• Aucun résultat trouvé

PARTIE 3 : LA PSYCHOMOTRICITÉ EN EHPAD

III. Utilisation d’une médiation sensorielle dans la (re)prise de conscience corporelle.

L’utilisation de la médiation n’est pas propre au champ du psychomotricien mais elle fait partie intégrante du domaine du soin.

Par définition, la médiation désigne « le fait de servir d’intermédiaire » (Larousse). En effet, le médiateur possède une fonction de tiers : il s’interpose entre le thérapeute et le résident afin de faciliter la rencontre et de soutenir la relation. Le médiateur est facilitateur de la relation psychomotricien/résident et favorise également celle entre le résident et les autres membres d’un groupe. En servant d’objet d’attention conjointe, la médiation sert de socle à la relation thérapeutique. Le médiateur thérapeutique, par son caractère non verbal relève d’un ancrage corporel et permet de mettre en jeu d’autres aspects que le langage verbal. Ainsi, par l’implication du corps, il favorise l’expérience sensori-motrice et donc la prise de conscience du corps.

Lors de mon stage, j’ai pu expérimenter différents médiateurs : les stimulations sensorielles, l’atelier prévention des chutes, le bain thérapeutique, la relaxation, l’automassage, le toucher thérapeutique, l’atelier cuisine thérapeutique, etc… Ces médiateurs sont autant d’expériences qui permettent à la personne âgée atteinte de démence d’expérimenter son corps. Toutes ces médiations visent à la mise en mouvement du corps et à l’exploration des sens, induisant chez la personne âgée, le sentiment de se sentir vivant.

Tous ces médiateurs permettent une stimulation des différents sens qui, comme nous l’avons vu, ont une importance capitale dans la prise de conscience corporelle. Il me semble cependant nécessaire de préciser que pour moi, le sens le plus important en psychomotricité est le toucher. Il est le premier sens à se développer in utéro et celui qui est le mieux conservé avec le vieillissement et les différentes pathologies pouvant l’accompagner. Le toucher est donc le sens sur lequel le psychomotricien va pouvoir s’appuyer dans sa pratique peu importe la population auprès de laquelle il exerce. Par divers procédés, le psychomotricien va stimuler ce sens mais également les autres et ainsi alimenter la reprise de la conscience corporelle chez la personne âgée atteinte de démence.

62 | P a g e

Le travail corporel lors de la prise en soin psychomotrice favorise les allers-retours entre les différents niveaux de la boucle : sensations-perceptions-représentations. Qu’elles soient internes ou externes, les sensations alimentent la représentation que la personne se fait de son corps. Aussi, les expériences motrices enrichissent les représentations mentales.

→ La sensation est un phénomène psycho-physiologique par lequel une stimulation externe ou interne a un effet modificateur spécifique sur la conscience par activation des récepteurs sensoriels.

→ La perception est un phénomène actif de reconnaissance et d’identification des sensations permettant leur prise de conscience.

→ La représentation est la capacité à créer une image mentale pour se représenter une perception antérieure.

Ces trois niveaux successifs dans le développement de l’enfant vers un accès au symbolique s’appauvrissent chez la personne âgée atteinte de démence. Le travail corporel procuré par la prise en soin psychomotrice favorise les allers-retours au sein de cette boucle entre les sensations, les perceptions et les représentations. Le thérapeute, par sa qualité de présence et la mise en mots des éprouvés du résident lors des séances de psychomotricité, l’accompagne dans ce processus de représentation et de verbalisation qui fait défaut dans la DTA.

Les canaux sensoriels sont les premiers modes de découverte et d’exploration de l’environnement chez l’enfant. C’est dans les expériences corporelles et les interrelations que le nourrisson acquiert des repères organisateurs indispensables à un développement psychomoteur harmonieux. Les stimulations sensorielles mises en lien avec la mémoire corporelle (mémoire la mieux préservée dans la DTA) permettent de faire vivre au résident des moments de mieux être, de réactiver la boucle sensations-perceptions-représentations afin de redonner au corps une place mais également de prendre conscience de ses limites et de le réinvestir.

Pour se sentir vivante et renouer avec le sentiment continu d’exister, la personne âgée présentant une maladie d’Alzheimer doit être consciente des diverses sensations corporelles. C’est en ce sens que le psychomotricien aide le résident à focaliser son attention et à prendre conscience des sensations corporelles car le sentiment d’identité et le sentiment d’exister en dépendent.

63 | P a g e

La prise en soin en psychomotricité, en sollicitant les différents types de sensibilités, participe donc à la réintégration de la conscience corporelle. Les ressentis corporels éprouvés permettent au résident de se réapproprier son corps et de reprendre conscience de celui-ci. L’attention tournée vers ses perceptions corporelles permet à la personne âgée atteinte de démence de prendre conscience de son corps et de le réinvestir. Les stimulations sensorielles semblent donc aptes pour favoriser cette (re)prise de conscience corporelle. Nous pouvons faire un parallèle entre ce que le psychomotricien propose en prise en soin aux résidents présentant une DTA et ce que les parents effectuent avec leur enfant pour qu’émerge cette conscience du corps. Il me semble néanmoins important de préciser qu’il n’y a aucune infantilisation des résidents de la part du psychomotricien.

Il me paraît intéressant de rapprocher les angoisses de morcellement du nouveau-né, de celles que peuvent vivre les personnes âgées atteintes de la maladie d’Alzheimer chez qui, la conscience corporelle est mise à mal. Pour lutter contre les angoisses de son bébé, la Mère (au sens large) dispose des capacités de Holding et Handling qui permettent à l’enfant de se développer physiquement et psychiquement. Elles facilitent la prise de conscience du corps sur un plan physique (sentiment d’unité corporelle, présence d’une limite entre le dedans et le dehors) et sur un plan psychique (sentiment de continuité d’existence). Ces deux notions théorisées par D. WINNICOTT ont une fonction contenante qui contribue à un sentiment de sécurité.

De façon analogue et lors des prises en soin, le psychomotricien assure cette fonction de sécurité physique et psychique. La contenance physique, lors des mobilisations ou de l’utilisation de l’outil toucher thérapeutique et la contenance psychique permettent de nouveau, l’émergence d’un sentiment de continuité d’exister, de confiance et d’habiter son corps plus sereinement. En étant reconnue par l’autre, sous le contact, dans son regard et sa parole, la personne âgée atteinte de démence se sent exister et le psychomotricien peut l’aider à retrouver sa qualité du sujet.

64 | P a g e