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PARTIE IV Rencontre entre spirales de ressources et souffrance psychosociale à l’hôpital 131

2. Une recherche qualitative et interprétative

interprétative

2.1. Méthodologie de la recherche

De nature abductive de par les allers retours effectués entre terrain et littérature, cette recherche qualitative se situe dans une perspective interprétative. Il ne s’agit pas de tirer des généralités de nos analyses mais de nous inscrire dans une visée compréhensive d’un

phénomène et de croiser la multiplicité des représentations que peuvent avoir les individus de leur santé au travail et de comprendre comment de fait ils en deviennent parfois acteurs. De cette perspective interprétative, nous « concevons l’organisation comme une réalité construite socialement » (Demers, 2003, p. 176). Il s’agit alors de « tent[er] d’accéder aux représentations des acteurs, de découvrir les différentes significations de l’univers organisationnel qui sont construites localement et collectivement. Ici, l’objectif est la compréhension approfondie de phénomènes organisationnels contextualisés » (Demers, 2003, p. 176).

Nous avons fait le choix d’une étude qualitative pour être au plus près de ce que vivent les acteurs et de leur perception, l’idée ici étant de rendre visible un processus par l’analyse des discours. D’autant plus que la simple perception d’une menace de perte de ressources peut générer un stress il s’agit bien pour nous de comprendre le processus en œuvre dépendamment de la perception par l’agent du contexte dans lequel se produit le phénomène sans négliger les liens, corrélations ou causes à effets qui seraient en jeu. Il s’agit comme l’explique Giordano (2003) de « rechercher les significations, de comprendre des processus, dans des situations uniques et/ou fortement contextualisées » (p. 16).

2.1.1. Terrains et Données

24 personnes ont été rencontrées au cours de 17 entretiens semi-directifs. D’une durée moyenne de 85 minutes, ces entretiens ont été menés auprès de psychologues et médecins du travail, cadres de santé, administratifs, agents administratifs et infirmiers dans trois hôpitaux publics (voir tableau en annexe 4) intégralement enregistrés et retranscrits. Comme précisé plus avant, nous avons fait le choix de ne pas distinguer les statuts dans notre analyse mais d’interroger leur vision du travail et de ses conditions pour en faire émerger des ressources et leurs trajectoires.

Notre démarche consistait à échanger avec les personnels hospitaliers dans le but de saisir leur perception des situations vécues dans l’exercice de leur travail. Comme le précise Demers (2003), l’objectif d’utilisation des entretiens comme méthode principale « est de comprendre la réalité organisationnelle telle que se la représentent les acteurs » (p. 177) dans le cas présent quelle que soit leur fonction. Ces entretiens semi-directifs avaient donc pour objet d’échanger avec les agents sur le contenu et les caractéristiques de leur activité de travail, la perception qu’ils peuvent en avoir (contexte, conditions, relations, identification d’évolutions

entretiens avec les médecins et psychologues du travail nous ont permis de « prendre une mesure » de leur perception de la santé au travail au sein des établissements visités.

2.2.2. Traitement des données

Ces entretiens ont fait l’objet d’une analyse de contenu thématique avec l’utilisation du logiciel d’analyse de données textuelles Nvivo 11. Pour donner forme au processus méthodologique que nous avons suivi, nous avons élaboré la schématisation suivante :

Figure 8: Schématisation du processus méthodologique

L’utilisation de Nvivo 11 suit une démarche de décontextualisation et de recontextualisation. Dans un premier temps, la décontextualisation consiste à sélectionner des extraits du corpus signifiants compte tenu de notre recherche, ici l’identification interprétative des ressources pour les regrouper sous une catégorie, un nœud (selon le vocabulaire de Nvivo). La

recontextualisation consiste ensuite à coordonner les différents nœuds ou catégories décontextualisés pour permettre une vision d’ensemble cohérente afin de rendre visible le processus à l’œuvre. L’objectif de cette utilisation est alors de tendre vers une analyse plus approfondie en établissant des relations entre les différents nœuds et les caractéristiques définis préalablement.

24 nœuds ont été définis, certains à partir du cadre théorique, d’autres pour nous permettre d’expliciter le contexte, le ressenti, ou la perception de différents éléments par les acteurs. Il ne s’agit pas de faire une vérité de ces considérations mais de nous aider à comprendre dans quelle perspective se trouvaient les acteurs au moment de nos échanges. Les quatre premiers nœuds ont ainsi été définis à partir du cadre théorique suivant les catégories déjà usitées pour aborder le stress par les ressources au prisme de la théorie COR, à savoir : « matérielles », « personnelles », « interpersonnelles », « énergétiques ». Nous avons ajouté leur statut pour l’individu : « perdues ou atteintes » ou « mobilisées ».

Cette première étape d’identification et de classification des ressources nous a permis d’identifier des situations précises potentiellement génératrices de spirale de perte ou de gain. Nous avons alors défini des nœuds « situations de travail » (« gestion des plannings », « gestion des lits », « transmissions », « relations aux patients ») dont l’effet sur la perception des conditions de travail par les agents est particulièrement significatif qu’elle soit positive ou négative. Cette étape de travail nous a permis de regrouper les éléments associés à ces situations (récits, ressentis, difficultés, solutions…) évoqués par les différents agents d’un établissement à l’autre. Comme il était également question d’aborder le déroulement du travail concret et les conditions dans lesquelles il s’exerce nous avons par la suite ajouté les nœuds : « conditions de travail » et « travail collectif ».

Nous avons donc procédé à une analyse thématique avec une approche horizontale « consist[ant] à repérer les récurrences et régularités d’un document à l’autre à l’intérieur du corpus total » (Gavard-Perret et Helme-Guizon, 2012, p. 291). L’enjeu pour nous était de voir si une certaine récurrence des ressources évoquées et de leur statut pour l’individu (à savoir mobilisées, menacées ou atteintes) faisait jour. La première étape d’identification et classification des ressources sera abordée succinctement dans la partie « résultats », où nous avons fait le choix d’aborder plus en détail des situations concrètes de travail afin d’illustrer le processus de spirale.