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Chapitre II : Littérature actuelle sur les performances du CA19-9 dans les cancers digestifs

I. CA19-9 ET LE CANCER DU PANCREAS :

3. Utilité du CA19-9 dans le cancer du pancréas :

a- Intérêt du CA19-9 dans le dépistage et diagnostic précoce du CP :

De nombreux travaux ont été consacrés à ce sujet. La sensibilité du CA19-9 dépend, comme dans tous les cas, de la taille de la tumeur. Pour des tumeurs de diamètre inférieur à 2 cm, la sensibilité est de 10 à 63%. Pour un diamètre tumoral allant jusqu’à 3 cm, la sensibilité est en moyenne de 45 % avec des extrêmes atteignant 78%. Au-delà de ce seuil, la sensibilité dépasse 70% et atteint souvent 90%. [53]

Le dépistage de l’adénocarcinome est difficile en raison de la difficulté de définir un groupe à risque. Sa prévalence dans la population générale de plus de 50 ans est estimée à 0,05% aux Etats-Unis. [54] Plus de 80% des cas sont diagnostiqués entre 60 et 80 ans. [55] Le risque d’en être atteint tout au long de sa vie est de 1% [56]. Compte tenu de l’épidémiologie de cette tumeur et de la médiocre sensibilité du dosage du CA19-9, la valeur prédictive positive au seuil de 37, 100, 300 voire 1000 UI/ml serait respectivement de 0,04, 0,35, 0,5 et 2%. [41]

Ces chiffres montrent que le dépistage de l’adénocarcinome pancréatique dans la population générale n’est pas un problème de santé publique et surtout que le rapport coût/efficacité du dépistage par le dosage du CA19-9 est très

défavorable. Il faudrait faire 100.000 dosages pour 40 diagnostics corrects ce qui provoqueraient 10.000 faux positifs. A ces chiffres déjà convaincants, il faut encore ajouter que, parmi les 40 diagnostics corrects, rien ne garantit que la tumeur serait découverte à un stade curable.

Cette démonstration a pour but de montrer l’inutilité des dosages de ce marqueur faits dans un but de « débrouillage» devant des symptômes atypiques ou, pire encore, de check-up de la cinquantaine.

Plusieurs études ont tenté d’évaluer l’intérêt du CA19-9 pour le diagnostic précoce du cancer du pancréas, en termes de spécificité et de sensibilité. Nous présentons quelque unes :

◊ Etude de Steinburg et al. : [57]

Cette enquête prospective regroupe 194 patients (dont 37 porteurs d’adénocarcinome pancréatique). Elle rapporte une sensibilité de 86,5%.

Les groupes témoins (pancréas sains) présente des valeurs du CA19-9 en règle inferieure à 37 UI/ml. Ce seuil de positivité a été adopté dans la majorité des études ultérieures.

Avec un taux limite à 75 UI/ml, la spécificité du CA19-9 pour le diagnostic du cancer du pancréas avoisine 90%. Si l’on augmente encore ce seuil, la spécificité tend vers 100% (spécificité de 99% pour un taux de CA19-9 supérieur à 1000 UI/ml) ; mais s’accompagne alors d’une importante diminution de la sensibilité, ce qui enlève tout intérêt à la réalisation de ce test.

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◊Etude de Nouts et Levy : [58]

Cette étude regroupe 179 patients dont 126 ont une pancréatite chronique et 53 ont un cancer du pancréas.

Au seuil du 37UI/ml, la spécificité et la sensibilité du CA19-9 pour le diagnostic du cancer du pancréas étaient respectivement de 53% et de 95%. La présence d’une cholestase entraînait une augmentation significative du CA19-9 chez les patients ayant une pancréatite chronique, et non chez les malades avec un cancer du pancréas.

Au seuil de 300UI/ml, la spécificité et la sensibilité du CA19-9 pour le cancer du pancréas, étaient respectivement de 95% et de 81% chez les malades sans cholestases, et respectivement de 87 et de 81% chez les malades avec cholestases.

◊Etude de Kenny : [59]

Sur une période de 4ans, et regroupant 38 patients avec lésions pancréatiques prouvées à la laparotomie, cette étude a classé ces patients en deux groupes :

G1 : ayant un adénocarcinome (n = 17 cas) ;

G2 : avec lésions pancréatiques bénignes (n = 27 cas).

Les niveaux du CA19-9 étaient statistiquement plus élevés chez les malades du groupe G1 ; excepté un malade avec un taux du CA19-9 > 300UI/ml qui avait un ADK du pancréas.

Tous les malades, exceptés 2, avec CA19-9 < 300UI/ml, avaient des lésions bénignes, la sensibilité et la spécificité étaient respectivement de 88% et de 95%.

◊Etude de Chang Cy :

Dans un travail plus récent étudiant l’efficacité du dosage du CA19-9 dans la prédilection d’un adénocarcinome du pancréas ayant porté sur 5343 malades asymptomatiques à Taiwan, le CA19-9 était élevé au-dessus de la normale chez 385 cas dont deux seulement avaient un adénocarcinome pancréatique. La valeur prédictive positive était de 0,5%. [60]

Une étude de même nature que la précédente faite par kim JE et al. Porte, elle aussi, sur l’utilité du CA19-9 dans le diagnostic du cancer du pancréas. Elle a concerné 71 000 asymptomatiques en Corée. La valeur prédictive positive trouvée était de 0,9%. [61]

◊ Etude de Zubarik et al. : [62]

Cette étude repose sur l’examen et la recherche du cancer du pancréas chez une population à haut risque. Les données préliminaires ont été collectées à partir de différents centres d’essais utilisant le CA19-9 et l’endoscopie ultrason. Les essais effectués ont utilisés plusieurs modalités de diagnostic.

L’étude a concerné des patients âgés entre 50 et 80 ans ayant des antécédents du cancer du pancréas de premier degré dans la famille. L’objectif était de déterminer la fréquence à laquelle un cancer du pancréas peut-être détecté dans cette catégorie de la population.

Le protocole commence par le dosage du CA19-9 et dans le cas où il dépasse 37U/ml, l’endoscopie ultrason était pratiquée. 195 patients étaient admis dans cette étude, 88% de femmes et avec une moyenne d’âge de 60 ans.

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L’élévation du CA19-9 s’est produite chez 7% (13/195) des patients. Dix endoscopies ultrason ont été pratiquées et le cancer du pancréas s’est confirmé chez un patient 0,5%. Ce patient asymptomatique a eu un CA19-9 à 339 UI/ml et a, de ce fait, subit une résection au stade I. Et ce n’est qu’après que le même cancer fut détecté chez sa mère mais à un stade inopérable.

b- Intérêt pronostic du dosage du CA19-9 dans le cancer du pancréas : b.1. Valeurs préopératoires et prédiction de la résécabilité :

Plusieurs travaux ont été consacrés à ce sujet. Parmi 49 malades ayant une tumeur résécable, 6% avaient un taux de CA19-9 supérieur à 1000 UI/ml alors que 38% des malades ayant une tumeur non résécable avaient un taux dépassant ce seuil. 97% des malades dépassant ce seuil avait une tumeur non résécable. [41] Le seuil de 300UI/ml pourrait permettre de discriminer les tumeurs non résécables mais avec des performances moins bonnes que le seuil de 1000 UI/ml. 72%des malades dépassant ce seuil ont une tumeur non résécable, y compris si le bilan radiologique (non optimal) conclut à la résécabilité. [63]

A partir d’une série de 89 malades ayant une tumeur jugée résécable sur le bilan préopératoire (dont 40 ont été effectivement réséquées), un taux supérieur à 150 UI/ml permettait de prédire la non résécabilité dans 88% des cas. [64]

Une autre étude a montré que 18% des malades ayant un taux de Ca 19-9 supérieur à 400 UI/ml avaient en fait une tumeur résécable. [48]

En pré-thérapeutique, la valeur de l’Ag CA19-9 peut apporter un argument supplémentaire en faveur de la non-résécabilité par rapport à l’examen tomodensitométrique. Ainsi, parmi 51 patients opérés en vue d’une chirurgie curative, 18 (36 %) ont une tumeur résécable et 33 (64 %) une tumeur non

résécable. Le taux moyen de l’Ag CA 19-9 est respectivement de 68 et 622 UI/ml dans les deux groupes. Avec une valeur-seuil de 256 UI/ml, la sensibilité est de 92,3 % et la spécificité de 82,4 %. [65]

Toutes ces études citées ici de façon non exhaustive ne comparent pas l’utilité du dosage de ce marqueur par rapport aux techniques modernes d’imagerie que sont la scanographie multibarette ou l’échoendoscopie. Si un chirurgien décidait de ne pas opérer un malade sur le seul résultat d’un dosage de ce marqueur, il se tromperait dans un cas sur cinq. [66]

b.2. Rôle dans la prédiction de survie après résécabilité :

Le taux de CA19-9 préopératoire est corrélé au pronostic postopératoire. La médiane de survie postopératoire est de 13 mois si le taux de CA19-9 est inférieur à 10 fois la normale versus 7 mois si ce seuil est dépassé. [67]

D’autres travaux ont montré que le taux du CA19-9 est un facteur pronostic indépendant de la taille de la tumeur et de son grade histologique. [48] [68]

Le taux du CA19-9 postopératoire est un indicateur de la durée de survie. En cas de normalisation, la durée de survie postopératoire (médiane ou moyenne selon les études) va de 17 à 22 mois alors qu’elle est de 5 à 9 mois en cas d’élévation persistante [68] [69]

.

S’il est régulièrement dosé en postopératoire, l’élévation du taux de CA19-9 précède de 1 à 20 mois le diagnostic radiologique d’une récidive [48][68]

. Cependant, aucune étude n’a montré que le monitorage du CA19-9 avait un effet quelconque sur la survie.

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Après traitement chirurgical, la chute du CA19-9 a une valeur pronostic indépendante sur la survie. [69] La valeur du CA19-9 postopératoire est le meilleur facteur prédictif de la survie sans récidive et de la survie globale. Ainsi, les patients dont le taux se normalise 3 à 6 mois après la chirurgie ont une meilleure survie que ceux chez qui le taux ne se normalise pas. [70]

Le CA19-9 est un facteur prédictif indépendant de la survie et de récidive après résection chirurgicale. Son taux est corrélé à la masse tumorale et à la présence de métastases. Les patients ayant un taux de CA19-9 indétectable, car ne sécrétant pas cet antigène, ont une survie identique à celle des patients ayant un taux normal (< 37 U/ml) et supérieure à celle des patients ayant un taux augmenté. [71]

◊ Etude d’Howard : [72]

Regroupant 38 patients, avec un adénocarcinome pancréatique histologiquement prouvé, cette étude a été exécutée en série pendant toute l’évolution de la maladie.

- Chez 4 patients, Lewis (-), les niveaux du CA19-9 sont restés normaux durant toute l’évolution de la maladie. Chez les 34 restants, les niveaux du CA19-9 étaient sensiblement plus bas, en cas de tumeurs résécables ou de taille > 5cm. Les niveaux du CA19-9 ont brusquement chuté après résection chez 11patients, tandis qu’aucun changement n’a été trouvé après laparotomie sans résection.

- Chez 7 patients dont les niveaux du CA19-9 sont revenus à la normale après résection, le taux de survie médiane était sensiblement plus long que chez les patients dont le taux postopératoire du CA19-9 a diminué sans pour autant revenir à la normale (21,9 mois contre 8,7 mois).

-Chez 6 patients, des 11 patients ayant subi la résection, la réascension du CA19-9, a précédé de 2 à 9 mois les changements détectés par l’examen clinique et l’imagerie.

-Chez 23 patients, qui ont décédé, 15 (65%) ont eu une élévation évidente du taux du CA19-9 avant leur décès.

◊ Etude de Beger : [73]

Regroupant 2119 patients, dont 347 ont un cancer du pancréas, la sensibilité du CA19-9 était de 85% et de 92% pour les sujets Lewis (+). Les niveaux du CA19-9 étaient sensiblement plus bas chez les patients ayant tumeurs résécables (n=126) que chez ceux avec tumeurs non résécables (n=221) (avec une sensibilité de 74 contre 90%).

Les niveaux du CA19-9 ont brusquement chuté après résection mais ne sont normalisés que dans 29, 13et 10% chez les patients présentant respectivement les stades I, II, III de la maladie.

- Pour les tumeurs non résécables, aucune diminution significative du taux du CA19-9 après laparotomie ou dérivation n’a été signalée.

- Pour le même stade de la maladie, le taux de survie médiane chez les malades dont le niveau du CA19-9 est revenu à la normale après résection a été sensiblement plus longue que pour les malades dont le niveau a diminué sans se normaliser (stade I: 33 contre 11,3 mois, stade II:41 contre 8,6 mois, stade III : 28 contre 10,8 mois).