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entretiens, appliqu´ ee dans des zones d’´ etude plurielles

2.2. UNE M ´ ETHODOLOGIE STRUCTUR ´ EE REPOSANT SUR DE NOM

VR1 : les mutations de la gestion du foncier agricole

Dans la lign´ee de l’ambition comparative de la th`ese, j’ai rassembl´e un ample corpus de donn´ees selon un protocole ordonn´e en trois volets de recherche (VR). Chacun se compose de une `a trois tˆaches. Les populations enquˆet´ees se recouvrent partiellement d’une tˆache `a l’autre, voire d’un VR `a l’autre. Le premier volet de recherche (VR1) porte sur les trans- formations de la gestion du foncier agricole. Il vise principalement `a pr´eparer la r´eponse `

a l’hypoth`ese 2. Les transformations sont abord´ees de mani`ere g´en´erale au sein des zones d’´etude (de leur ´echelle `a celle des parcelles) et plus particuli`erement dans leur relation `

a la question alimentaire de l’´echelle d´epartementale `a l’´echelle continentale. J’ai en effet d’abord rendu compte de la structuration actuelle et des fonctionnements courants de la gestion du foncier agricole dans chacune des trois zones (tˆache 11). J’ai pour cela rencontr´e des conseillers fonciers de la Safer, des agents en charge du contrˆole des structures dans les services d´econcentr´es de l’´Etat, des responsables des questions fonci`eres des trois princi- paux syndicats agricoles et des employ´es d’organismes de d´eveloppement agricole en charge de l’accompagnement `a l’installation et `a la transmission agricoles. Lors de tous les autres entretiens, j’ai ´egalement abord´e, sur un mode mineur, ces questions de contexte. Dans le sud-est de l’Aveyron, j’ai rencontr´e de mani`ere exp´erimentale des notaires et maires ruraux, mais vu le peu d’informations tir´ees, l’essai n’a pas ´et´e r´epliqu´e. J’ai par ailleurs proc´ed´e `

a des analyses documentaires vari´ees, en m’appuyant sur des documents d’am´enagement (PLU et PLUi7, SCoT8), des projets de territoire (Agenda 21, PCET9, PAEC10, pro- gramme d’actions LEADER11, programme d’action de PAEN12, charte de PNR13), des documents administratifs (sch´emas d´epartementaux puis r´egionaux des structures, auto- risations d’exploiter, notifications Safer, conventions). J’ai ensuite pr´ecis´e et spatialis´e les observations de cette premi`ere tˆache en reconstituant la g´en´ealogie de la mise en place de

≪modes de gestion du foncier≫distincts au sein des zones d’enquˆete (tˆache 12). J’ai pour

cela rencontr´e des personnes en charge et des usagers de ces modes de gestion : g´erant de soci´et´e civile ou d’association fonci`eres, charg´e de mission foncier en Chambre d’agricul- ture, ´elus ou employ´es de collectivit´es, agriculteurs. Ces entretiens ont ´et´e compl´et´es par des analyses documentaires, notamment d’actes administratifs locaux. Enfin, aux niveaux sup´erieurs `a ceux des zones d’enquˆete, j’ai cherch´e `a mettre en lumi`ere les effets (tant contraignants que favorables) des r´ef´erentiels l´egislatifs et r´eglementaires fonciers fran¸cais et europ´eens, ainsi que de leurs d´eclinaisons r´egionales, sur l’appropriation et la concentra- tion de l’usage du foncier en lien avec les circuits alimentaires (tˆache 13). Pour ce faire, j’ai op´er´e une veille sur les questions juridiques ayant trait au foncier agricole. J’ai ´egalement approfondi l’´etude de pratiques locales mentionn´ees lors d’entretiens en m’appuyant sur la

7. Plan local d’urbanisme, ´eventuellement intercommunal 8. Sch´ema de coh´erence territoriale

9. Plan Climat Energie Territorial

10. Programme Agro-Environnemental et Climatique

11. Liaison Entre Actions de D´eveloppement de l’´Economie Rurale

12. P´erim`etre de protection et de mise en valeur des espace agricoles et naturels p´eriurbains 13. Parc Naturel R´egional

litt´erature scientifique et sur les diff´erentes versions du Code rural et de la pˆeche maritime disponibles sur L´egifrance.

VR2 : Les nouvelles pratiques de gestion du foncier agricole visant la relocali- sation alimentaire

Le deuxi`eme volet de recherche (VR2) s’int´eresse aux pratiques nouvelles de gestion du foncier agricole qui soutiennent explicitement la relocalisation alimentaire. Il vise `a r´epondre aux hypoth`eses 1, 2 et 3. Il rassemble d’abord des ´etudes de cas approfondies de mobilisations de foncier non priv´e et individuel (c’est-`a-dire consid´er´e comme public ou collectif) en faveur de l’agriculture nourrici`ere de proximit´e14 (tˆache 21). Il vise ainsi `

a comprendre comment des projets fonciers conduits par des acteurs publics locaux ou des structures du mouvement Terre de Liens se construisent, op`erent et s’ins`erent dans la gestion locale du foncier. Dans l’Ami´enois et le sud-est de l’Aveyron, tous les projets r´epondant `a ces crit`eres ont ´et´e pris en compte : j’en ai identifi´e respectivement quatre (trois avec Terre de Liens, un avec un acteur public local) et cinq (deux avec Terre de Liens et trois avec des acteurs publics locaux). Dans le Lyonnais, une seule exploitation Terre de Liens a ´et´e identifi´ee (dans le p´eriurbain au sud-ouest de la ville, au sein de la communaut´e de communes du pays Mornantais), mais de tr`es nombreux projets sont port´es par des acteurs publics locaux. R´epliquer la d´emarche d’exhaustivit´e des deux autres terrains aurait conduit `a d´emultiplier les ´etudes de cas, sans assurance de faisabilit´e mat´erielle. Deux sous-zones d’´etude ont alors ´et´e cibl´ees pour leurs politiques fonci`eres de long terme (jusqu’alors absentes du corpus) et pour les profils des installations qui y sont r´ealis´ees (incluant notamment des activit´es d’´elevage). Il s’agit des Monts d’Or (d´efini comme le territoire du syndicat mixte ´eponyme) et de la plaine alluviale du Rhˆone en amont de Lyon dans les limites de la M´etropole (correspondant `a la plaine de Vaulx-en- Velin/D´ecines-Charpieu et `a une partie du Grand Parc de Miribel-Jonage). Dans chacun, l’exhaustivit´e des mobilisations de terre (s’´elevant `a respectivement cinq et quatre) a pu ˆetre ´etudi´ee. La carte 2.4 donne la position de ces ´etudes de cas au sein des zones d’enquˆete. Elles sont num´erot´ees dans l’ordre chronologique de r´ealisation des projets.

Pour mettre en œuvre cette tˆache, j’ai reconstitu´e une chronique d´etaill´ee de chaque projet, en suivant la m´ethode de la chronique de dispositif (Paoli et Soulard, 2003). Cette derni`ere consiste `a rassembler dans un tableau chronologique les acteurs et les enjeux d’un dispositif. Les acteurs internes et externes, entrants et sortants, sont consid´er´es dans une perspective narrative au prisme de leur rˆole dans le dispositif (sujet, adjuvant, opposant, destinataire), mais aussi d’un point de vue de sciences sociales comme des individus situ´es assumant des fonctions dans des institutions. La chronique rend compte des trajectoires du dispositif, de l’enchaˆınement de s´equences et de la transformation d’´etats. Il s’agit aussi de comprendre ce que le dispositif fait faire aux acteurs, quels objets et valeurs y sont mo- 14. Sont consid´er´ees les mises `a disposition de terres pour l’installation ou l’agrandissement d’exploita- tions (ou d’ateliers en leur sein) dont la production alimentaire est commercialis´ee localement.

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Sch´ema 2.1: Ampleur temporelle des ´etudes de cas du VR2.

bilis´es, notamment durant les controverses. Pour ce faire, j’ai rencontr´e pour chaque ´etude de cas le ou les agriculteurs b´en´eficiaires, le ou les ´eventuels agriculteurs concurrents ou ´evinc´es, les membres de Terre de Liens (animateur r´egional, b´en´evole, charg´ee de gestion) ou les repr´esentants d’acteurs publics locaux (´elus, employ´es) impliqu´es, les repr´esentants syndicaux agricoles ayant eu `a s’exprimer sur l’allocation des terres et les conseillers Safer. J’ai recueilli aupr`es de chacun une version du projet. En la comparant aux interpr´etations et non-dits des entretiens ant´erieurement r´ealis´es, j’ai cherch´e une convergence dans les niveaux de d´etail des r´ecits et dans leurs contenus. Pour pallier les d´efauts de m´emoire (volontaires ou non) des enquˆet´es, j’ai compl´et´e ces entretiens par des analyses (i) d’actes administratifs (proc`es-verbaux de conseils communaux, communautaires et m´etropolitains, d´ecision de justice, question parlementaire), (ii) de contrats de mise `a disposition de terres (baux ruraux, conventions diverses), (iii) de documents de communication (magazines ins- titutionnels), (iv) d’archives priv´ees confi´ees par les acteurs (´echanges de courriers, dossier de candidature aupr`es de la Safer) et (v) d’archives de la presse locale. Le recul temporel parfois important depuis la r´ealisation des projets (sch´ema 2.1) explique ces d´efauts de m´emoire.

Par ailleurs, j’ai recontextualis´e les projets dans les trajectoires fonci`eres ex ante et ex post des institutions qui les ont port´es, en identifiant le cas ´ech´eant des politiques ou des strat´egies (tˆache 22). Pour les trajectoires ex ante, j’ai mobilis´e les entretiens r´ealis´es avec les personnes ayant le plus d’anciennet´e dans les institutions concern´ees et ai proc´ed´e `a des d´epouillements longitudinaux des archives mentionn´ees `a la tˆache 21. Pour les trajectoires ex post, je me suis appuy´e sur la pratique r´ep´et´ee du terrain, notamment dans le sud-est de l’Aveyron (2014-2016) et le Lyonnais (2015-2018), ainsi que sur des veilles de l’actualit´e locale `a distance.

Pour ces deux premiers volets de recherche, j’ai enquˆet´e de mani`ere formelle quatre- vingt-huit personnes, dont soixante-douze en pr´esentiel (en enregistrant l’entretien au dic- taphone) et seize par t´el´ephone. J’ai r´ealis´e la quasi-int´egralit´e de ces entretiens seul : dans trois cas du terrain lyonnais, j’ai mutualis´e les rendez-vous avec des stagiaires du programme Frugal. La r´epartition des enquˆet´es entre les trois terrains et selon la cat´egorie d’acteurs apparaˆıt dans le tableau 2.1. Par souci d’anonymisation et de concision, seules

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leurs fonctions sont mentionn´ees15. De plus, j’ai ´echang´e avec environ vingt personnes pour des entretiens exploratoires courts, en amont de ceux ´evoqu´es dans le tableau. Les informations que j’en ai tir´ees m’ont permis de comprendre le contexte des zones d’´etude, sans pour autant ˆetre syst´ematiquement remobilis´ees dans la th`ese.

VR3 : La base fonci`ere des circuits alimentaires de proximit´e

Le troisi`eme volet de recherche (VR3) explore la base fonci`ere des circuits alimentaires de proximit´e. Il vise `a r´epondre aux hypoth`eses 1 et 2. Il s’agit de comprendre si le foncier qui est travaill´e pour ces circuits se distingue de celui dont les productions sont destin´ees aux fili`eres agro-alimentaires nationales et globales. Le foncier est ici consid´er´e dans trois de ses principales dimensions : c’est une portion de milieu physique, un outil de travail et un bien juridique. Caract´eriser le foncier support des syst`emes alimentaires de proximit´e suppose donc de sp´ecifier le relief (ampleur et ´eventuel am´enagement de la pente) et l’ensoleillement (orientation cardinale et proximit´e de bois ou bˆatiments) des parcelles, ainsi que la qualit´e agronomique et la profondeur des sols ; la taille et la forme des parcelles, leur ´equipement (notamment en irrigation) et leur accessibilit´e, ainsi que l’´eclatement du parcellaire et les trajets entre les ˆılots qui le composent ; les droits d´etenus dessus par les usagers, propri´etaires et autres d´etenteurs de droits, ainsi que la mani`ere dont ces droits ont ´et´e allou´es. En d´efinitive, je cherche `a analyser la qualit´e physique, la praticit´e instrumentale ainsi que l’accessibilit´e socio-politique et la stabilit´e juridique de la base fonci`ere des circuits alimentaires de proximit´e. Cette unique tˆache du VR3 propose une double mise en regard : d’un cˆot´e, les exploitations engag´ees (en tout ou partie) dans les circuits de proximit´e sont compar´ees aux autres exploitations de la zone d’´etude, d’un autre cˆot´e, elles sont compar´ees au sous-groupe que constituent les exploitations des ´etudes de cas approfondies du VR2. Le VR3 joue alors le rˆole d’un ´echantillon de contrˆole venant contextualiser les trajectoires dites alternatives du VR2 dans un espace de pratiques plus conventionnelles. Il permet de questionner la sp´ecificit´e du soutien foncier fourni par Terre de Liens et des acteurs publics locaux `a l’agriculture nourrici`ere de proximit´e.

Pour mettre en œuvre ce volet de recherche, j’ai cibl´e les exploitations selon deux crit`eres : la commercialisation d’au moins une partie de leur production dans des circuits de proximit´e et la localisation `a proximit´e des ´etudes de cas du VR2 (pour pr´eserver le caract`ere d’´echantillon de contrˆole). J’ai adapt´e la d´efinition de la proximit´e aux contextes, comme illustr´e par la carte 2.4. Elle d´epend en effet de la densit´e d’exploitations engag´ees dans des circuits de proximit´e, qui diff`ere largement selon les zones d’´etude : elle est tr`es faible `a moyenne en Ami´enois, faible `a forte dans le sud-est de l’Aveyron et forte `a tr`es forte dans le Lyonnais. Dans l’Ami´enois, j’ai consid´er´e toutes les exploitations situ´ees `a moins de 8 km autour des ´etudes de cas du VR216. Dans le Lyonnais, j’ai inclus les

exploitations des deux sous-zones d’´etude (Monts d’Or et plaine amont du Rhˆone) ainsi 15. Dans le suite de la th`ese, les caract´eristiques sociales, politiques et ´economiques des enquˆet´es sont d´evelopp´ees lorsqu’elles servent l’argumentation.

Tableau 2.1: Tableau des enquˆet´es rencontr´es pour le VR1 et le VR2.

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que les exploitations situ´ees `a moins de 4 km de l’´etude de cas Terre de Liens. Dans le sud-est de l’Aveyron, le relief montagneux et les routes sinueuses limitent tr`es fortement l’int´erˆet du crit`ere d’isodistance : les surfaces couvertes sont souvent plus petites que les territoires communaux. J’ai donc pris en compte les exploitations des communes des ´etudes de cas, ainsi que des communes voisines lorsque les ´etudes de cas sont situ´ees en p´eriph´erie du territoire communal. Dans les trois cas, j’ai compl´et´e l’´echantillon en ajoutant des exploitations encore plus ´eloign´ees, dont j’avais rencontr´es les exploitants par hasard (sur un march´e, dans un magasin de producteurs ou `a une distribution de produits locaux). Enfin, des exploitations rep´er´ees n’ont pas pu ˆetre jointes, mais dans une proportion limit´ee qui n’entˆache pas la repr´esentativit´e de l’´echantillon.

Selon les disponibilit´es des enquˆet´es, je les ai interrog´es pr´ef´erentiellement de visu (aux heures creuses dans les lieux de commercialisation ou `a la ferme) et dans le cas contraire par t´el´ephone. L’enquˆete consistait en l’administration d’un questionnaire sous forme de conversation naturelle. En troisi`eme recours, les informations ont ´et´e collect´ees par glanage sur internet, grˆace `a des articles monographiques de la presse agricole ou quotidienne lo- cale et par les sites internet des exploitations elles-mˆemes. Des dires d’expert (agriculteurs, coll`egues, notamment du programme Frugal) ont aussi ´et´e utilis´es. Du fait de ces quatre modes de collecte, les donn´ees ne sont pas tout `a fait homog`enes : elles le restent n´eanmoins suffisamment pour ˆetre exploitables. Au total, cent-vingt-quatre exploitations ont ´et´e in- cluses : trente-quatre dans le Lyonnais, trente-quatre dans l’Ami´enois et cinquante-six dans le sud-est de l’Aveyron17. En Ami´enois, vingt-trois exploitations ont ´et´e enquˆet´ees de visu, trois par t´el´ephone, six par glanage sur internet et deux `a dires d’expert. Dans le Lyonnais, dix ont ´et´e enquˆet´ees de visu, neuf par t´el´ephone, douze par glanage sur internet et trois `a dires d’expert. Dans le sud-est de l’Aveyron, quinze ont ´et´e enquˆet´ees de visu, quatre par t´el´ephone, treize par reprise des r´eponses d’un questionnaire de M2, vingt-trois par glanage sur internet et une `a dires d’expert.

En guise de point d’´etape, le tableau 2.2 synth´etise les objectifs et modalit´es des trois volets de recherche. Le sch´ema 2.2 r´ecapitule quant `a lui la structuration d’ensemble de la d´emarche et de la m´ethodologie de la th`ese.

2.2.2 Une enquˆete reposant principalement sur les entretiens semi-di- rectifs

Les trois volets de recherche mobilisent des outils de collecte, de traitement et d’ana- lyse des donn´ees relativement classiques en g´eographie humaine. D’apr`es Guyot (2008), la m´ethodologie qualitative de la discipline peut ˆetre d´ecompos´ee en six op´erations : l’obser- vation, la visite — ´eventuellement guid´ee —, la repr´esentation, le questionnement, l’assis- tance `a des r´eunions non ouvertes et la participation `a des ´ev´enements ouverts.

J’ai principalement eu recours au questionnement, surtout lors d’entretiens semi-direc- 17. L’ampleur de l’´echantillon enquˆet´e dans le sud-est de l’Aveyron s’explique par la reprise et le compl´ement d’enquˆetes r´ealis´ees lors de mon M2.

Tableau 2.2: Volets, tˆaches et m´ethodes de d’enquˆete.

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tifs enregistr´es avec l’accord des enquˆet´es. Je les ai men´es sur le mode de la discussion, `a partir de guides d’entretiens partageant une base commune mais int´egrant de nombreuses questions sp´ecifiques. Dans la tr`es grande majorit´e des cas, ils ont ´et´e men´es avec le support de la carte topographique IGN au 25 000`emecouvrant le territoire ´evoqu´e pendant l’entretien. L’int´erˆet de cette irruption de la carte dans la discussion est double : elle permet certes de localiser pr´ecis´ement les parcelles mentionn´ees (que j’ai le cas ´ech´eant identifi´ees sur le cadastre) mais elle offre aussi la possibilit´e aux enquˆet´es d’amener l’entretien vers des points ne faisant pas partie du guide, par observation et commentaire de lieux de la carte. Effectu´es dans des moments de ralentissement du rythme de l’entretien, ces commentaires ont principalement port´e sur le voisinage des parcelles ou exploitations qui ´etaient au cœur de l’entretien. Ce sont parfois des cartes affich´ees aux murs du lieu o`u se d´eroulait l’entretien qui ont jou´e ce rˆole et, plus rarement, les paysages observables depuis les fenˆetres de ces mˆemes lieux.

Les entretiens semi-directifs sont un exercice intersubjectif dont le r´esultat d´epend largement de la pr´esentation de soi de l’enquˆeteur. ˆEtre consid´er´e comme un homme, blanc, jeune, universitaire et h´et´erosexuel m’a certainement facilit´e la pratique du terrain. Ma d´emarche a par ailleurs suscit´e de l’int´erˆet de la part des enquˆet´es, un certain nombre m’ayant demand´e de leur envoyer mes r´esultats et les non-r´eponses ou refus d’entretiens ´etant rest´es extrˆemement limit´es. La pr´esentation de soi ne rel`eve pas que de caract`eres assign´es et d’interactions intellectuelles, elle est aussi comportementale et narrative : ma tendance `a prendre — inconsciemment — l’accent de mes interlocuteurs (particuli`erement dans le Sud-Aveyron) et la possibilit´e que j’avais de souligner des ´el´ements de proximit´e personnelle avec les r´egions des zones d’enquˆetes m’a probablement permis de paraˆıtre moins ´etranger `a certains enquˆet´es18. J’ai par ailleurs cherch´e `a acc´eder `a une parole libre par deux canaux. J’ai tent´e d`es que possible — apr`es une premi`ere s´erie d’entretiens dans des groupes sociaux situ´es — de glisser des allusions `a ma connaissance des territoires, notamment en mettant des noms sur les personnes ou les lieux ´evoqu´es par les enquˆet´es sans les nommer. Le deuxi`eme canal se rapproche de ce que Guyot (2008) appelle la ≪sagesse