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Matériel et méthodes

II) Analyse des données qualitatives

1) Le vécu de l’annonce

a) Comment avez-vous vécu l’annonce du diabète ?

Le ressenti émotionnel des patients au moment de l’annonce était globalement « neutre » ou « peu

touché ». Seuls 4 malades sur 25 se sont dits « choqués » à l’information de la maladie. Une seule

patiente exprimait de la « colère », une autre de l’ « inquiétude », deux autres patientes manifestaient leur « surprise ». Mme C-G, groupe 5 : « Moi ça m’a fait un choc, je m’attendais pas

à ça du tout, d’autant que j’étais enceinte. » Mme T, groupe 5 : « Moi c’était un choc, je m’attendais pas à ça, et la tension aussi, j’étais hypertendue, alors que je suis une personne calme… Ça m’a fait un choc. » L’annonce semblait plus difficile en cas de circonstances

particulières, comme la grossesse, une découverte de comorbidité, ou lorsqu’il existait d’emblée une complication du diabète.

Pourtant, la majorité des patients restaient sur des sentiments neutres. Beaucoup se sont dit « peu

ou pas surpris », voire « rassurés » par rapport à quelque chose d’« attendu », notamment en raison

des antécédents familiaux de diabète de type 2 chez les parents au premier degré. Mr C, groupe 3 : « Ça m’a pas beaucoup touché, pourquoi ? Parce que ma maman était diabétique, mon papa était

diabétique. C’est pas venu jeune, hein ? Vers 68 ans. J’attendais comme on dit, c’est héréditaire. »

Un patient s’est senti « non concerné » par l’annonce. Mr S-J, groupe 6 : « Moi personnellement, je

n’ai jamais suivi ça, franchement ça m’intéressait pas, parce que dans la famille, y’a pas. Même quand le médecin m’a annoncé, je me suis pas intéressé du tout, j’ai mis ça derrière moi. » D’autres

se déclaraient « indifférents », « peu ou pas touchés », ou « ne l’avaient pas pris au sérieux », d’autant que l’annonce survenait en l’absence de complications physiques perceptibles.

ne s’agissait « pas d’une catastrophe », ou l’ « avoir pris du bon côté ». Mr A, groupe 2 : « Moi

quand on m’a annoncé que j’étais diabétique, je l’ai pris du bon côté, et puis c’est tout. Il fallait continuer à vivre. »

b) Que saviez-vous du diabète ?

De façon générale, il existait une méconnaissance globale de la maladie. 7 patients ont reconnu « ne rien savoir » du diabète. Pour d’autres, les causes et conséquences du diabète restaient vagues, il s’agissait d’une maladie pouvant toucher « l’ensemble du corps », une « maladie du sucre », liée à la « mauvaise alimentation », avec un caractère héréditaire. Mme D, groupe 3 : « Nos grands-

parents qui disaient tu as le diabète, on va te couper la jambe, il faut faire attention, ça monte dans l’œil aussi, ça te rend aveugle, ça te bloque. »

Pour une patiente d’origine haïtienne, la maladie relevait du tabou. Mme B, groupe 2 : « Moi je

vivais dans un autre pays, où tout ça était caché. Dans mon pays on parle pas beaucoup de ça, je crois que mon père était diabétique, à la maison on ne disait rien. » Un autre patient soulignait les

croyances et superstitions autour de la maladie en Guadeloupe. Mr F, groupe 7 : « Ici en

Guadeloupe, il faut bien noter que les gens disent toujours que c’est une maladie qu’on vous a envoyée, comme on vous a envoyé un sort. Avant l’opération et après, on m’a toujours dit, c’est un mort qu’on m’a envoyé dans le pied. »

D’autres croyances étaient récurrentes quant à la dimension psychologique comme origine de la maladie : un « choc émotionnel », une « colère », sont désignés comme des causes du diabète. Mr A, groupe 2 : « On a pas besoin forcément d’avoir un parent diabétique pour être diabétique, on

peut devenir diabétique sur un choc émotionnel, sur une mauvaise alimentation, autre chose… »

Ces moments clés permettaient aux patients de dater précisément leur maladie.

La notion d’incurabilité de la maladie fut mise en avant par plusieurs interrogés. Mme K, groupe 4 : « Je savais que le diabète ne guérissait pas, quand on est diabétique, on est diabétique à vie,

comme ma mère était diabétique. » Certains malades plus circonspects recherchaient des

informations sur une possible guérison du diabète. Mr H, groupe 7 : « J’ai demandé au docteur s’il

y a pas de guérison pour le diabète, il m’a dit : “ Quand on est devenu diabétique, c’est une maladie qui gratte chez l’homme, qui ne sort jamais. ” »

La plupart des diabétiques ignoraient les conséquences dramatiques de la maladie, notamment pour la complication podologique, ils dénonçaient une maladie « ravageuse » dont ils ne savaient pas qu’elle pouvait « faire autant de choses ».

Le manque globale d’information et de prévention de la maladie fut critiqué par une majorité de patients. Mme C-G, groupe 5 : « C’est-à-dire, on parlait pas beaucoup du diabète avant, les gens

mourraient plus souvent, on disait : « C’est une petite congestion. » C’est quand ils ont approfondi, on a entendu parler de ça dans les informations. » Ces carences informatives étaient pointées du

doigt non seulement comme en partie responsables de la survenue de la maladie, mais aussi comme point de départ de la non-observance du traitement. Mme P, groupe 1 : « On ne s’en occupait pas,

on ne prenait pas l’importance. » Mme T, groupe 7 : « Je n’avais pas vu que dans l’alimentation de tous les jours il fallait aussi changer des choses. »

c) Comment s’est mis en place le suivi de la maladie ?

Dans la majorité des cas, le médecin traitant annonçait et assurait le suivi des patients, en lien avec l’IDE. Seuls 4 patients affirmaient avoir vu ou être suivi par un diabétologue, et 2 par un néphrologue. Mr H, groupe 7 : « J’ai mon docteur, ça fait plus de 30 ans qu’il me soigne. Non, non,

non, je n’ai ni diabétologue, ni… C’est le médecin traitant. » Dans les cas où le diabète était

diagnostiqué au moment de la survenue de la complication podologique avec séjour hospitalier, ou à l’occasion d’un passage à l’hôpital pour un autre motif (ex : suivi de grossesse), plusieurs patients ont déclaré avoir bénéficié d’un suivi initial au niveau de la structure hospitalière, puis d’un relais ultérieur par le médecin traitant.

De nombreux patients regrettaient le manque de temps consacré au vécu de leur maladie par leur généraliste, dont le rôle se limitait à renouveler leur ordonnance médicale. Mme B, groupe 2 : « Moi

c’est pareil, le médecin traitant, c’est pas intéressant, on va pour renouveler les médicaments et c’est tout, hein ? Il a pas le temps. Il prescrit ça et c’est tout, on en discute pas. » Ce qui incitait

d’autant certains malades à se tourner vers un spécialiste, jugé plus à l’écoute. Mr A, groupe 2 : « Moi je discute souvent avec le Dr H, mon néphrologue, il me dit ce qu’il faut prendre, ce qu’il ne

faut pas prendre. Là j’ai une analyse de sang complète à faire, je dois lui montrer le résultat. Quand les médicaments prennent fin, je vais voir le médecin traitant pour renouveler. »

d) Comment avez-vous participé au choix du traitement ?

Très peu de patients participaient au choix du traitement, les patients s’en remettant à la décision du médecin traitant. Mr Z, groupe 7 : « Mais docteur, comment voulez-vous discuter avec un

praticien comme vous au sujet du traitement ? Enfin, je pense, la question pour moi, hein, je n’y connais rien, il me dit la glycémie est trop élevée, je vais vous donner ça, je vous donne ça, bon, hein. » La question du choix des médicaments semblait plus approfondie au niveau des différents

spécialistes, ce qui motivait dès lors d’avantage les patients à s’intéresser à la prise en charge de leur maladie. Dans quelques cas évoqués, il existait une discussion entre le spécialiste et le médecin traitant pour le choix thérapeutique. Mr C, groupe 3 : « Moi c’est le docteur traitant et le

néphrologue, ils discutent entre eux, et ils choisissent les médicaments. »

e) Avec votre œil d’aujourd’hui, qu’est-ce qui a manqué ?

La grande majorité des patients dénonçait le manque d’informations et de prévention sur la maladie. La plupart des malades ignoraient les causes responsables du diabète. Mr F, groupe 7 : « Les gens croient que les malades sont déjà informés, même à la pharmacie… Non… Il y aurait dû

y avoir des séances d’informations sur la maladie. » Pourtant, la prévalence de la maladie était

connue en augmentation, ce qui fut souligné à plusieurs reprises. Mr H, groupe 7 : « Maintenant

tout le monde que vous allez côtoyer est diabétique. »

Les malades appuyaient les nécessités d’une information individuelle et collectives, ils proposaient la mise en place de campagnes de sensibilisation, et plus spécifiquement au niveau de l’éducation nationale afin de toucher le plus jeune âge, notamment concernant les règles alimentaires, l’activité physique, et les bases théoriques de la maladie. Mme K, groupe 4 : « Dès l’âge de 3 ou 4 ans, il faut

leur dire, pour nous c’est trop tard, mais pour eux, parce que là… » Un patient proposait même un

dépistage systématique de la maladie organisé au cours d’un examen sanguin annuel. Mr Z, groupe 6 : « Moi je pense, personnellement que tout être devrait faire un bilan complet, et que le médecin

devrait être franc, pas biaisé, lui dire très tôt : « Vous êtes diabétique. » Mais très tôt, on a 25 ans, on a 40 ans. Très tôt, surtout quand on est issu de parents diabétiques. »

La mise en place du suivi de la maladie fut à plusieurs reprises jugée insuffisante lors de la découverte du diabète. Les malades exprimaient en effet le sentiment d’être livrés à eux-mêmes, faute notamment au manque de temps et de discussion avec le médecin traitant. Mr S-J, groupe 6 : « Moi je n’ai pas eu de suivi, elle m’a dit que j’étais diabétique, mais je n’ai pas eu de vrai suivi.

Elle m’a juste donné une ordonnance : « Va à la pharmacie, achète. » Je l’ai acheté, mais je n’ai pas eu de suivi, je n’ai pas eu de contrôle. ». Inversement, certains patients se sont dit bien

informés, mais éprouvaient des difficultés à appliquer les conseils du médecin et suivre leur traitement. Mme B, groupe 1 : « On nous a tout expliqué, hein ? C’était à nous de prendre les

précautions ensuite. » Une patiente proposait de mettre en place des réunions de diabétiques pour

améliorer l’information des malades. Mme C-G, groupe 5 : « Oui des rencontres, des tables rondes

comme vous faîtes, discuter. Il y a beaucoup de personnes avec ces informations, ils font beaucoup plus attention, notamment à ce qu’ils mangent, l’hygiène. » Un autre patient proposait des

« réunions de quartier ». Un patient enfin regrettait son manque d’implication dans la décision médicale, et aurait souhaité une « analyse précise des solutions thérapeutiques » au moment de

l’annonce, en déplorant un traitement médical subi plutôt que choisi.

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