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PARTIE 1. LA NOTION DU MAUVAIS APPARIEMENT SPATIAL

3. VÉRIFIER L’HYPOTHÈSE DU MAUVAIS APPARIEMENT SPATIAL :

Globalement, il est possible de dégager deux grandes approches pour valider ou réfuter l’hypothèse du mauvais appariement spatial : la comparaison des distances métriques ou temps des trajets domicile-travail et le calcul de mesures d’accessibilité aux opportunités d’emploi15 (Houston, 2005b; Ihlanfeldt et Sjoquist, 1998). Les forces et faiblesses de chacune de ces approches seront discutées.

3.1 Comparer les distances domicile-travail

Cette première approche a été utilisée dans de nombreuses études empiriques durant les dernières décennies (McLafferty et Preston, 1992; McLafferty et Preston, 1996; Patacchini et Zenou, 2005; Taylor et Ong, 1995; Wyly, 1996). Elle part du postulat que les Afro-Américains ont une faible accessibilité aux emplois pour deux raisons : les emplois se sont délocalisés vers la banlieue et il est fort difficile pour eux de déménager vers la banlieue du fait de la ségrégation résidentielle. Par conséquent, les Afro- Américains ont des distances de déplacement domicile-travail plus longues que les Blancs. Une telle approche permet aussi de comparer les distances de différents groupes d’immigrants ou ethniques, ou encore des hommes et des femmes (Blázquez et al., 2010; McLafferty et Preston, 1992; McLafferty et Preston, 1996; Parks, 2004). Notons aussi qu’il est possible de calculer ces distances-temps en tenant compte du mode de transport (automobile ou transport en commun).

Au plan méthodologique, une telle approche nécessite le recours à des données individuelles – microdonnées de recensement – où chaque ligne du tableau de données représente un individu pour lequel on connaît ses lieux de résidence et de travail, ainsi que toute une série de caractéristiques (âge, sexe, groupe ethnique d’appartenance, niveau d’éducation, situation familiale, etc.).

Bien que fort intéressante et largement utilisée, cette approche a fait l’objet de plusieurs critiques formulées notamment par Ihlanfeldt et Sjoquist (1998) :

- Postuler que les distances sont plus longues pour les membres de certains groupes, notamment les travailleurs afro-américains; suppose que ces derniers puissent réellement se déplacer des parties centrales vers la périphérie, ce qui

n’est pas forcément le cas si le réseau de transport public n’offre pas de connexions efficaces.

- De manière générale, il est bien connu que la distance de déplacement augmente avec le salaire16. Il convient donc de tenir compte des niveaux de qualification voire des niveaux de salaire lors de la comparaison des distances de déplacements. Certains auteurs, comme Houston (2005b) préconise même de retenir uniquement les emplois manuels peu qualifiés.

3.2 Mesurer les opportunités spatiales d’emploi

La seconde approche consiste à mesurer la proximité aux emplois (voir entre autres Aubin-Beaulieu et al., sous presse; Gaschet et Gaussier, 2003, 2005; Grengs, 2010; Hess, 2005; Liu et Painter, 2012; Parks, 2004; Schuurman et al., 2006; Wenglenski et Orfeuil, 2004). Une situation de mauvais appariement spatial se traduira ainsi par une plus faible accessibilité aux emplois peu qualifiés. Parmi les mesures d’accessibilité aux opportunités d’emplois, on relève dans la littérature du simple au plus complexe :

- le ratio entre les nombres d’emplois et de travailleurs (E/T)17 par zone. Un ratio inférieur à 1 indique ainsi qu’il y a moins d’emplois que de travailleurs dans la zone et que l’accessibilité est faible18. Notons d’ailleurs que cette approche a été utilisée dans l’atlas de la Table Métropolitaine de 2009 (http://www.atlas-zme.qc.ca/2009/carte41.html).

- Le nombre d’emplois ou le ratio emplois/travailleurs dans un rayon de n minutes (de 20 à 60 minutes) ou kilomètres (1 à 20, le plus souvent 5). Plusieurs auteurs comme Gaschet et Gaussier (2003, 2005) préconisent de faire varier le rayon afin de vérifier à quelle(s) échelles(s) les effets du mauvais appariement spatial sont les plus importants. D’autres auteurs préconisent l’utilisation de la distance-temps calculée en transport public (Hess, 2005). - L’utilisation d’un modèle gravitaire dont la formulation la plus simple est :

16 En guise d’illustration, un employé du tertiaire supérieur pourra résider en banlieue et travailler dans le centre-ville.

Par contre, un travailleur peu qualifié et non motorisé résidant dans la ville centrale aura plus de difficultés à rejoindre un emploi situé en banlieue. De plus, un tel déplacement coûteux, tant en temps que monétairement, sera d’autant moins « rentable », si l’emploi offert est au salaire minimum, à temps partiel ou encore avec des horaires atypiques (soir et/ou fin de semaine).

17 Ce ratio est parfois dénommé O/D (l’offre et la demande d’emplois).

18 Quand il avoisine l’unité (de 0,9 à 1,1), il y a une situation d’équilibre, c’est-à-dire que le nombre de travailleurs est

équivalent au nombre d’emplois. Si le ratio dépasse l’unité, on est en situation d’attraction puisqu’il y a plus d’emplois disponibles que de travailleurs; le territoire doit nécessairement attirer une main-d’œuvre extérieure pour répondre à ses besoins. À l’inverse, un ratio à l’unité indique que l’on est en situation déficitaire (il y a plus de travailleurs que d’emplois disponibles sur le territoire) et que certains travailleurs doivent nécessairement sortir de leur territoire pour occuper un emploi (émission).

où Ai représente la valeur de la mesure d’accessibilité pour les travailleurs

résidant dans la zone i, Ej est le nombre d’emplois dans la zone j, dij la distance-

temps19 entre les zones i et j et ß, le paramètre de friction20 de la distance. Notons aussi que d’autres formulations ont été proposées pour tenir compte à la fois de l’offre d’emploi, mais aussi de la demande d’emplois dans l’environnement immédiat de la zone i (Houston, 2005b; Shen, 1998).

Par la suite, il s’agit de comparer les niveaux d’accessibilité de différents groupes de travailleurs et de les mettre en relation avec leurs taux de chômage respectifs, et ce, à partir de modèle de régression. La principale critique formulée à l’égard de cette approche est que l’on mesure l’accessibilité aux emplois occupés et non l’accessibilité aux offres d’emploi, soit des données plus difficilement accessibles.

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