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Dans les unités connexes au chenal : omniprésence des limons et caractéristiques du gradient

CHAPITRE 1 : CADRE MORPHO-STRUCTURAL DE LA DYNAMIQUE ACTUELLE

1.3. Une charge mixte

1.3.2. Dans les unités connexes au chenal : omniprésence des limons et caractéristiques du gradient

Si les études sur les matières en suspension dans le chenal estuarien abondent (cf. supra), celles concernant les milieux de sédimentation connexes sont inexistantes dans l’estuaire fluvial et très ponctuelles dans l’estuaire moyen et marin (Fenies et Tastet, 1998 ; Pontee et

al., 1998). En 2012, j’ai entrepris avec Benoit Carlier, géographe physicien travaillant

actuellement sur le risque torrentiel en milieu montagnard (thèse en cours, université Paris 7, laboratoire PRODIG), de caractériser les milieux de sédimentation du fond de vallée estuarien (Carlier, 2012). L’objectif était triple : 1) définir les unités géomorphologiques connexes au chenal actif, 2) déterminer si l’effacement de l’influence fluviale vers l’amont au profit de l’influence marine se ressent sur le faciès et la granularité des unités sédimentaires et 3) acquérir un référentiel granulométrique qui puisse servir d’analogue lors de l’examen des archives sédimentaires. Au total, cinq transects transversaux à la plaine alluviale ont été réalisés : un premier dans la Garonne fluviale, à 5 km en amont de la Garonne maritime ; deux dans l’estuaire fluvial, objet de la présente thèse ; un dans l’estuaire moyen ; et un dans l’estuaire marin (fig. 6). Cent vingt-deux échantillons ont été prélevés en mars 2012 le long de ces transects, préférentiellement à marée basse. Leur granularité a été déterminée au Laboratoire de Géographie Physique selon une méthode identique à celle appliquée aux sédiments anciens : les fractions inférieures à 2 mm ont été analysées au granulomètre laser, les fractions comprises entre 2 et 20 mm ont été tamisées selon les normes AFNOR, et les sédiments supérieurs à 20 mm ont été mesurés manuellement au pied à coulisse (cf. chapitre 3). Premier constat : la nature des milieux de sédimentation connexes au chenal actif varient vers l’aval. Les bancs de convexité présents dans la Garonne fluviatile disparaissent progressivement dans la Garonne maritime pour faire place à des îles fluviales, très nombreuses dans l’estuaire moyen du fait de la rencontre des eaux fluviales et marines (dépôt de sédiments au niveau du point de rencontre en raison des forces contraires) puis à des marais maritimes dans l’estuaire marin (fig. 23). Deuxième constat : cette variation longitudinale des formes fluvio-maritimes s’accompagne d’une variation de la granulométrie. Les berges sous-aquatiques graveleuses en Garonne fluviatile deviennent limoneuses dans l’estuaire (fig. 24A). De même, les levées de berge sablo-limoneuses à limono-sableuses en amont de la Garonne maritime deviennent progressivement limoneuses dans l’estuaire fluvial et moyen (fig. 24B). Le cas de l’estuaire marin est quelque peu différent. En rive gauche, la levée de berge est constituée de sables marins tandis qu’en rive droite, elle correspond à un marais maritime (fig. 25). La slikke, recouverte à chaque marée, est limoneuse et dépourvue de végétation. Le schorre, qui est recouvert lors des grandes marées, est également limoneux mais parsemé de divers étangs et riche en végétation hélophyte tolérant le sel (scirpe maritime, roseaux communs). Dans le lit majeur, un léger affinement des dépôts se produit vers l’aval. La plaine d’inondation est limoneuse dans l’ensemble mais les particules s’affinent sensiblement vers l’océan (fig. 24C).

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Fig. 23 – Bloc diagramme de l’estuaire de la Garonne-Gironde.

Il est difficile de distinguer la plaine d’inondation proximale de la plaine d’inondation distale d’un point de vue granulométrique à cause de l’anthropisation des terres, ce qui se traduit sur la granulométrie par des dépôts distaux plus grossiers (fig. 24C). La distinction a tout de même pu être faite que dans la Garonne maritime, à quelques kilomètres en amont des sites d’étude (PK 39,3). Là, seule la plaine d’inondation distale est limoneuse. Les dépôts en plaine d’inondation proximale sont légèrement plus grossiers (limons sableux ; fig. 26).

L’hydrodynamique peut donc être caractérisée à travers les milieux de sédimentation de la Garonne et de la Gironde. Dans le secteur strictement fluvial et le secteur dominé par l’océan Atlantique, les sédiments du lit mineur sont relativement grossiers (sables). Dans la zone intermédiaire, les berges sont, à l’image du bouchon vaseux qui y circule, limoneuses. Quant aux ses sédiments du lit majeur, ils connaissent une sensible décroissance granulométrique jusqu’à l’océan, ce qui peut s’expliquer par la présence de végétation sur les levées de berge aval qui piègent les sédiments. À l’échelle de la

Garonne maritime, une

distinction peut être faite entre la partie amont (transect PK 39,5), où les levées de berge et la plaine d’inondation sont sensiblement plus grossières, et la partie aval (transect PK 78), où les milieux de sédimentation sont composés d’alluvions granulométriquement plus fines. Ce gradient traduit vraisemblablement

l’amoindrissement de la dynamique fluviale vers l’aval.

Fig. 24 Caractéristiques texturales des milieux de sédimentation actuels de la Garonne fluviatile terminale à la Gironde (d’après Carlier, 2012,

complété). À l’exception du transect PK 39,5, les dépôts les plus grossiers de la plaine d’inondation (C) ont été

prélevés sur des digues ou dans la plaine d’inondation distale, ce qui démontre l’anthropisation des terres et la difficulté qui en découle à caractériser granulométriquement les milieux de sédimentation.

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En conclusion, la Garonne maritime se présente de nos jours comme un chenal sinueux à très faible pente qui s’élargit vers l’aval. Cette morphologie favorise la pénétration de la marée et des phénomènes associés, en particulier le mascaret. Étant une zone de transition, les processus hydrologiques marins se surimposent en effet aux processus fluviaux. En découle un régime complexe rythmé non seulement par les climats du bassin-versant mais aussi par les astres et la marée associée (cycles biquotidiens et grandes marées bimensuelles). Cet emboîtement d’échelles engendre des crues importantes susceptibles de modifier la morphologie de l’espace fluvial (crues morphogènes). L’intégralité du fond de vallée est d’ailleurs classée en risque fort d’inondation. Par ailleurs, la rencontre entre les eaux douces et les eaux salées dans l’estuaire moyen induit la formation et la mobilité d’une zone de turbidité maximale qui occupe préférentiellement la Garonne maritime. Ce bouchon vaseux est associé à des dépôts limoneux dans le fond du chenal comme sur les berges et la plaine d’inondation. Une des particularités de la Garonne maritime réside donc dans l’enrichissement en fines de sa charge solide selon un gradient amont-aval. Cet aspect est fondamental dans l’étude des paléoenvironnements puisqu’il traduit le caractère maritime du fleuve. La présence de sédiments plus grossiers dans les paléo-formes pourrait, de fait, indiquer un caractère uniquement fluviatile. Il pourrait également traduire un changement d’énergie. Là l’étude des taux de sédimentations va être déterminante. La granulométrie devrait en plus permettre de préciser la distance des sites de prélèvements aux paléo-milieux fluviaux (fond du lit mineur, berge, plaine d’inondation), par comparaison avec le référentiel établi sur les milieux actuels. Toutes ces caractéristiques précédemment citées (morphologie, dynamique hydrologique, dynamique sédimentaire) sont fondamentalement interdépendantes. La moindre évolution de l’une d’entre elles est susceptible d’impacter l’intégralité du système, ce qui est l’une des clefs de compréhension de la dynamique paléoenvironnementale.

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