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Valérie BATTEAU 1 (Haute école pédagogique du canton de Vaud, Suisse) et Michel DERUAZ 2 (Haute école pédagogique

Dans le document Numéro complet (Page 50-53)

du canton de Vaud, Suisse)

Cette contribution s’inscrit dans une démarche de recherche-action mise en œuvre depuis 2010 dans un module de didactique des mathématiques de la fi-lière préscolaire-primaire de la HEP Vaud. Par ailleurs, la professionnalisation de l’université et l’augmentation du nombre de jeunes avec des motivations très dif-férentes a souvent servi de détonateur à l’innovation dans l’enseignement supé-rieur. Dans notre cas, la création des HEP au début des années 2000 a changé la donne. Le cadre est devenu universitaire, mais pas nécessairement les étudiants.

La plupart d’entre eux ne se destinent pas à de longues études, manquent d’auto-nomie et de méthodes de travail. Nous avons donc décidé de construire un nou-veau dispositif de formation en tenant compte des spécificités de ces étudiants en nous inspirant de nos recherches sur l’enseignement de la multiplication. Ce dispositif entremêle une présentation à l’aide d’un diaporama, des manipulations effectuées par le formateur avec un abaque d’un nouveau type et des abaques en papier pour les étudiants. Ce dispositif est mis en œuvre lors de cours donnés en amphithéâtre en grand effectif et permet ainsi aux étudiants de travailler la numération et les opérations dans différents registres sémiotiques.

Mots-clés : Innovation, dispositif de formation, numération

Introduction

Cet article présente un dispositif de formation mis en œuvre à partir de 2017 dans le cadre d’un module de didactique des mathématiques de la filière préscolaire-primaire de la Haute École Pédagogique du Canton de Vaud (HEP Vaud) à Lausanne (Deruaz & Clivaz, 2012). Nous montrons en quoi ce dispositif de formation peut être considéré comme une innovation pédago-gique au sens de Bédard et Béchard (2009) et de Cros (2009) et les effets potentiels de ce dispositif sur les résultats des étudiants à l’examen.

Ce dispositif de formation a été élaboré pour un cours donné à plus de 150 étudiants dont beaucoup d’entre eux ont un rapport compliqué aux

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Innover en mathématiques en faisant manipuler plus de 150 étudiants pendant un cours

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Cet article présente en particulier le contenu mathématique proposé aux étudiants sur les systèmes de numération et sur la multiplication et ses algo-rithmes. Puis, nous donnons des éléments du déroulement du cours avant et pendant le nouveau dispositif, en précisant les tâches proposées aux étudiants. Nous concluons cet article par des effets potentiels du nouveau dispositif de formation sur l’amélioration des résultats des étudiants à l’exa-men, mais aussi sur leur rapport aux mathématiques. Nous terminons par quelques limites de la recherche ainsi que des perspectives de transposition dans des classes d’école primaire et en recherche.

Innovation pédagogique

Dans le champ des sciences de l’éducation, le terme d’innovation est lié à l’idée d’un changement. Lison, Bédard, Beaucher et Trudelle (2014) précisent que « si toute innovation constitue un changement, tout changement n’est pas une inno-vation » (p. 2). Le terme d’innoinno-vation signifie introduire une chose nouvelle dans un contexte existant (Lison et al., 2014). En se situant dans le contexte de l’ensei-gnement supérieur, l’innovation pédagogique concerne tout ce qui ne relève pas d’un enseignement magistral ou frontal (Béchard, 2001) dans lequel l’ensei-gnant déroule son cours face à un auditoire d’étudiants peu propice aux interac-tions. Une innovation pédagogique constitue donc un changement par rapport à un enseignement de type magistral ou frontal. Et ce changement a pour fina-lité l’amélioration des apprentissages des étudiants (Bédard & Béchard, 2009).

Cros (2000) résume ces différentes idées : « l’innovation en formation est basée sur un nouveau relatif et contextualisé ; elle est changement selon une action finalisée qui s’inscrit dans un processus » (p. 48). D’autres auteurs (Lison et al., 2014) insistent sur l’idée de processus : l’innovation pédagogique « constitue un processus circulaire, limité dans le temps (préparation de l’innovation, mise en place, déroulement, évaluation – souhaitable – et « fin ») et récurrent » (p. 11).

Dans la figure ci-après, ces auteurs ont développé un modèle de la dynamique innovationnelle dans lequel l’innovation pédagogique ou curriculaire est resentée de manière circulaire avec les acteurs (professeurs, étudiants). Ils pré-cisent que l’innovation en tant que processus se place aussi dans un contexte et une culture qui sont déterminants pour son implémentation. « Tout comme il y a une culture d’entreprise ou une culture d’école ou d’établissement, il y a une culture de l’innovation, liée à la structure de l’organisation elle-même » (p. 11).

Dans ce modèle, l’innovation dépend de trois dimensions :

– Une dimension organisationnelle « qui concerne les méthodes de travail à l’intérieur d’une entreprise ou d’une institution » (p. 13)

– Une dimension technique « où un objet matériel nouveau est produit et où on s’intéresse, du moins en partie, à sa socialisation. Notons que ce type d’innovation a des répercussions sur les modes de vie, les représenta-tions, les comportements et les attitudes des individus » (p.13)

– Une dimension sociale définie comme « une remise en question des rap-ports sociaux existants qui apporte de nouvelles manières de voir, de sentir, d’agir, et qui se caractérise par son aspect collectif » (p.13). L’ins-titution n’entre pas en jeu dans les rapports sociaux entre les différents acteurs (professeurs, étudiants).

Valérie Batteau et Michel Deruaz

Formation et pratiques d’enseignement en questions

Figure 1 : Dynamique innovationnelle en enseignement supérieur (Lison et al., 2014, p. 11)

Bédard et Raucent (2015) ont mis en évidence trois enjeux liés à l’innovation pédagogique dans l’enseignement supérieur :

– Le premier concerne les conditions qui vont favoriser et faciliter l’accepta-tion du changement ou celles qui vont inhiber l’innoval’accepta-tion. Pour favoriser l’innovation, il est nécessaire de préciser les valeurs et la vision portées par ce changement. Il faut de plus prendre en compte les contextes aca-démique, administratif et politique dans lesquels le changement s’inscrit.

– Le deuxième est l’existence de zones de tensions créées par les change-ments.

– Le troisième concerne la pérennité des innovations pédagogiques, car toute innovation pédagogique peut se heurter à des résistances qui peuvent provenir tant des personnes que des structures.

Pour résumer, l’innovation pédagogique dans l’enseignement supérieur signifie un changement par rapport à un enseignement de type magistral ou frontal. L’innovation représente à la fois un produit (réussite des étudiants et réputation de l’institution) et un processus (engagement et persévérance des étudiants) (Lison et al., 2014, p. 14). Elle peut amener des résistances tant des personnes que des structures. Nous allons maintenant présenter le contexte dans lequel le dispositif de formation a été introduit.

existants qui apporte de nouvelles manières de voir, de sentir, d’agir, et qui se caractérise par son aspect collectif » (p.13). L’institution n’entre pas en jeu dans les rapports sociaux entre les différents acteurs (professeurs, étudiants).

Figure 1 : Dynamique innovationnelle en enseignement supérieur (Lison et al., 2014, p. 11) Bédard et Raucent (2015) ont mis en évidence trois enjeux liés à l’innovation pédagogique dans l’enseignement supérieur :

• Le premier concerne les conditions qui vont favoriser et faciliter l’acceptation du changement ou celles qui vont inhiber l’innovation. Pour favoriser l’innovation, il est nécessaire de préciser les valeurs et la vision portée par ce changement. Il faut de plus prendre en compte les contextes académique, administratif et politique dans lesquels le changement s’inscrit.

• Le deuxième est l’existence de zones de tensions créées par les changements.

• Le troisième concerne la pérennité des innovations pédagogiques car toute innovation

Culture et contexte

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cette formation, il est nécessaire d’avoir obtenu une maturité fédérale (bac-calauréat) ou un titre jugé équivalent. La plupart des étudiants n’ont donc pas suivi de formations universitaires préalables à cette formation d’ensei-gnant.

Plus généralement, les HEP ont été créées au début des années 2000 pour remplacer les Écoles Normales avec pour objectif l’universitarisation de la formation des enseignants. Il faut toutefois signaler que le profil des étu-diants n’a lui pas nécessairement changé. Selon Cros (2009), la profession-nalisation de l’université et l’augmentation du nombre de jeunes avec des motivations très différentes a souvent servi de détonateur à l’innovation dans l’enseignement supérieur. L’équipe en charge du module du deuxième se-mestre a tenté de construire un cours en tenant compte des spécificités de ces étudiants qui, pour la plupart, ne disposent que de leurs connaissances mathématiques acquises en tant qu’élève du secondaire et qui, pour beau-coup, ont un rapport compliqué aux mathématiques.

Ainsi, un cours de savoirs disciplinaires en mathématiques et didactique des mathématiques a été mis en place en s’inspirant des travaux sur les Connais-sances Mathématiques initiés par Shulman (1986), puis développés par Ball, Thames et Phelps (2008) et repris dans le contexte de la multiplication par Clivaz (2014). Dans les travaux de Ball et de ses collègues (2008), les Connaissances Mathématiques pour l’Enseignement sont catégorisées en connaissances du sujet mathématique et en connaissances pédagogiques.

Figure 2 : Connaissances mathématiques pour l’enseignement (Ball et al., 2008, p. 403) traduit dans (Clivaz, 2014)

Cette figure est présentée aux étudiants lors du cours pour justifier la pré-sence d’un cours de savoirs disciplinaires dans leur formation d’enseignant.

En effet, certains étudiants, souvent ceux qui ont une mauvaise relation avec les mathématiques, ne comprennent pas, ou ne veulent pas comprendre,

insi, un cours de savoirs disciplinaires en mathématiques et didactique des mathématiques a été mis en place en s’inspirant des travaux sur les onnaissances athématiques initiés par hulman (1 ), puis développés par Ball, hames et Phelps (200 ) et repris dans le contexte de la multiplication par livaz (201 ). ans les travaux de Ball et de ses collègues (200 ), les onnaissances athématiques pour l’ nseignement sont catégorisées en connaissances du sujet mathématique et en connaissances pédagogiques.

Figure 2 : onnaissan es mat ématiques pour l enseignement ( all et al., 200 , p. 40 ) tra uit ans ( liva , 2014)

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ceux qui ont une mauvaise relation avec les mathématiques, ne comprennent pas, ou ne veulent

pas comprendre, pourquoi ils seront encore évalués sur des connaissances mathématiques et

pas uniquement sur des connaissances didactiques ou méthodologiques comme cela pouvait

Dans le document Numéro complet (Page 50-53)