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S UR LA PRISE EN COMPTE DES CIRCONSTANCES ATTÉNUANTES ET AGGRAVANTES

G. INDIVIDUALISATION DES SANCTIONS

1. S UR LA PRISE EN COMPTE DES CIRCONSTANCES ATTÉNUANTES ET AGGRAVANTES

a) Rappel des principes applicables

339. L’Autorité s’est engagée à adapter les montants de base retenus ci-dessus au regard du critère légal tenant à la situation individuelle de chacune des parties en cause, qu’il s’agisse d’organismes ou d’entreprises, appartenant le cas échéant à des groupes plus larges (points 43 et s. du communiqué sanctions en date du 16 mai 2011).

340. S’agissant des circonstances atténuantes, le communiqué sanctions en date du 16 mais 2011 rappelle qu’il appartient à l’entreprise sanctionnée « apporte la preuve qu’elle a durablement adopté un comportement concurrentiel, pour une part substantielle des produits ou services en cause, au point d’avoir perturbé, en tant que franc-tireur, le fonctionnement même de la pratique en cause ». Pour pouvoir être prise en considération, cette circonstance atténuante doit être démontrée par l’entreprise ou l’organisme qui l’allègue. S’il n’est pas exigé que l’intéressé se soit publiquement distancié de l’infraction, il n’est néanmoins pas suffisant qu’il ait violé, de façon ponctuelle ou partielle, la discipline commune.

341. S’agissant des autres éléments d’individualisation, le communiqué sanctions en date du 16 mai 2011 mentionne au point 48 le fait qu’une adaptation à la baisse est possible lorsque

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l’entreprise concernée mène l’essentiel de son activité sur le secteur ou marché en relation avec l’infraction (entreprise « mono-produit »). La sanction peut aussi être adaptée à la hausse pour tenir compte du fait que l’entreprise concernée ou le groupe auquel elle appartient dispose d’une taille, d’une puissance économique ou de ressources globales importantes, notamment par rapport aux autres auteurs de l’infraction (voir, en ce sens, arrêt de la cour d’appel de Paris du 30 janvier 2014, Colgate Palmolive service SA, n 2012/00723)

342. À cet égard, la Cour de cassation a déjà eu l’occasion de préciser que l’efficacité de la lutte contre les pratiques anticoncurrentielles requiert que la sanction pécuniaire soit effectivement dissuasive au regard de la situation financière propre à chaque entreprise au moment où elle est sanctionnée (Cass. com., 18 septembre 2012, Séphora). Elle a néanmoins précisé, s’agissant des filiales dont l’autonomie de comportement a été constatée, qu’un tel alourdissement de la sanction serait justifié dès lors que l'appartenance à un grand groupe a joué un rôle dans la mise en œuvre des pratiques anticoncurrentielles ou est de nature à influer sur l'appréciation de la gravité de ces pratiques (Cass. com., 18 février 2014, Pateu et Morin, n° 12-27643).

b) Application au cas d’espèce

En ce qui concerne Yoplait

343. Les sociétés Yoplait France et Yoplait SAS sont détenues à 51 % par le groupe General Mills qui dispose d’une taille, d’une puissance économique et de ressources globales importantes. Il détient un portefeuille de marques alimentaires étendu et exerce ses activités en Europe, en Amérique et en Asie. En 2013, ce groupe a réalisé un chiffre d’affaires consolidé, incluant les comptes de Yoplait, de 17,8 milliards de dollars, soit 13,4 milliards d’euros, avec un taux de change moyen pour l’année 2013.

344. General Mills revendique, par ailleurs, l’exercice d’un véritable « contrôle opérationnel » (cote 450 – 11/0067AC) sur ses filiales nouvellement acquises et une implication véritable dans leur fonctionnement, comme en témoigne l’initiative qu’elle a prise de demander, en leur nom, la mise en œuvre de la procédure de clémence auprès de l’Autorité.

345. En outre, la place importante qu’occupe Yoplait sur le marché français des produits laitiers MDD et son appartenance à un groupe d’envergure international lui permet de faire partie du cercle restreint constitué par les quatre principales entreprises du secteur dont l’implication dans l’entente a eu un effet d’entraînement sur les acteurs secondaires.

346. Au vu de ces éléments, l’appartenance de Yoplait à un groupe de grande taille doit être retenue afin de garantir le caractère dissuasif de la sanction et il y a lieu d’augmenter de 25 % la sanction infligée aux sociétés Yoplait SAS et Yoplait France.

En ce qui concerne LNUF MDD et Lactalis B&C

347. LNUF MDD et Lactalis B&C appartiennent au groupe Lactalis qui dispose d’une taille, d’une puissance économique et de ressources globales importantes au regard des moyennes du secteur. Ainsi, en 2013 le groupe Lactalis a réalisé un chiffre d’affaires consolidé de 15,9 milliards d’euros. Il est un acteur national et international majeur, actif sur tous les segments du secteur des produits laitiers frais.

348. Ces deux sociétés ont été tenues responsables, en tant qu’auteurs des pratiques, celles-ci ayant en outre été imputées à Groupe Lactalis, société mère de Lactalis B&C, et aux sociétés mères de premier et second rang de LNUF MDD, soit LNUF et LNPF, cette

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dernière étant une filiale commune du groupe Nestlé et du groupe Lactalis, ce dernier détenant 60 % de son capital.

349. La place importante qu’occupe Lactalis sur le marché français des produits laitiers MDD et son appartenance à un groupe d’envergure international lui permettent de faire partie du cercle restreint constitué par les quatre principales entreprises du secteur dont l’implication dans l’entente a eu un effet d’entraînement sur les acteurs secondaires.

350. Au vu de ces éléments, pour proportionner la sanction à la puissance économique du groupe auquel elles appartiennent et garantir son caractère dissuasif, il y a lieu d’augmenter de 25 % la sanction infligée aux sociétés LNUF MDD, Lactalis B&C, LNUF et LNPF.

351. Enfin, le caractère d’entreprise monoproduit revendiqué par LNUF MDD n’est pas établi puisqu’il dérive du choix du groupe Lactalis de cantonner ses activités de produits frais vendus sous MDD dans une filiale dédiée. La spécialisation de LNUF MDD, qui résulte par construction d’un choix d’organisation interne duquel on ne peut tirer aucune conséquence économique pour le fonctionnement du marché, ne permet pas d’affirmer que la valeur des ventes affectées par les pratiques représente une part essentielle de l’activité du groupe Lactalis au sens du point 48 du communiqué sur les sanctions du 16 mai 2011.

En ce qui concerne Senagral

352. Le rôle de franc tireur revendiqué par Senagral n’est pas établi puisque, dans le conflit l’opposant à Novandie, l’initiative de la déviation par rapport à l’entente revient à Novandie et non à Senagral qui a au contraire maintenu des contacts téléphoniques intenses avec les autres entreprises parties à l’entente pendant cette période. Senagral n’a donc pas joué un rôle de franc-tireur.

353. Enfin, les éléments transmis par Senagral sur la valeur des ventes réalisée en 2011 ne permettent pas de considérer que Senagral présente les caractéristiques d’une entreprise monoproduit au sens du point 48 du communiqué sur le calcul des sanctions.

En ce qui concerne Novandie

354. Novandie revendique le statut de franc-tireur pour avoir été à l’origine de l’épisode dit de

« guerre des prix » qui a perturbé le fonctionnement de l’entente de mi-2009 à mi-2010.

355. Il est établi que Novandie est à l’origine du conflit commercial, qui a notamment opposé Novandie à Senagral pendant la période mentionnée. La mésentente entre ces deux acteurs majeurs du secteur a conduit à une désorganisation des pratiques qui a duré plusieurs mois durant lesquels les réunions physiques ont été interrompues et les effets de l’entente sur le marché fortement atténués.

356. Novandie a donc adopté pendant au moins une année un comportement suffisamment concurrentiel pour perturber le fonctionnement même du cartel. Il convient donc, même si cette perturbation a été limitée dans le temps et s’est achevée par un retour du franc-tireur au sein de l’entente, de faire bénéficier Novandie d’une réduction de 15 % du montant de la sanction infligée au titre de cette circonstance atténuante.

En ce qui concerne LHT

357. LHT invoque des circonstances atténuantes aux titres de son abandon précoce des pratiques, de son statut de suiveur et de sa coopération avec l’Autorité au cours de la phase d’instruction.

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358. Mais il a déjà été tenu compte de la brièveté de la participation de LHT au titre de la durée des pratiques. Il n’y a donc pas lieu d’individualiser à nouveau sa sanction pour les motifs invoqués.

Conclusion sur le montant intermédiaire de la sanction

359. Le tableau ci-dessous récapitule, pour chaque entreprise, le montant intermédiaire de la sanction.

Entreprises Montant intermédiaire

Yoplait 44 700 000 €

Senagral 101 300 000 €

Novandie 65 300 000 €

LNUF MDD 66 700 000 €

Lactalis B&C 4 800 000 € Maîtres Laitiers du Cotentin 27 300 000 €

Yéo 14 300 000 €

Alsace Lait 13 300 000 €

Laïta 9 600 000 €

LHT 1 600 000 €

LSM 300 000 €