• Aucun résultat trouvé

V – 1 Limites et perspectives méthodologiques

Analyse du contexte de passation et de la place du chercheur

Grâce aux grilles d’observation (Cf. annexe n°3) remplies par les encadrants, nous retenons que les ressentis individuels et les dynamiques de groupe (reconnaissance, considération, fuite de la permanence, paresse, sentiment d’inutilité ou de contrainte, etc…) relevés chez les enquêtés confirment les effets du contexte de passation et de l’attitude du chercheur dans la production de résultats, et notamment dans le cas d’une recherche de représentations sociales.

Les dysfonctionnements ayant entouré l’organisation des temps de passation du questionnaire, prévus au nombre de quatre initialement, ont été révélateurs du peu de légitimité accordée à la parole des élèves et du regard des acteurs de la vie scolaire sur celle-ci. Malgré une volonté de notre part d’harmoniser le protocole et le discours visant à positionner les élèves de l’échantillon en tant qu’enquêtés, nous avons relevé d’importantes divergences dans la posture des adultes auprès des élèves.

Premièrement, deux AED qui avaient averti des groupes d’élèves n’ont pu donner suite à la passation, suite à des problématiques de gestion de service. Nous pouvons interpréter cela comme le discrédit de l’engagement des élèves. Deuxièmement, l’approche par l’obligation dans les formulations des consignes par les AED ont pu contribuer à renforcer le biais scolaire de l’exercice évalué pour les élèves, créant des

49 mouvements de résistance et d’incompréhension, mais également de « recopiage » entre élèves. On observe notamment une nette différence entre la grille d’observation remplie par nous, précisant que les élèves ont répondu au questionnaire sans échanger entre eux, et celle remplie par une AED, décrivant des dynamiques de refus et relatant la nécessaire apposition d’une punition pour un élève.

Une autre différence est notable, révélatrice peut-être également de la posture de surveillant attribuée aux assistants d’éducation ; il s’agit de la nature des questions de compréhension rapportées par les adultes, portant sur la forme lors du créneau encadré par l’AED, et portant sur le fond (Ca veut dire quoi un personnel de direction ? Qu’est-ce qu’on fait dans un groupe de parole ?) avec la CPE. En revanche, durant les deux créneaux, rien n’a été verbalisé auprès des adultes concernant le lien entre le thème du questionnaire et leur propre expérience scolaire pour les enquêtés, et l’on peut donc dire que le cadre spatio-temporel de la salle informatique durant une heure de permanence régulière n’a pas permis la libération orale de la parole des élèves.

Analyse de la capacité à répondre par la population

A l’inverse, plusieurs indicateurs (fautes d’orthographe, écriture phonétique, registres de langue familier et vulgaire – à retrouver en annexe n°5) nous permettent de considérer que la libération de la parole a été effective à l’écrit. L’emploi du ton provocateur par plusieurs élèves est par ailleurs significatif d’une posture de méfiance ou de défiance face à l’exercice formel. En outre, l’écrit a été pour quelques élèves l’occasion donnée de formuler un sentiment de gratitude (« merci beaucoup » « je ne pense pas que ce que j’ai écris a était très utiles, mais j’ais essayer. Voilas je suis contente si mon avis a pu vous être utiles »).

L’analyse de la forme des réponses recueillies dans le questionnaire, et que nous avions envisagée dans le chapitre méthodologique comme une donnée de recherche en soi, nous amène ensuite à relativiser notre choix de la population enquêtée. Nous observons premièrement une différence globale dans les formulations employées selon les deux groupes d’élèves interrogés ; celles-ci sont plus étoffées pour le premier groupe constitué de douze latinistes de classes de quatrième mélangées, à l’inverse de celles du deuxième groupe comprenant dix-huit élèves d’un même groupe classe, sans options. Cela provient-il de causes extrinsèques liées au contexte de passation

50 (position du créneau dans l’emploi du temps) ou intrinsèques (dynamiques de groupe, rapport à l’école et aux savoirs) qui feraient intervenir la création d’une nouvelle variable différenciant les élèves ?

De façon plus certaine que pour la variable « constitution des classes », nous avons déjà constaté l’effet de la variable « genre » sur le degré global de satisfaction de la PCPE (Cf. interprétation des résultats empiriques). Nous pouvons donc supposer que si l’échantillon avait comporté un nombre égal de filles et de garçons, le taux d’élèves satisfaits aurait été moindre. Les autres résultats n’étaient ici pas significatifs concernant le genre, mais il eût été plus judicieux d’anticiper le déséquilibre entre le taux de filles et de garçons dans l’échantillon, afin de croiser ensuite les résultats obtenus avec les recherches sur les rapports genrés à l’école.

Concernant les autres caractéristiques de l’échantillon, l’on note la pertinente de la variable « expérience de délégué » et l’absence de mesurabilité de la variable « âge ». Relativement à cette dernière, le fait d’interroger des élèves de treize ans a semblé adéquat, mais il eût été probablement d’autant plus riche d’interroger des élèves en classe de troisième.

En résumé, si la réalité empirique de la passation du questionnaire n’a pas empêché certains élèves de s’exprimer et se sentir écoutés via l’écrit, et si les contraintes organisationnelles du service de vie scolaire concerné viennent ainsi confirmer les conclusions théoriques des Cahiers Pédagogiques (2005), la méthodologie choisie n’a pas été la plus adéquate afin recueillir la parole de tous les élèves. Le choix de la méthode du questionnaire aura donc compromis la représentativité des résultats, mais aura été un prétexte à la réflexion chez les élèves et nous aura enseigné que la capacité à répondre aussi bien sur le fond que la forme à ce type d’exercice est révélatrice de l’état de prise en compte de leur parole chez certains élèves.

Projections méthodologiques

Initialement, nous avions prévu d’utiliser trois méthodes d’enquête qualitatives complémentaires pour mener la recherche ; l’entretien exploratoire en tant que CPE pour relever certains discours d’élèves sur l’importance de leur parole dans la gestion

51 d’un conflit avec un adulte par exemple ; l’observation participante en tant que CPE dans le cadre de la coordination du Conseil de la Vie Collégienne (CVC) pour recueillir des pratiques d’expression collective ; et le questionnaire pour interroger directement la population sur les variables établies et les représentations sociales. Les deux premières méthodes nécessitant un fort degré d’implication avec une « double identification entre l’acteur et le chercheur » (Abernot, Ravestein, 2009), nous avions opté pour le questionnaire.

Après recueil effectif des données et constatation de la richesse des réponses à la question ouverte, il nous semble que l’entretien semi-directif ou l’observation d’un atelier de parole aurait permis d’obtenir des représentations, opinion verbalisées et attitudes, plus riches. Cela aurait été l’occasion de prendre en compte directement la parole des élèves ; en revanche, la présence de l’adulte aurait pu orienter le discours et conduire les élèves à moins évoquer leurs pairs et leurs idéaux.

Documents relatifs