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Unicité de la solution 114 

Dans le document Eléments de mécanique des fluides (Page 120-125)

Chapitre 5 : Stabilité des écoulements et turbulence 109 

2.  Unicité de la solution 114 

Cette notion d’instabilité d’écoulement peut sembler assez étonnante si l’on regarde uniquement la formulation mathématique des équations de Navier-Stokes. En effet, la solution est unique pour autant que soient connus :

 les conditions limites aux frontières ;  les conditions initiales.

Dans la pratique, cependant, les conditions initiales sont connues avec une certaine précision (intervalle de confiance). Dès lors, pour que la solution « unique » (au sens d’un observateur lambda), il est nécessaire qu’elle soit stable, c’est-à-dire qu’elle soit indépendante des conditions initiales, même très proches.

2.1. Exemple du moulin à eau de Lorenz :

Un exemple très simple permet d’illustrer ces propos.

Un moulin à eau est fabriqué à partir de réservoirs dans lesquels un trou est percé à la base. Un robinet alimente le moulin par le dessus.

Etant donné que du débit sort par le trou à une vitesse variable, par conservation de quantité de mouvement, chaque réservoir crée une impulsion en fonction de son taux de remplissage. Quand toutes les conditions sont constantes ou symétriques (géométrie, alimentation, diamètre des trous, …), le mouvement est unique.

Figure 69 Illustrations du moulin à eau de Lorenz – solutions en 4 temps différents d’un moulin de caractéristiques identiques mais dont la solution initiale est différente bien que très proche

Par contre, si l’alimentation subit de légères modifications au cours du temps ou que la géométrie des trous est modifiée le mouvement semble devenir « chaotique » - Figure 69. C’est la même situation, si le même moulin, à conditions limites identiques, part d’une position initiale très proche mais différente.

Le mouvement n’est en réalité pas chaotique. La solution mécanique est belle et bien déterministe pour autant que les conditions initiales et aux limites soient connues avec une précision exacte, ce qui n’est expérimentalement pas possible.

Sur ce sujet, Edward Lorenz, météorologue au MIT, a écrit la phrase populaire suivante lors d’une conférence en 1972 :

« Predictability: Does the Flap of a Butterfly's Wings in Brazil Set off a Tornado in Texas? » Il commença sa conférence de la façon suivante :

« De crainte que le seul fait de demander, suivant le titre de cet article, "un battement d'aile de papillon au Brésil peut-il déclencher une tornade au Texas ?", fasse douter de mon sérieux, sans même parler d'une réponse affirmative, je mettrai cette question en perspective en avançant les deux propositions suivantes :

Si un seul battement d'ailes d'un papillon peut avoir pour effet le déclenchement d'une tornade, alors, il en va ainsi également de tous les battements précédents et subséquents de ses ailes, comme de ceux de millions d'autres papillons, pour ne pas mentionner les activités d'innombrables créatures plus puissantes, en particulier de notre propre espèce.

Si le battement d'ailes d'un papillon peut déclencher une tornade, il peut aussi l'empêcher. »

2.2. Exemple de sensibilité aux conditions initiales

2.2.1. Position du problème

Edward Lorenz est un des fondateurs des développements de la théorie du chaos. Lors de ses travaux, il parvint notamment illustrer la sensibilité aux conditions initiales sur des système d’équation relativement simple.

Sans autre démonstration sur l’établissement de celui-ci, il s’agit d’un set d’équations simplifiées aux dérivées totales (EDO) du mouvement d’une cellule fluide chauffée en base et refroidie en altitude (idéalisation d’une cellule atmosphérique).

(

)

(

)

dx y x dt dy x Ra z y dt dz xy z dt s b ìïï = - ïï ïï ïï = - - íï ïï ïï = - ïïïî (5.1)

Dans ce système, x, y et z ne sont pas des coordonnées mais une mesure de la convection, du différentiel de température et de la distorsion de cette température sur la verticale.

Les paramètres sont :

s le nombre de Prandtl • Ra le nombre de Rayleigh • b un facteur d’échelle

Le nombre de Rayleigh (Ra) est un nombre sans dimension caractérisant le transfert de chaleur au sein d'un fluide : inférieur à une valeur critique, le transfert s'opère essentiellement par conduction, tandis qu'au-delà de cette valeur c'est la convection libre ou naturelle qui devient importante.

Le nombre de Prandtl (s) est un nombre sans dimension. Il représente le rapport entre la diffusivité de quantité de mouvement n (ou viscosité cinématique) et la diffusivité thermique.

2.2.2. Propriétés mathématiques

Ce système a plusieurs propriétés dont celle de disposer de trois points d’équilibre.

(

)

(

)

(

) (

)

(

)

(

)

(

) (

)

(

)

1 2 3 0 0 0 1 1 1 1 1 1 X X Ra Ra Ra X Ra Ra Ra b b b b = = - - - = - - - - -    (5.2)

Cela signifie que si s, Ra, b sont tous positifs, toutes les solutions finissent par entrer en un temps fini dans un ellipsoïde centré en

(

0 0 2Ra

)

. Cela défini la notion d’attracteur ou

ensemble-limite qui est un ensemble, une courbe ou un espace vers lequel un système évolue de

façon irréversible en l'absence de perturbations

Si ces attracteurs sont toujours définis selon les hypothèses énoncées, la convergence vers ceux-ci s’opère de façon différente en fonction des valeurs relatives des paramètres. Pour les valeurs :

s = 10 • Ra < Racritique

• b = 8/3

Figure 70 Convergence stable vers un seul attracteur

Par contre, pour les valeurs suivantes : • s = 10

• Ra > Racritique

• b = 8/3

Un point du domaine va osciller autour d’un point d’équilibre mais il peut également en changer sans raison apparente. Cette constatation a mené à la notion de « chaos ».

Figure 71 Illustration d'un attracteur étrange

Lorenz a nommé ce comportement « attracteur étrange ».

Deux points du domaine partant de coordonnées extrêmement proches vont très rapidement suivre des trajectoires totalement différentes. Ils vont effectuer des sauts d’un point d’équilibre à l’autre de façon semble-t-il totalement désordonnée.

2.2.3. Analyse et extension à la turbulence

Le problème de Lorenz est bel et bien déterministe mais est sensible aux conditions initiales dans certaines gammes des paramètres.

Si l’on revient maintenant à l’expérience de Reynolds, il est assez facile d’effectuer un parallèle avec la transition de régime entre un écoulement laminaire et un écoulement turbulent.

• en laminaire, la solution est univoque et indépendante des conditions initiales. Le problème est stable.

• en turbulent, la solution oscille constamment autour d’une position d’équilibre et est sensible aux conditions initiales. Le problème est instable.

• le nombre de Reynolds permet d’estimer le seuil où la transition s’effectue.

En pratique, cette instabilité des écoulements fluides a une conséquence directe, visible par le plus grand nombre chaque soir. Il s’agit de la limite temporelle de prévisibilité météorologique à une dizaine de jours. Au-delà, il faudrait accroître la précision spatiale des conditions initiales des modèles prévisionnels, ce qui paraît impossible dans la réalité.

La théorie du chaos a notamment conduit à des développements d’autres théories récentes dont les fractales en sont un bel exemple.

Dans le document Eléments de mécanique des fluides (Page 120-125)

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