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Utilisation d’oligonucléotides photoclivables antisens (asODN, ncPNA,

I.2. Approche optochimique appliquée à la génétique

I.2.1 Photo-régulation de l’expression d’un gène au niveau post-

I.2.1.2 Utilisation d’oligonucléotides photoclivables antisens (asODN, ncPNA,

Bien que l’utilisation d’ARN interférents soit une méthode efficace pour les études de perte de fonction chez le ver ou la drosophile, elle est beaucoup moins employée chez les organismes tels que le poisson zèbre ou encore chez xenope. De plus, leur activité résiduelle, leur cytotoxicité combinée à la faible résistance in vivo du double brin d’ARN ont pour conséquence de restreindre leurs applications aux stades préliminaires du développement. Ainsi des oligonucléotides non naturels synthétiques photo-activables ont vu le jour et peuvent potentiellement surpasser certaines de ces limitations.

La fixation d’un oligonucléotide synthétique, appelé antisens, sur une séquence complémentaire d’un ARNm choisi pour cible peut entrainer l’inhibition de la synthèse protéique correspondante. Deux mécanismes sont responsables de cette inhibition : le ribosome n’ayant plus accès au simple brin de l’ARNm en question, l’étape de traduction va alors être interrompue (Figure 11 A), ou bien l’appariement de l’oligonucléotide antisens à l’ARNm cible va entrainer la dégradation de ce dernier par le recrutement d’une RNase-H (Figure 11 B).

En modifiant chimiquement ces oligonucléotides antisens à l’aide d’attaches photosensibles (PS) par l’intermédiaire d’un lien photoclivable contenant un dérivé nitrobenzyle (o-NB) (Figure 11C), il a été possible de leur conférer des propriétés photochimiques intéressantes permettant de les manipuler avec un contrôle temporel élevé. Il s’agit là d’un moyen de photoréguler artificiellement et de façon spécifique l’expression du gène cible. Cette approche a l’avantage de ne plus avoir à « cager » l’ensemble des fonctions présentes sur l’ARNm, ce qui entraine des activités basales bien plus faibles que par l’approche de « caging » vue dans la partie précédente. Néanmoins cette nouvelle approche nécessite un design précis afin de synthétiser des oligonucléotides antisens uniques ayant une affinité la plus grande possible pour chaque ARNm étudié.

Nous allons maintenant passer en revue les trois types d’oligonucléotides antisens les plus courant ayant fait l’objet d’études pour photo-contrôler la régulation de gènes.

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Figure 11 : Différentes approches permettant de photoréguler l’expression d’un gène à l’aide d’oligonucléotides antisens photo-activables :

A) Après clivage du linker photo-sensible (PS), l’oligonucléotide antisens va s’hybrider avec l’ARNm stoppant sa

traduction par la gêne stérique occasionnée.

B) Dans des cellules de mammifères, après clivage du linker photo sensible (PS), l’oligonucléotide antisens

s’hybride avec l’ARNm et recrute une ribonucléase endogène (RNase H, dans cet exemple).

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Les oligonucléotides « asODNs »

Les oligonucléotides antisens photo-activables appelés « asODNs » (antisense oligodeoxynucleotides) (Figure 12A) ont par exemple été utilisés pour photoréguler l’expression du gène c-myb (facteur de transcription hématopoïétique) directement lié au cancer à travers une série d’études effectuées par l’équipe de Ivan Dmochowski (Tang and Dmochowski, 2006, 2007; Tang et al., 2008).

Afin de lui conférer sa propriété de photosensibilité, l’asODN est chimiquement lié à un oligonucléotide sens complémentaire par l’intermédiaire d’un lien photoclivable contenant un dérivé nitrobenzyle (o-NB) (Figure 11C). Ainsi, le duplex formé entre les deux oligonucléotides sens/antisens par interaction de Watson-Crick (appelé épingle à cheveux photosensible) empêche ce dernier de s’hybrider avec l’ARNm cible et ne perturbe pas le processus de traduction ou d’épissage.

La photolyse à 365 nm permet de briser ce lien photosensible, libérant l’oligonucléotide antisens dont l’appariement par complémentarité à l’ARNm cible déclenche le recrutement d’une RNaseH responsable de la dégradation du brin d’ARNm (Figure 11B).

Par cette approche, ils ont montré qu’en absence de lumière le duplex photo-activable formé entre l’oligonucléotide antisens (asODN) et l’oligonucléotide complémentaire était un outil performant pour l’étude de gène/fonction puisqu’une très faible activité basale a été observée (traduite par un faible recrutement en RNase-H).

A l’inverse, après irradiation, ils ont pu observer dans des cellules K562 (leucémie) humaines une diminution en protéine c-myb d’un facteur supérieur à 2. Ces travaux ont abouti au premier exemple de ciblage d’un gène lié au cancer en utilisant des oligonucléotides photo-activables.

Les oligonucléotides « ncPNAs »

Dans une autre étude toujours effectuée par l’équipe de Ivan Dmochowski, ils ont cette fois-ci synthétisé un oligonucléotide antisens photoactivable à partir d’acides nucléiques peptidiques chargés négativement (ncPNAs : Negatively Charged Peptide Nucleic Acids) (Figure 12B) (Tang et al., 2007). Contrairement aux oligonucléotides naturels, les oligonucléotides ncPNAs sont plus résistants aux enzymes présentes dans les cellules (grâce à leur squelette peptidique). Ces « épingles à cheveux » vont donc être capables de réguler

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l’expression d’un gène en agissant directement sur la traduction en empêchant le ribosome de s’apparier au brin de l’ARMm suite à l’encombrement engendré (Figure 11A).

Suite à une irradiation lumineuse, l’« épingle à cheveux » intramoléculaire est brisée libérant ainsi l’oligonucléotide antisens (ncPNA) capable d’agir directement sur l’initiation de la traduction en bloquant de façon stérique l’accroche du ribosome sur l’ARNm cible.

Dans cette étude, c’est la séquence Kozak que l’on retrouve sur les ARNm de zebrafish

chordin qui est ciblée. La chordine est une protéine ayant un rôle important lors du développement embryonnaire du poisson zèbre (Miller-Bertoglio et al., 1997). A travers cette étude, ils montrent que dans le noir leur « épingle à cheveux » photoactivable ne conduit qu’à « peu » de phénotype chordino (15 %, taille de la queue réduite et cerveau mal formé). Après irradiation UV, 81 % des embryons présentent le phénotype chordino, prouvant ainsi que la libération de l’oligonucléotide antisens ncPNA ciblant l’ARNm chordine a permis de bloquer la traduction en protéine chordine par encombrement stérique.

Les oligonucléotides « morpholinos »

Il existe un dernier type d’oligonucléotides antisens photoactivable synthétique ayant fait ses preuves sur différents types d’embryons comme celui du poisson zèbre mais également celui des ascidies (Satou et al., 2001), des oursins (Coffman et al., 2004), des grenouilles (Heasman et al., 2000), des poulets et des rats (Coonrod et al., 2001); il s’agit de l’oligonucléotide antisens de type « morpholino » (MO).

C’est un oligonucléotide non naturel formé par des hétérocycles de type morpholines reliés les uns aux autres par un squelette phosphorodiamidate (fonction phosphate dont les deux groupements hydroxyles sont remplacés par des groupements amines secondaires) (Figure 12C) afin de créer le « backbone » d’une oligonucléotidique.

Conjointement aux oligonucléotides antisens « ncPNA », ce squelette modifié rend les oligonucléotides antisens de type « morpholino » résistants aux nucléases présentes dans les différents embryons, leur conférant une stabilité atteignant plusieurs jours (Bill et al., 2009; Nasevicius and Ekker, 2000).

En utilisant cette approche, l’équipe de James K Chen et Surajit Sinha a photo-régulé le gène no tail (ntl) responsable de la formation de la queue et de la chorde chez le poisson zèbre avec un contrôle spatio-temporel élevé (Shestopalov et al., 2007). Ainsi ils ont démontré que le facteur de transcription de la famille des protéines T-box était nécessaire dans le processus de migration et de différenciation des cellules notochordes.

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Nous avons pu voir à travers ces exemples qu’il est possible de réguler avec succès l’expression d’un gène cible ayant un rôle primordial dans le développement embryonnaire à l’aide d’oligonucléotides synthétiques non naturels. Deux stratégies différentes existent, l’une implique le recrutement d’enzymes dégradant l’ARN messager tandis que l’autre empêche le ribosome d’initier la traduction. Néanmoins dans ces études, l’expression basale reste toujours problématique diminuant ainsi la capacité à manipuler ces systèmes avec une résolution spatiale et temporelle élevée. De plus, perturber la régulation d’un gène cible par l’utilisation de ces oligonucléotides antisens « cagés » nécessite des concentrations atteignant au minimum l’échelle du milimolaire, ce qui les rend pour la plupart très peu solubles. Enfin, dans la plupart des cas, la précision temporelle par laquelle ces systèmes peuvent perturber la fonction embryonnaire d’un gène est limitée par des processus endogènes. Par conséquent, nous allons voir dans le point suivant comment ces limites peuvent être en partie contournées en photo-régulant l’expression d’un gène au niveau pré-transcriptionnel.

Figure 12 : Structures chimiques non naturelles d’oligonucléotides utilisés pour réguler l’expression de gènes embryonnaires. A) ODN : oligodeoxynucleotide B) MO : Morpholino C) ncPNA : non-charged peptide nucleic acid.

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