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3.5 Résistances aux antimicrobiens chez les animaux et leur impact pour la santé

3.5.1 Utilisation des antimicrobiens chez les animaux et développement des résistances

Il est maintenant admis que toute utilisation des antimicrobiens concoure au développement et la propagation des résistances. La santé humaine et la santé animale contribuent chacune au phénomène global (8). Au Canada, l’ASPC a estimé qu’en 2014, 1,4 millions de kg d’antimicrobiens ont été distribués dont 82 % utilisés chez les animaux élevés à des fins alimentaires , 18 % chez les humains, moins de 1% chez les animaux de compagnie et moins de 1% pour les cultures (15). En tenant compte de la population et le poids moyens chez les humains et les animaux on notait 1,7 fois plus d’antimicrobiens distribués pour l’utilisation chez les animaux que chez les humains (15). Aux États-Unis, en 2014, 15,36 millions de kg d’antimicrobiens ont été vendus pour la production animale (125) contre 3,5 millions de kg pour la santé humaine (126). Cette grande consommation d’antimicrobiens pour la production des animaux à des fins alimentaires pose la question du développement des résistances dans le compartiment animal et sa dissémination chez l’homme à travers la chaîne alimentaire, le contact direct avec les animaux et par l’intermédiaire de l’environnement (126, 127). En effet, en 1976, Levy et al., ont montré que des E. coli ont développé de la résistance à la tétracycline chez les poulets sous la pression de sélection d’une diète supplémentée à la tétracycline, et que cette résistance a été transférée aux humains travaillant dans la ferme (128). Après plusieurs publications sur l’utilisation des antimicrobiens chez les animaux destinés à l’alimentation humaine , la plupart des auteurs s’accordent sur le fait que l’utilisation des antimicrobiens dans l’agriculture a un impact sur la RAM chez les humains (126). Le microbiote commensal des animaux jouerait dans ce sens un rôle important dans la dissémination des résistances. Les E. coli commensaux, par exemple, peuvent transmettre horizontalement la résistance acquise à d’autres entérobactéries pathogènes pour l’animal et l’humain (129). Ceci est préoccupant quand on sait que la plupart des antimicrobiens utilisés chez les animaux appartiennent aux mêmes classes que ceux utilisés en santé humaine. Au Canada, par exemple, 73 % des antimicrobiens utilisés en 2014 étaient de classes communes aux antimicrobiens utilisés en santé humaine (15). L’utilisation des antimicrobiens en élevage des animaux destinés à l’alimentation se fait pour trois raisons : le traitement (thérapeutique), la prévention (prophylactique et métaphylactique), et la stimulation de la croissance (130) . Au sein de l’Union européenne, l’utilisation des antimicrobiens comme promoteurs de croissance des

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animaux d’élevage destinés à la consommation humaine est interdite (15). Aux États-Unis et au Canada, des mesures sont en train d’être prises pour retirer « fins de production » sur les étiquettes d’antimicrobiens importants sur le plan médical afin de promouvoir l’usage judicieux des antimicrobiens chez les animaux (15).

3.5.2 Conséquences du développement des résistances sur la santé humaine, la santé et les productions animales et l’environnement

Catégorisation des antimicrobiens à usage vétérinaire selon leur importance en santé humaine au Canada

La résistance aux antimicrobiens chez les animaux destinés à l’alimentation est inter-liée à la RAM chez les humains (131). Certains antimicrobiens sont essentiels pour le traitement d'infections graves et parfois mortelles chez les humains. S'ils deviennent inefficaces à cause d'un développement de résistances dans la population animale, des antimicrobiens de remplacement pourraient ne pas être disponibles pour traiter des infections causées par ces bactéries résistantes (130). Tout en reconnaissant que tous les médicaments antimicrobiens disponibles sont importants, l’OMS et Santé Canada relèvent que certains antimicrobiens sont jugés plus importants que d'autres dans le traitement des bactérioses graves et que le développement de la résistance à ces antimicrobiens pourrait avoir des conséquences majeures sur la santé humaine (130, 132). Ainsi Santé Canada a catégorisé les classes d’antimicrobiens disponibles au Canada suivant les deux critères (indication et disponibilité de l’antimicrobien) (130) :

 Indication : englobe l'utilisation de médicaments en médecine humaine, le spectre d'activité et l’efficacité.

 Disponibilité de médicaments antimicrobiens de remplacement : les médicaments pour lesquels il n'existe que très peu ou pas de produits de remplacement pour le traitement des infections ou dont les médicaments de remplacement disponibles sont de la même catégorie, sont considérés plus importants que d'autres.

Le Tableau IV ci-dessous présente la catégorisation des antimicrobiens selon leur importance en santé humaine en tenant compte de leur indication en production bovine au Canada.

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Tableau IV.Catégorisation des antimicrobiens selon leur importance en santé humaine en tenant compte de leur indication en production bovine au Canada (adapté de (130, 133))

Catégorie Importance Description Classe Exemple

d’antimicrobiens

I Très haute importance

- Essentiels dans le traitement de bactérioses graves

- Très peu ou pas d'antimicrobiens de remplacement permettant un traitement efficace en cas d'émergence d'une résistance

Céphalosporines de 3e et 4e génération Céftiofur Fluoroquinolones Danofloxacine Enrofloxacine Polymyxines Polymyxine B II Haute importance

Peuvent être utilisés pour traiter plusieurs types d'infections (infections graves incluses) et pour lesquels des médicaments de remplacement sont généralement disponibles. Les bactéries résistantes aux médicaments de cette catégorie sont en général sensibles aux médicaments de la catégorie I Aminoglycosides Gentamycine Néomycine Céphalosporines de 1ere et 2e génération Céphapirine Lincomycines Lincomycine Pirlimycine Streptogramines (Synergistines) Virginiamycine

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Catégorie Importance Description Classe Exemple

d’antimicrobiens Macrolides Erythromycine Gamithromycine Tildipirosine Tilmicosine Tulathromycine Tylosine Pénicillines Amoxicilline Ampicilline Cloxacilline Pénicilline Trimethoprime- sulfamethoxazole Trimethoprime- sulfamethoxazole III Moyenne importance

Sont utilisés pour le traitement de bactérioses pour lesquelles des médicaments de remplacement sont généralement disponibles. Les infections causées par des bactéries résistantes à ces médicaments peuvent, en général, être traitées à l'aide d'antimicrobiens de catégorie I ou II Phénicols Florfénicol Pleuromutilines Tiamuline Polypeptides Bacithracine Sulfonamides Sulfaméthazine, Sulfamérazine, Sulfathiazole Tétracyclines Oxytétracycline Tétracycline

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Catégorie Importance Description Classe Exemple

d’antimicrobiens

IV Faible importance

A l'heure actuelle, les antimicrobiens de cette catégorie ne sont pas utilisés en médecine humaine

Ionophores Lasalocide Monensine

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Le développement des résistances liées à l’utilisation des antimicrobiens a des répercussions en santé humaine, en santé et productions animales et sur l’environnement.

Conséquences pour la santé humaine

La RAM est une grande préoccupation pour la santé humaine à l’échelle mondiale. Aux États- Unis, le CDC estime qu’environ 23 000 personnes meurent chaque année suite à une infection par des bactéries résistantes aux antimicrobiens (1). Selon l’OMS, les conséquences de l’antibiorésistance en santé humaine sont (4):

- La réduction de l’efficacité de certaines familles d’antimicrobiens nécessaires au traitement des maladies infectieuses chez l’homme, entrainant des décès ;

- Le risque accru lié à certains actes médicaux, comme les transplantations d’organe, la chimiothérapie anticancéreuse, la prise en charge du diabète et de nombreuses interventions chirurgicales en l’absence d’antimicrobiens efficaces pour la prévention et le traitement des infections,

- L’augmentation des coûts des soins de santé suite à la prolongation de la durée des séjours hospitaliers et par l’imposition de soins plus intensifs.

Conséquences pour la santé et les productions animales

Chez les animaux, le développement des résistances aux antimicrobiens a pour conséquences (134) :

- Les échecs thérapeutiques préjudiciables pour la santé et le bien-être animal ; - Les mortalités d’animaux ;

- Les pertes de production résultant en des pertes économiques pour les éleveurs. Conséquences pour l’environnement

Le rejet d’antibiotiques ou de métabolites sous forme active dans le milieu environnant favorise le développement d’antibiorésistance dans l’environnement pouvant constituer un facteur de déséquilibre de l’écosystème bactérien des sols, des végétaux et du milieu aquatique. De même, la contamination des sols par des bactéries déjà résistantes provenant des matières organiques issues de l’agriculture peut amplifier le problème et constituer un risque pour la santé humaine et animale (135).

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3.6 Interrelations entre la résistance antimicrobienne chez l’humain, l’animal et

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