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Chapitre 1 Revue de littérature

1.3. Utilisation du babeurre en fromagerie

1.3.1.

Impact du babeurre sur la coagulation du lait par la présure et

propriétés des gels

L’ajout de babeurre au lait de fromagerie influence ses propriétés de coagulation par la présure. Les temps de prise sont plus longs et les gels formés plus faibles en présence qu’en absence de babeurre (Govindasamy- Lucey, Lin et al. 2006, Morin, Pouliot et al. 2008).

Ces effets sont notamment attribués à la présence de phospholipides par Govindasamy-Lucey et al. (2006) qui ont testé l’impact de phospholipides issus de lécithine de soya sur la coagulation du lait par la présure en rhéologie dynamique. Toutefois, ces auteurs mentionnent que plus d’investigations sont nécessaires afin de déterminer l’impact des phospholipides du babeurre sur la coagulation puisque le soya présente un profil de phospholipides très différent de celui du lait.

Morin et al. (2008) ont quant à eux démontré que la pasteurisation de la crème avant son barattage accentue l’effet négatif du babeurre sur la formation et les propriétés des gels présure en réduisant leur fermeté. Cet effet de la pasteurisation a été attribué à des modifications au niveau de la surface des fragments de MFGM.

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1.3.2.

Impact du babeurre sur les rendements et la composition des fromages

Plusieurs recherches ont été conduites sur l’impact de l’utilisation du babeurre en fabrication fromagère, notamment sur les rendements et la composition des fromages (Mistry, Metzgeer et al. 1996, Poduval and Mistry 1999, Turcot, Turgeon et al. 2001, Govindasamy-Lucey, Lin et al. 2006, Govindasamy-Lucey, Lin et al. 2007). Une vue d’ensemble des résultats de ces études est présentée au tableau 1.3. Des adaptations au procédé de fabrication du fromage sont souvent nécessaires en présence de babeurre afin de limiter la rétention d’humidité et d’atteindre une composition finale la plus près possible de celle du témoin sans babeurre.

Rendement et rétention des constituants dans le fromage

L’utilisation de babeurre en fromagerie permet une augmentation des rendements fromagers. Lorsqu’ajustés à humidité constante, l’augmentation de ces rendements varie toutefois de nulle (Turcot, Turgeon et al. 2001, Morin, Pouliot et al. 2008) à des hausses de 11%, 15% et même de 18,8% (Govindasamy-Lucey, Lin et al. 2006, Govindasamy-Lucey, Lin et al. 2007) par rapport aux fromages témoins sans babeurre.

La rétention des protéines du babeurre dans le fromage est généralement comparable à celles du lait (Mistry, Metzgeer et al. 1996, Turcot, Turgeon et al. 2001). Govindasamy-Lucey et al. (2006) ont quant à eux noté une augmentation de la rétention protéique avec l’ajout d’un concentré de babeurre commercial obtenu par évaporation. L’historique thermique du babeurre est un déterminant important de la rétention des protéines dans le fromage. En effet, Morin et al (2008) ont montré que la pasteurisation de la crème avant son barattage entraîne une augmentation de la rétention des protéines dans les fromages contenant du babeurre. La récupération des protéines du babeurre de crème crue est quant à elle inférieure à celle du lait écrémé (Morin, Pouliot et al. 2008).

L’ajout de babeurre au lait de fromagerie réduit les taux de rétention des matières grasses dans le fromage (Mistry, Metzgeer et al. 1996, Turcot, Turgeon et al. 2001, Govindasamy-Lucey, Lin et al. 2006, Govindasamy- Lucey, Lin et al. 2007, Morin, Pouliot et al. 2008). Ainsi, plus la concentration de babeurre est élevée, plus les pertes de matières grasses sont élevées (Mistry, Metzgeer et al. 1996, Turcot, Turgeon et al. 2001). Les phospholipides du babeurre sont moins bien retenus dans le fromage que la matière grasse globulaire, ce qui peut contribuer à augmenter les pertes de matière grasse. En effet, seulement de 32 à 44% des phospholipides sont récupérés dans le fromage contenant du babeurre (Turcot, Turgeon et al. 2001, Govindasamy-Lucey, Lin et al. 2007) comparativement à 80-90% de la matière grasse contenue dans un lait standardisé de manière conventionnelle (Fenelon et Guinee 1999).

Bien que la plupart des études montrent des pertes accrues de matière grasse, peu importe la forme de babeurre utilisée, Govindasamy-Lucey et al. (2007) ont observé un effet nul sur la rétention lipidique dans le

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cas précis de l’utilisation d’un babeurre concentré par ultrafiltration à froid (<7°C). Le type de concentration pourrait donc avoir une influence puisque, dans cette même étude, l’utilisation de concentrés d’un même babeurre obtenus par évaporation ou par osmose inverse a eu un effet négatif. Les autres études ayant observé un effet négatif du babeurre sur la rétention lipidique ont utilisé la concentration par ultrafiltration à chaud (>50°C) (Mistry, Metzgeer et al. 1996, Turcot, Turgeon et al. 2001), ou par évaporation (Govindasamy- Lucey, Lin et al. 2006). Dans le cas de Morin et al. (2008), le babeurre n’a pas été concentré.

Composition des fromages

L’ajout de babeurre au lait de fromagerie entraîne principalement une hausse de l’humidité des fromages (Poduval et Mistry 1999, Turcot, Turgeon et al. 2001, Govindasamy-Lucey, Lin et al. 2006, Morin, Pouliot et al. 2008).

Certaines adaptations au procédé de fabrication permettent de limiter cette rétention d’humidité à des valeurs acceptables et même comparables aux fromages sans babeurre (Mistry, Metzgeer et al. 1996, Govindasamy- Lucey, Lin et al. 2006, Govindasamy-Lucey, Lin et al. 2007). Toutefois, les changements appliqués sont importants (par exemple, augmenter la température de cuisson de 4°C, temps de brassage du caillé plus long de 20 minutes, etc. (Mistry, Metzgeer et al. 1996, Poduval and Mistry 1999, Govindasamy-Lucey, Lin et al. 2006)). Dans certains cas, malgré les adaptations apportées au procédé de fabrication, des hausses d’humidité sont tout de même observées (Poduval et Mistry 1999, Turcot, Turgeon et al. 2001). Par conséquent, les quantités de babeurre pouvant être ajoutées demeurent limitées.

À humidité égale, les fromages contenant du babeurre présentent une teneur en protéines et en gras similaire à celle des fromages sans babeurre (Mistry, Metzgeer et al. 1996, Govindasamy-Lucey, Lin et al. 2006), malgré une diminution des taux de rétention de la matière grasse observée. Ceci suggère que ces pertes de matière grasse demeurent relativement faibles. Puisqu’une certaine proportion des phospholipides du babeurre est récupérée, il est possible d’augmenter la teneur en phospholipides des fromages jusqu’à quatre fois dans le fromage cheddar faible en gras (Turcot, Turgeon et al. 2001) et même dix fois en laboratoire (Morin, Pouliot et al. 2008).

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Tableau 1.3 : Impact de l’ajout de solides du babeurre sur la rétention des constituants du lait et la composition des fromages

Référence Type de fromage

fabriqué Quantités de babeurre ajoutées au lait de fromagerie

Impact de l’ajout de babeurre sur la composition (suite aux adaptations de procédé de fabrication, le cas échéant)1

Impact de l’ajout de babeurre sur la récupération des constituants1

Mistry et al.

(1996) Cheddar faible en gras

Babeurre concentré par UF (5X) : Ajouté à 3% et 5%

Aucun, les adaptations ont permis l’obtention de fromages à la composition similaire

Rétention protéique similaire ↓ Rétention lipidique (jusqu’à

-5%) Poduval et Mistry (1999) Mozzarella filée faible en gras (avec crème homogé-néisée)

Babeurre concentré par UF (5X) : Ajouté à 3% et 5%

↑ Humidité (jusqu’à 1,67%) ↓% gras sur matière sèche du

fromage (jusqu’à -2%) Non montré

Turcot et al.

(2001) Cheddar faible en gras

Babeurre concentré par UF (5X) : Ajouté de façon à ce que la concentration en phospholipides du lait atteigne 0,03%; 0,08%; 0,1% et 0,12% ↑ Humidité proportionnellement à la quantité de babeurre ajoutée (jusqu’à près de 10%) ↓% gras sur matière sèche du

fromage (jusqu’à -5,75%) ↑ Teneur en phospholipides des

fromages proportionnellement à la quantité de babeurre ajoutée

Rétention protéique similaire ↓ Rétention lipidique en

fonction de la quantité de babeurre ajoutée

Rétention d’environ 44% des phospholipides ajoutés Govindasamy- Lucey et al. (2006) Mozzarella non filée Babeurre condensé (~34% solides) : Ajouté à 0, 2, 4 et 6% (p/p)

 Aucun, les adaptations ont permis l’obtention de fromages à la composition similaire (5% plus humide sans adaptation)

↓ rétention lipidique, mais statistiquement non significative en raison de variabilité importante ↓ rétention phospholipides ↑ rétention protéique Govindasamy- Lucey et al. (2007) Mozzarella non filée Ajout de :  Rétentat UF à froid (19,9% solides) : à ~14,6% de la caséine totale  Rétentat osmose inverse à froid (21,9% solides) : à ~17,4% de la caséine totale  Babeurre concentré par évaporation (36,6% solides) : à ~13,3% de la caséine totale

Humidité légèrement inférieure à celle du témoin en raison des adaptations, mais à l’intérieur de la marge acceptable pour le type de fromage concerné (46-47%)

Rétention lipidique non affectée (Babeurre UF) ou ↓ (Babeurre RO ou évaporé). ↓ Rétention phospholipides Rétention protéique non

significativement affectée, mais les auteurs notent qu’elle est très variable

Morin et al. (2008)

Fromages miniatures en laboratoire

Babeurre de crème crue, de crème provenant d’un lait pasteurisé ou de crème pasteurisée : 50% de la protéine totale du lait de fromagerie

Humidité moyenne plus élevée (~6%) (tous types de babeurres) ~6X plus riche en phospholipides

↓ Rétention protéique seulement dans le cas du babeurre de crème crue ↓ Rétention lipidique et

encore plus dans le cas du babeurre de crème pasteurisée ↑ Rétention des

phospholipides

significativement dans le cas du babeurre de crème pasteurisée seulement 1. Comparativement à un témoin sans babeurre. Se référer aux sources pour plus de détails sur la standardisation du lait et les adaptations

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Tableau 1.3 : Impact de l’ajout de solides du babeurre sur la rétention des constituants du lait et la composition des fromages (suite)

Référence Type de fromage

fabriqué Quantités de babeurre ajoutées au lait de fromagerie

Impact de l’ajout de babeurre sur la composition (suite aux adaptations de procédé de fabrication, le cas échéant)1

Impact de l’ajout de babeurre sur la récupération des constituants1 Hickey et al. (2017) Cheddar Ajout de :  Babeurre frais : substitution de 30% du lait (lait standardisé à 3,65% de protéine (p/p) avec lait ultrafiltré) ↑ Humidité (3%)

1,5 X plus riche en phospholipides Non montré

1. Comparativement à un témoin sans babeurre. Se référer aux sources pour plus de détails sur la standardisation du lait et les adaptations apportées au procédé en présence de babeurre.

1.3.3.

Impact du babeurre sur la qualité des fromages

Impact sur la texture et la fonte

En raison d’une humidité généralement plus élevée, les fromages avec babeurre sont décrits comme étant plus mous que les fromages n’en contenant pas (Mistry, Metzgeer et al. 1996, Poduval et Mistry 1999, Turcot, St-Gelais et al. 2002, Romeih, Moe et al. 2012, Hickey, O’Sullivan et al. 2018). Dans le cas de fromages faibles en gras, cela peut devenir un attribut positif et rendre le produit moins granuleux (Mistry, Metzgeer et al. 1996). Toutefois, d’autres auteurs ont constaté qu’à forte concentration, le fromage devient plus friable (Turcot, St-Gelais et al. 2002).

Dans le cas de la mozzarella et du fromage à pizza, des attributs tels que la fonte et la formation d’huile libre sont également évalués. L’ajout de babeurre entraîne une légère diminution de l’aptitude à fondre et à s’étirer (Poduval and Mistry 1999, Govindasamy-Lucey, Lin et al. 2006, Govindasamy-Lucey, Lin et al. 2007). Cet effet est attribué par ces auteurs à une plus forte dénaturation des protéines du lactosérum dans le babeurre que dans le lait. L’ajout de babeurre donne également des fromages produisant moins d’huile libre lors de la fonte (Poduval and Mistry 1999, Govindasamy-Lucey, Lin et al. 2006, Govindasamy-Lucey, Lin et al. 2007). Bien que globalement inférieure, la performance des fromages à pizza produits avec ajout de babeurre demeure acceptable (Govindasamy-Lucey, Lin et al. 2007).

Puisque la texture des fromages est notamment influencée par la microstructure de la matrice protéique, certains auteurs ont également étudié cet élément (Poduval and Mistry 1999, Turcot, St-Gelais et al. 2002, Hickey, O’Sullivan et al. 2018). La matrice des fromages contenant du babeurre est qualifiée de plus « spongieuse » ou plus « granuleuse » alors que le fromage n’en contenant pas présente une microstructure qui est plus compacte et uniforme (Poduval and Mistry 1999, Turcot, St-Gelais et al. 2002). Romeih et al. (2012) ont étudié la microstructure de fromages contenant du babeurre par microscopie électronique et confocale. Ces auteurs ont observé que les fromages avec babeurre présentent une matrice d’apparence plus

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compacte à l’intérieur de laquelle les globules gras sont plus petits et plus uniformément dispersés. Dans toutes les études, qu’ils aient un aspect d’éponge plus ou moins lisse, les fromages avec babeurre présentent une structure où les « fibres » de caséine sont beaucoup plus courtes. Cette observation concorde avec celles de Morin et al. (2008) sur la structure des gels présure en présence de babeurre de crème pasteurisée. En effet, le gel présure contenant ce type de babeurre présente des pores beaucoup plus petits, uniformément distribués, mais brisant davantage la continuité de la matrice caséique que dans le cas d’un gel contenant du lait écrémé. Cette structure plus poreuse pourrait également contribuer aux pertes de matières grasses accrues (Ong, Soodam et al. 2015) dans les fromages avec babeurre évoqués à la section 2.3.2.

Impact sur la saveur

Le babeurre étant un produit très sensible à l’oxydation, son impact sur la saveur des fromages a été évalué dans le cadre de plusieurs études (Mistry, Metzgeer et al. 1996, Turcot, St-Gelais et al. 2002, Govindasamy- Lucey, Lin et al. 2006, Govindasamy-Lucey, Lin et al. 2007, Hickey, O’Sullivan et al. 2018). Une très faible amertume et une saveur oxydée ont pu être détectées dans certains cas (Mistry, Metzgeer et al. 1996, Govindasamy-Lucey, Lin et al. 2007). Dans l'étude de Turcot et al. (2002), l’amertume et la rancidité sont apparues après 50 jours d’affinage dans le fromage Cheddar faible en gras. Ceci suggère que les fromages contenant du babeurre pourraient avoir une durée de conservation limitée, comparativement au fromage n’en contenant pas.

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