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I- Première partie : Littérature, culture et interculturalité en FLE/FLS

1- Contexte d’observation

1.1 Une UPE2A de collège

1.1.1 Classe et élèves

L’enseignante citée exerce dans un collège parisien (François Couperin - 75004 Paris). Cet établissement possède exceptionnellement deux classes d’accueil, plus précisément deux UPE2A (unité pédagogique pour les élèves allophones arrivants). La première unité reçoit les élèves de 6ème et 5ème, et la seconde accueille ceux de 4ème et 3ème. Ce sont les élèves de cette dernière unité que prend en charge l’enseignante en question.

Le Bulletin officiel n°37 du 11 octobre 2012 décrit précisément l’organisation de la scolarité de ces élèves. À leur arrivée en France, ces derniers sont évalués par le CASNAV (Centre académique pour la scolarisation des élèves nouvellement arrivés en France et des enfants du voyage), ce qui permet notamment de savoir si l’élève est lecteur d’une langue et s’il connaît l’alphabet latin.

Si l’élève a été scolarisé antérieurement, il est inscrit dans une classe ordinaire en fonction de son âge. Cependant, son emploi du temps est aménagé la première année pour qu’il puisse bénéficier d’un enseignement intensif du français (12 heures minimum dans le second degré). Il participe également à l’enseignement de deux autres disciplines (mathématiques et langue vivante en général).

L’objectif principal des UPE2A est l’inclusion relativement rapide des élèves dans des classes ordinaires, en général un an après leur arrivée.

Concernant la langue, l’objectif essentiel est la maîtrise du français enseigné comme langue de communication, de scolarisation et de socialisation. Le site éduscol (Portail national des professionnels de l’éducation), précise ce statut particulier de la langue française pour les élèves allophones nouvellement arrivés :

Les élèves allophones ne maîtrisent pas la langue-outil qui doit leur permettre de suivre en classe ordinaire dans tous les cours. L’enseignement du français aux élèves allophones débutants se rapproche donc plus d’un enseignement de langue vivante : apprendre à communiquer et à agir. On parle de FLE, français langue étrangère, parce que le français est d’abord pour l’élève une langue qui lui est étrangère, et de FLS, français langue seconde, parce que le français doit rapidement devenir une seconde langue pour les élèves, langue de communication et d’information, de l’école, des enseignements et des apprentissages.

45 Les élèves de la classe d’accueil de notre collège parisien sont actuellement au nombre de 24, et sont âgés de 13 à 16 ans. Ils forment un groupe très hétérogène linguistiquement et culturellement puisque dix-neuf nationalités différentes sont représentées, correspondant aux cinq continents4. Par ailleurs, si le collège est situé dans le Marais, un joli quartier de Paris, les élèves des UPE2A qu’il comporte ne sont pas enfants de diplomates, loin de là. Beaucoup de mères sont au foyer, et les parents sont en majorité ouvriers ou employés. Par ailleurs, huit élèves, soit le tiers de la classe, logent avec leur famille dans un hôtel social.

Ces élèves n’ont pas tous le même rapport à la langue française : certains sont ressortissants de pays francophones, la langue française y étant pratiquée et enseignée (ex : Côte d’Ivoire, Niger ou Algérie), alors que ce n’est pas le cas pour d’autres pays (ex : Chine ou Géorgie). Certains ont des parents déjà francophones, d’autres non. Les élèves ont donc des représentations très variées de la langue française, liées à leur histoire personnelle (conditions et acceptation de leur migration) mais aussi à celle de leur pays d’origine.

Comme on s’en doute, leur maîtrise de la langue française est inégale. Une majorité d’entre eux possède aujourd’hui un niveau intermédiaire (A2/B1), tandis que quelques-uns sont débutants complets ou A1.

L’enseignement de la langue française dans cette UPE2A est important, puisque le volume horaire est de 18 heures hebdomadaires maximum (dont une heure en demi-groupe). Ce volume diminue au fur et à mesure de l’intégration progressive en classe ordinaire, l’élève ne pouvant recevoir plus de 27 heures d’enseignement hebdomadaire au total. Chaque parcours est donc personnalisé en fonction des connaissances de l’élève à son arrivée, et ensuite du rythme de sa progression et de ses souhaits d’orientation.

L’apprentissage de la langue FLS se référant aussi bien au CECRL (Cadre européen

commun de référence pour les langues) qu’au Socle commun de connaissances et de compétences en lien avec les programmes de l’enseignement primaire et secondaire, les

séquences d’enseignement / apprentissage sont construites à partir de situations de communication connues des élèves, mais aussi à partir de supports liés à l’usage de la langue de scolarisation (consignes, types d’exercices, etc.). Au cours de ces séquences, les différentes compétences linguistiques (lexique, phonétique, grammaire) et culturelles sont exercées. La progression mène par ailleurs régulièrement l’élève de l’oral à l’écrit.

4 Voir Annexe 1 p. 95.

46 Enfin, les élèves ne sont pas tenus de passer des évaluations spécifiques, mais il leur est proposé de s’inscrire au DELF junior. Dans cette UPE2A, quatre élèves se présentent cette année au DELF niveau A2, et treize passeront le niveau B1.

1.1.2 Précisions sur la terminologie FLM / FLE/ FLS / FLSco

Les frontières entre FLM, FLE, FLS et FLSco ne sont pas étanches5. Elles correspondent cependant à des statuts différents de la langue, et impliquent des pratiques didactiques également différentes.

Comme le rappelle Laurence Corny, formatrice du CASNAV de Créteil, « Chaque langue peut, selon une personne ou un contexte donné, avoir un statut de langue maternelle, de langue étrangère ou de langue seconde. » Si le français est la plupart du temps une langue maternelle (FLM) en France métropolitaine, il apparaît comme une langue seconde (FLS ou FL2) dans beaucoup de pays comme ceux de l’Afrique Noire francophone, où il a souvent le statut de langue officielle et de langue d’enseignement. Il devient alors langue de scolarisation (FLSco) permettant les apprentissages scolaires. En revanche, le français est considéré comme une simple langue étrangère (FLE) lorsqu’il n’a aucun statut particulier.

La didactique du FLM s’appuie essentiellement sur la maîtrise des discours, tandis que la didactique du FLE est organisée autour des principales compétences (compréhension et production à l’écrit et à l’oral) nécessaires dans toute communication. La didactique du FLS vise, quant à elle, une maîtrise de la langue comparable à celle d’un locuteur natif, même si elle emprunte à celle du FLE. Enfin, la didactique du FLSco concerne uniquement le contexte scolaire :

Son objectif est la maîtrise des usages que les différentes disciplines scolaires font de la langue. Ces usages se manifestent par des discours, des éléments linguistiques (lexique, structures syntaxiques) et des savoir-faire disciplinaires spécifiques ou communs à plusieurs disciplines. Si, pour réussir à l’école, l’élève allophone se doit d’apprendre le français, il doit également apprendre à devenir élève du système scolaire français et donc en adopter les règles de comportement (règles d’interaction, de prise de parole, demande d’aide etc.). Ce « savoir-être élève » relève également de la didactique du FLSco.

Comme le résument bien S. Courchinoux, C. Dejean-Thircuir et C. Trimaille (2015 : 36), « ce sont les besoins des apprenants, et les fonctions qu’est appelée à remplir dans leur

47 intégration scolaire la langue de scolarisation, qui distinguent cette dernière de la langue apprise comme langue étrangère. »