éloigner fondamentalement de cette typologie, un groupement de scientifiques de l’INRA a reformulé en 2012 ces premières catégories, en particulier à cause du « flou de [leurs] définitions des services de régulation et de support » (p60). Ils ont rédigé une classification adaptée aux réalités agricoles (voir schéma ci-dessous), « qui distingue :

- les services « intrants », qui contribuent à la fourniture de ressources et au maintien des supports physico-chimiques de la production agricole, et qui assurent la régulation des interactions biotiques, positives ou négatives : maintien de la structure ou de la fertilité des sols, pollinisation, protection de la santé des animaux domestiques, par exemple.

- les services de production contribuant au revenu agricole : ils concernent la production végétale et la production animale, dont les niveaux mais aussi la stabilité dans le temps et la qualité des produits sont considérés.

- les services produits hors revenu agricole direct, qui incluent le contrôle de la qualité des eaux, la séquestration du carbone ou la valeur esthétique des paysages, notamment. »

Les agro-écosystèmes révèlent une interdépendance : l’agriculture tire profit de son environnement naturel et, inversement, les équilibres des écosystèmes sont préservés grâce à l’agriculture. Nous n’occultons pas ici les effets néfastes de l’une sur l’autre, en particulier de certaines pratiques agricoles sur l’environnement, mais les relations vertueuses sont à percevoir et valoriser, pratiquement par le biais d’un montant financier octroyé lors du calcul des compensations agricoles communes, puisque certains de ces services sont monétarisables.

Les travaux en ce sens font état d’une grande diversité des services écosystémiques et de leurs impacts économiques. Dans le rapport CHEVASSUS, par exemple, nous retrouvons des tentatives de quantification. Ses auteurs mettent en garde contre une réutilisation locale de ces barèmes indicatifs soumis à forte variabilité selon les espaces analysés et les échelles d’observations. Cependant, ils font preuve d’un souci de détermination de l’apport de l’agriculture dans l’économie globale des territoires, avec un exemple de quantification pour les prairies gérées de manière extensive. Remarquant que l’ensemble des services rendus ne sont pas monétarisables de « manière robuste », entre autres le rôle des écosystèmes sur les risques climatiques ou sur la limitation de la propagation des maladies, et écartant par conséquent de leurs modèles des approximations contestables, les rédacteurs n’ont quantifié que les phénomènes de valeurs d’usages et considèrent « que les estimations proposées sont des estimations a minima, qui peuvent donc sans conteste remplacer dès maintenant la valeur nulle utilisée pour la biodiversité dans le calcul socioéconomique ». P. Ten Brink soulignait en 2008 ce même phénomène de prise en compte partielle par la monétarisation des services environnementaux par une schématisation, reprise par TEEB puis simplifiée comme indiqué par le schéma ci-dessus par PUYDARRIEUX et DEVAUX pour le compte du MAAF. Ces deux derniers auteurs ont cherché à réévaluer les services rendus par les prairies en France et leurs travaux sont les plus récents recensés à ce jour pour évaluer les services écosystémiques rendus par ces espaces. Ils chiffrent à 600 €/an/Ha les services rendus par les prairies permanentes et à 1 100 à 4 600 €/an/ha ceux des prairies humides. Nous renvoyons ici à la Pyramide des l’évaluation des services

écosystémiques, d’après PUYDARRIEUX et DEVAUX, 2013.

lecture de leur étude pour connaître les méthodologies de quantification adoptées57. Notamment, ils ont pu générer des résultats au sujet de la séquestration et du stockage du carbone, de la pollinisation, de la chasse et des aménités paysagères. Ils n’ont pu mesurer de nombreuses variables comme celles relatives aux risques (protection contre les crues, l’érosion etc.). Puisqu’il s’agit là de la seule référence disponible concernant des espaces agricoles français à ce jour et au vu du caractère minimisé des valeurs finales produites, nous proposons de nous servir de ces données comme de références tant qu’aucun autre travail complémentaire ne vient spécifier les services produits propres à chaque système agricole, d’autant plus que nous sommes invités par CHEVASSUS à systématiquement affecter une valeur non nulle à ces services.

Des expertises sont actuellement menées pour améliorer la connaissance autour de ces services écosystémiques. LIBERATION58 est un programme européen lancé le 1er février 2013 et devant durer quatre ans, qui arrive ainsi bientôt à terme. L’objectif des chercheurs de 11 instituts de recherche de 7 pays différents est « d’identifier les relations pouvant exister entre les habitats semi-naturels, la gestion des exploitations et la biodiversité » avec pour volonté à terme de révéler « comment une gestion réussie des exploitations agricoles permet d’améliorer les services écosystémiques comme la pollinisation, la lutte contre les ravageurs, la protection des sols ou la séquestration du carbone tout en contribuant à l’économie rurale locale ». Il devrait permettre de produire in fine des références à l’échelle européenne à réadapter aux échelons locaux. De même, le métaprogramme interdisciplinaire EcoServ de l’INRA a pour but de « fournir les bases scientifiques d’une identification, d’une quantification et d’une évaluation de l’ensemble des services rendus par les écosystèmes dépendant des activités agricoles, sylvicoles et aquacoles »59. EcoServ étant en cours de réalisation, les résultats seront à suivre de près tout comme ceux de LIBERATION pour développer des méthodes de quantification au plus proche des réalités observées et indexer des compensations en adéquation aux pertes estimées.

57 PUYDARRIEUX Philippe et DEVAUX Jérémy, Quelle évaluation économique pour les services

écosystémiques rendus par les prairies en France métropolitaine ?, Commissariat général au développement durable, Etudes & documents, n°92, 42p, juillet 2013.

58 Linking Farmland Biodiversity to Ecosystem Services for Effective Intensification. Pour plus d’informations,

voir le site www.fp7liberation.eu/The LIBERATIONproject.

59

Ainsi, la valeur de non-usage du foncier agricole est estimé à 600 €/Ha quelle que soit l’orientation technico-économique de l’exploitation.

OTEX La valeur de non usage du foncier agricole en €/Ha

Moyenne régionale 600

Grandes cultures 600

Maraîchage 600

Nous avons désormais tous les éléments pour estimer la valeur économique totale de l’agriculture en Midi-Pyrénées.

La Valeur Economique Totale de l’agriculture en Midi-Pyrénées, en €/Ha et par OTEX : Valeur d’usage OTEX de l’exploitation Valeur directe Valeur indirecte Valeur de non-usage Valeur Economique Totale Moyenne régionale 2 093 1 540 600 4 233 Grandes cultures 1 338 1 182 600 3 120 Maraîchage 27 363 17 726 600 45 689 …

Nous percevons bien la limite de l’estimation des valeurs de non-usage ici, traduction directe de leur complexité d’évaluation. Elles ne représentent que 14 % de la valeur économique totale du foncier agricole (moyenne régionale), 19 % de la valeur des grandes cultures et 1,3 % de la valeur du maraîchage alors que le rôle multifonctionnel de l’agriculture est souvent considéré comme aussi important que son rôle productif dans les territoires périurbains.

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