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SECTION 1. MOYENS À DISPOSITION

1. RAPPORT ANNUEL DU SECRÉTAIRE GÉNÉRAL SUR LES VIOLENCES SEXUELLES

1.2 Vérification des données utilisées

L’accès au calendrier interne de réalisation du rapport annuel montre que cela est un processus long, nécessitant différentes étapes et impliquant tant les équipes onusiennes présentes au siège new-yorkais que sur le terrain que la société civile. Comme le développe Lou, le Bureau du RSSG-VSC commencerait par envoyer un questionnaire d’information à différents acteurs onusiens aux sièges et sur le terrain, puis analyserait les réponses parvenues quelques mois après. En concertation avec ces acteurs, les données seraient alors clarifiées, puis une première version du rapport serait rédigée. Des consultations avec des États membres de l’Organisation des Nations Unies, des groupes de travail avec des ONG seraient mis sur pieds et les modifications nécessaires seraient apportées à la première version du rapport. Cette version améliorée serait ensuite de nouveau soumise aux acteurs onusiens puis la version finale du brouillon adopté serait soumise au Bureau exécutif du Secrétaire général de l’ONU pour signature et approbation. Après traduction dans les six langues officielles de l’organisation, et conception du design, le brouillon final du rapport annuel serait présenté au Conseil de sécurité. Au regard de ces nombreuses étapes, il est intéressant de noter que la consultation de la société civile n’interviendrait qu’au moment de la lecture de la toute première version du brouillon. Dans le cadre de l’agenda Femmes, Paix et Sécurité, appelant à une participation accrue de la société civile et particulièrement des associations de femmes, il pourrait être suggéré de faire participer la société civile à davantage d’étapes liées à la rédaction du rapport, avant dépôt initial au Conseil de sécurité. De plus, dans la réalisation de cet exercice de collecte des données, la collaboration siège- terrain semble être une réalité pour les entités onusiennes. Cela semblerait presque inédit tant cette collaboration est critiquée.

Ensuite, Lou insiste sur le fait que l’intérêt du rapport réside en la compilation d’informations de terrain réalisée « au sein du système des Nations Unies afin de garder l’indépendance et objectivité de l’information » (Lou). Comme expliqué par ce répondant, lors de l’envoi de requête initiale sur le terrain, un mémo comprenant quelques questions, sollicitant des chiffres et des informations qualitatives l’accompagne. Les acteurs du terrain doivent alors compiler les informations pour rapporter les tendances de violences sexuelles liées aux conflits dans le pays. Cela se fait dans ce cadre du Monitoring, Analysis and

Reporting Arrangements (MARA) ou encore Arrangements de surveillance, d’analyse et

de rapports. Le MARA intègre les entités onusiennes qui ont des activités de prévention et/ou lutte contre ces crimes. Né du paragraphe 8 de la résolution S/RES/1960 (2010), le MARA doit permettre d’« améliorer la collecte de données et l’analyse d’incidents, de tendances et de comportements systématiques relatifs au viol et à d’autres formes de violence sexuelle, afin de l’aider dans son examen des dispositions à prendre, y compris l’adoption de mesures ciblées et graduelles ». Ce mécanisme recense également les bonnes et mauvaises pratiques, les manquements à combler en matière d’assistance médicale, économique, légale, de réintégration sociale, accès à la justice, efficacité de la justice, gaps de la justice. En revanche, Lou mentionne l’existence d’une plateforme concurrente du système des Nations Unies recensant également les cas de violences sexuelles sur le terrain. C’est le GBVIMS (Système de Gestion des Informations sur les Violences Basées sur le Genre). Ce système a été créé par le Fonds des Nations Unies pour la Population, International Rescue Committee et le Haut-Commissariat aux Réfugiés rejoints par le Fonds des Nations Unies pour l’Enfance et l’Organisation mondiale de la Santé. Il a pour objectif d’harmoniser les données collectées dans un contexte humanitaire. Il permet à ses utilisateurs de collecter, de stocker, d’analyser et éventuellement de diffuser les données se rapportant aux violences basées sur le genre, tout en respectant les standards d’éthique et de sécurité en la matière (Système de Gestion des Informations sur les Violences Basées sur le Genre [GBVIMS], s. d.).

Le GBVIMS est un mécanisme complémentaire au MARA, qui collecte d’autres types d’information. De plus, un cas rentre au GBVIMS par un prestataire de service, un hôpital, une ONG, une maison d’écoute ou d’autres institutions qui donnent des services psychosociaux, assistance légale ou réintégration socio- économique. (Lou)

D’après ce répondant, le GBVIMS ne permet pas « de dire combien de violences sexuelles ont été commises, mais de dire combien de personnes ont reçu de l’assistance pour de la violence sexuelle ». Toutefois, comme le note Lou, le GBVIMS fait état d’un nombre plus élevé de crimes de violences sexuelles que le MARA dans une même région, ce qui rend l’analyse de ces chiffres difficile. La source de la violence sexuelle rapportée au GBVIMS peut être diverse. Les violences sexuelles peuvent par exemple être commises au sein du couple, par un.e voisin.e, par une personne en uniforme, par un ou des membre.s de milices et être recensées par le GBVIMS.

Souvent, quatre fois plus de cas sont rapportés par le GBVIMS comparativement au MARA. En revanche l’analyse de ces chiffres est difficile (…) cela peut cacher la source des violences sexuelles, qui peuvent être diverses et non vérifiées. (Lou)

Enfin, d’après Lou, la collecte de données vérifiées par le MARA prend beaucoup de temps et « conduit à ce que moins de cas soient rapportés ». D’après le répondant, « l’ONU ne sera jamais en capacité de recenser l’intégralité des cas de violences sexuelles liées aux conflits et de manière générale, le rapport du SG n’a pas vocation à montrer tous les cas ». Pour Dominique, il faut regarder les statistiques avec un certain recul, le nombre de crimes rapportés pouvant être plus élevé en raison de l’augmentation des services pour les victimes, car la population est plus sensibilisée et disposée à dénoncer davantage, même des crimes de violences sexuelles plus anciens. Une multitude de facteurs peuvent expliquer la hausse des données pour les violences sexuelles liées au conflit. D’après Dominique, il ne faut pas « isoler toutes ces choses différentes, ce n’est pas un laboratoire, nous faisons de notre mieux pour travailler avec la MARA ou ceux qui travaillent dans ces communautés touchées, pour avoir une analyse plus précise ». Par exemple, d’après les données de la MONUSCO, présentés dans un rapport distribué lors de la commémoration du dixième anniversaire du Bureau du RSSG-VSC célébré en octobre 2019 au siège des Nations Unies à New York, il apparaît que 764 cas vérifiés de violences sexuelles liées au conflit en RDC ont été recensés en 2012, 860 en 2013, 698 en 2014, 637 en 2015, 514 en 2016, 804 en 2017 et 1019 en 2018.

Pour Dominique, il ne faudrait pas uniquement s’arrêter à ces données, mais comprendre la situation dans sa globalité, c’est-à-dire la situation dans laquelle ces violences sont perpétrées et ces données compilées.

Outre ce rapport annuel du Secrétaire général, le Représentant spécial, fonctionnaire onusien de haut rang dispose d’une capacité de plaidoyer.