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UNE MÉTHODE ADAPTÉE À UNE POPULATION PARTICIPATIVE

2. 1. Le terrain d’enquête : entre cadre et hors-cadre.

Deux types de terrains d’enquête ont été utilisés pour ce travail car j’ai pris le parti de réutiliser les interviews réalisées en Licence 3.

Le premier, une boutique d’échange de seringues, tenue par une association mandatée par l’État (la D.D.A.S.S), accueille des personnes developpant des addictions, et ne désirant pas arrêter (toxicomanes actifs) leur consommation de psychotropes. Ce type de structure a été créée dans le cadre d’une politique de santé publique globale suite à l’extension de l’épidémie du sida (1987, 40% des toxicomanes sont séropositifs), et grâce à la légalisation de la vente de seringues (décrets n° 95-255, 7 mars 1995) —

194 T. Pimor, sous la direction de E. Debarbieux, mémoire de licence 3, La famille de la rue : liberté, solidarité, défonce, 2007, Université Bordeaux 2, sciences de l’éducation, p 43 à p 44.

195 T. Pimor, sous la direction de E. Debarbieux, 2007,id, Université Bordeaux 2, sciences de l’éducation, p 44.

cette institution leur propose un échange de seringues, une aide administrative, des soins infirmiers, des douches et une machine à laver. C’est un accueil bas seuil ouvert sur la rue. La principale mission de cet établissement consiste à réduire les risques de contamination par V.I.H, et V.H.C, et plus largement les risques sanitaires et d’exclusion par le maintien d’un lien social et d’aides administratives (aides financières, papiers d’identité, dossiers RMI...). Ce choix a été déterminé par la possibilité de pouvoir rencontrer la population des toxicomanes errants actifs donc par souci de faisabilité. Connaissant une partie de l’équipe, ces derniers m’avaient présenté auprès des enquétés comme ancienne stagiaire éducatrice. De ce fait, cette année, j’ai voulu consciemment rompre avec ce statut d’éducatrice et l’influence du lieu (lieu de soins) induisant à mon sens des biais quant à l’interprétations de mes attentes par les interviewés. En effet, je craignais que ceux-ci perçoivent en moi un désir de les normer, de les emmener vers un protocole de soins ; ce qui, évidemment, n’est absolument pas l’objet.

J’ai donc opté pour un second terrain beaucoup moins formel, , en face d’un supermarché, grâce à l’opportunité qui s’est présentée de les rencontrer dans leur espace de mendicité dont ils m’avaient fait état lors de nos rencontres précédentes. C’est donc en errant moi-même durant quelques semaines devant cet emplacement que par chance j’ai pu revoir un de mes anciens contacts qui se souvenait de moi. Après une discussion banale, je lui ai donc fait part de ma volonté de l’entendre à nouveau sur la même thématique que l’an dernier. Jon, heureux et confiant me proposa alors d’emblée de venir au squat. N’ayant pas le temps cette année de réaliser une observation ethnographique, je l’en remerciais et convenais d’un rendez-vous ultérieur. Par son intermédiaire j’ai pu, par ailleurs, rencontrer Bruno et Charlotte, un couple partageant son squat.

La difficulté alors était de trouver un lieu d’interview calme et discret qui leur permettait de s’exprimer librement sans l’influence du groupe d’appartenance fort présent devant le magasin en question. Durant les quatre visites que j’ai effectuées de nombreux errants venaient m’interpeler tout d’abord en me demandant une cigarette puis m’interroger sur ce que je faisais. Leur désir de participation a suscité en moi un étonnement et un questionnement. Pourquoi des individus mettant en avant leurs différences, et leur désir d’un autre mode de vie que la norme (donc la mienne)

voulaient autant me parler de leur vie ? Était-ce par besoin de participation sociale ? De sentir en eux une utilité ? Ne pouvant accorder une écoute à tous, il a donc fallu que je me retranche derrière le fait que pour l’instant je ne m’intéressais qu’aux personnes partageant l’habitation de Jon. Cette argumentation fort peu honnête m’a semblé la plus à propos afin de ne pas les vexer ou les rejeter.

Après réflexion, il m’est apparu qu’un bistrot serait peut-être le lieu le moins empreint de connotations normatives et éducatives puisque commun à tous, mais aussi le plus à l’abri des interruptions suceptibles de se produire devant le magasin. Le choix du bar s’est fait alors d’un commun accord avec les participants, juste avant l’entretien.

Les rendez-vous ont été fixés suivant leurs disponibilités (en milieu d’après-midi) en face du supermarché.

2. 2. La population toxicomane active, des errants.

Claude Olivenstein définit la toxicomanie comme étant une « rencontre entre une personnalité, un produit et un contexte »196. Au-delà de cette définition, il paraît important d’ajouter que l’addiction est une dépendance quelques fois physique et surtout psychique à un psychotrope avec des comportements compulsifs de recherches, de prises de produits. Si cette enquête a été réalisée auprès de personnes toxicomanes, il faut souligner qu’elle concerne une frange singulière de cette population. Les individus interviewés à La boutique et ceux rencontrés devant le supermarché, ne sont pas en démarche de soins visant l’arrêt de leurs prises de stupéfiants, ni dans un souhait de réinsertion sociale. Pour eux, il s’agit seulement de pourvoir à leurs besoins élémentaires en termes sanitaires et sociaux. C’est donc une population relativement marginalisée, exclue socialement (par choix ou non) et systématiquement sous l’emprise de psychotropes. Qualifié d’errants par certains chercheurs ou organismes étatiques, ce terme regroupe aussi d’autres types de personnes. Il renvoie aussi bien à des jeunes souffrants de graves troubles psychiques, que des jeunes issus de banlieue, des jeunes SDF…197. Ici le mot errant qualifiera des individus toxicomanes vivant de façon nomade

196 Claude olivenstein La vie du toxicomane, PUF, 1982, Paris, p 45.

197 P. Pattegay, L’actuelle construction, en France, du problème des jeunes en errance. Déviance et société, p 257 à p 277, 366p, http://www.cairn.info/revue-deviance-et-societe-2001-3-page-257.htm, consulté le 20 mai 2008 à 16h30.

dans la rue, en squat, en camion, subsistant par la mendicité, les aides sociales, le trafic198.

Selon l’étude de l’INVS199de 2004,réalisée sur 5 villes françaises, auprès de 101 structures en toxicomanie et 37 médecins généralistes prescripteurs de traitement de substitution aux opiacés, la population toxicomane active (dont font partie les errants étudiés) se composerait de 74% d’hommes dont l’âge moyen serait de 35,2 ans, 65%

seraient sans emploi, 8% auraient un niveau d’étude inférieur ou égal au primaire et 55% d’entre eux vivraient seuls. 55% n’auraient pas de logement stable (dont 19% en squat ou à la rue), à 16 ans 22% ne vivraient plus dans leur famille et depuis l’âge de 18 ans, 73% auraient dormi au moins une fois à la rue. 10,8% seraient atteints par le VIH, et 59,8% par le VHC avec une prépondérance dans la tranche d’âge 30-40 ans. 13%

d’entre eux auraient partagé une seringue, 33% le petit matériel d’injection (cuiller, coton), 74% auraient réutilisé leur seringue et 25% la paille de snif. Malgré les 90% qui connaissent les modes majeurs de transmission du VIH et les 65% pour le VHC, les informations de prévention, on assiste tout de même à une perpétuation des pratiques à risque dans ce champ expliquant peut-être l’augmentation de personnes ayant le VHC (1996 : 47% ; 2004 : 59,8%) bien que les contaminations VIH aisent baissé entre 1996 (20%) et 2004 (10,8%). Cette recherche épidémiologique permet de brosser un portrait général des utilisateurs de drogues mais ne se centre pas sur la population errante, nouvelle dans le paysage toxicomaniaque.

D'après le rapport d’activité 2002 de l’association gérant la boutique, et le rapport TRENT 2001200, la population a beaucoup rajeuni, laissant place à de « jeunes errants » âgés pour la plupart entre 18 et 30 ans, vivant de façon nomade, en squats pour beaucoup avec des chiens. Ils fréquentent les free party, font « la manche », perçoivent le R.M.I. ou des allocations de retour à l’emploi. Certains travaillent de façon

198 J.M. Dellile, A.C. Rahis, Rapport Trend Bordeaux, OFDT, CEID, 2004, Usages de drogues en Aquitaine évolutions et tendances récentes, Les substances d’origine naturelle, Usagers nomades ou en errance urbaine à Bordeaux, Les usages de cannabis, http://www.ofdt.fr/ofdt/fr/trend/bord04.pdf

199 M. Jauffrey-Roustide, Prévalence du VIH et du VHC, pratiques à risque et précarité chez les usagers de drogues, ANRS-Coquelicot, INVS en collaboration avec l’INED et le CNR VIH de Tours.

http://www.rvh-synergie.org/documents/Flyer27.pdf, consultation le 5 février 2007 à 10h30.

200 Rapport Trend, SINTES, 2001, Phénoménes émergents liés aux drogues en Aquitaine, publié par l’Observatoire Français des Drogues et Toxicomanie et CEID.

saisonnière ou non déclarée. Charlotte, lycéenne représente d’après mes échanges avec le groupe, une exception car peu d’entres eux poursuivent des études tout en adoptant ce mode de vie. La proportion d’hommes est de deux tiers pour un tiers de femmes201. Les données de prévalence pour cette population spécifique, en matière de contamination VIH et VHC ne sont pas encore disponibles, mais on peut par recoupement grâce à la tranche d’âge faire l’hypothèse qu’elle correspondrait202 à 30% des usagers de moins de 30 ans pour le VHC et de 0,3% pour le VIH, donc nettement en deçà de la moyenne générale de la population toxicomane active mais toujours présente malgré les nombreuses politiques de prévention. Si le risque de contamination a diminué, d’autres pratiques à risque comme la consommation de mélanges de psychotropes(68% des jeunes fréquentant l’espace festi alternatif dont beaucoup d’errants font partie) ainsi que la conduite de véhicule sous psychotropes semblent relativement élevés d’après le rapport de l’OFDT203. Malheureusement faute de données quantitatives sur cette population spécifique il est impossible de décrire de façon globale les errants en terme d’appartenance sociale (sont-ils issus de classe sociales défavorisée, moyenne, supérieure ?), de prises de risque autres que celles évoquées précédemment.

2. 3. L’approche qualitative ou le complément nécessaire d’une approche basée sur l’acteur comme définissant les pratiques à risques.

La définition et la méthodologie d’enquête est fondée sur la représentation qu’ont les acteurs de leurs pratiques à risque, ceci afin de comprendre ce qui les soutend. L’acteur est un être rationnel qui adapte ses comportements à une situation, un contexte, aux interactants, à un groupe d’appartenance en lien avec un environnement social. Par conséquent je prends le parti de ne pas adhérer aux définitions épidémiologiques induisant (comme je l'ai souligné dans ma première partie) une prolifération et une perte de sens de ces pratiques. De plus, sous jacent à ce type d’interprétation, s’articulent des théories mettant en évidence que les inégalités sociales et sanitaires seraient incorporées dans notre patrimoine biologique. Elles seraient donc

201 Rapport Trend, SINTES,id, 2001.

202 M. Jauffrey-Roustide, id, 2004

203 C. Reynaud-Maurupt, S. Chaker, O. Claverie, M. Monzel, C. Moreau, I. Evrard, A. Cadet-Taïrou, op cit.

prédéterminées génétiquement. Elles perçoivent les conduites à risque comme des anormalités, voire des pathologies et non comme des construits sociaux tout comme les définitions psychanalytiques des conduites ordaliques et contra-phobiques. Or, « Pour la sociologie, il n’existe ni normal, ni pathologique à priori, mais des actions chargées de sens et qu’il importe de comprendre, de relier au terreau social qui les voit naître, sans méconnaître la singularité de l’acteur. »204

Je définirais donc les conduites à risque comme étant des « comportement(s) impliquant un danger vital »205. Ces pratiques et leurs conséquences doivent être conscientes ou préconscientes chez les interviewés. Elles n’ont pas pour but de donner la mort, par conséquent le suicide est écarté en tant qu’indicateur.

« La notion de conduite à risque est ici entendue comme un jeu symbolique ou réel avec la mort, une mise en jeu de soi, non pour mourir, bien au contraire, mais qui soulève la possibilité non négligeable de perdre la vie ou de connaître l’altération des capacités physiques ou symboliques de l’individu. »206.

Ainsi, après entretien, les indicateurs retenus pour définir les conduites à risque sont les suivants : l’échange de seringues ou de pailles souillées, les prises massives de produits pouvant conduire à un surdosage, les mélanges de stupéfiants pouvant provoquer des interactions dangereuses, les rapports sexuels non protégés, les conduites de véhicule sous l’emprise de psychotropes, l’absence de soin des blessures pouvant conduire à une atteinte physique grave (septicémie, amputation) , les actes délinquants et l’induction de rapports conflictuels pouvant porter atteinte à leur intégrité physique (bagarre). En ce qui concerne le corps, je me suis axée sur l’hygiène, l’apparence vestimentaire, le recours aux soins médicaux, l’esthétique tant sur le plan du maquillage, que de la coiffure, des piercings, tatouages et autres ornements, l’alimentation, leurs critères de beauté physique. Pour la mort, l’opération consistant à identifier les indicateurs s’est avérée bien plus complexe. Je me suis donc davantage appuyée sur mes lectures. J’ai pris le parti de me centrer sur leur mort physique imaginaire idéalisée ou inversement rejetée, la mort de certains de leurs proches, leur vision de leurs propres rites mortuaires (enterrement, incinération, fêtes…), la relation

204 D. Le Breton, op.cit, , p 22.

205D. Velea, Sociologie du risque, in site mometox , p 1.

206 D. Le Breton, ibid, 2002, p 10.

mort / vie, la notion de peur de mourir, la temporalité de la mort (jeune, moins jeune, vieux), la mort sociale (décompensation psychologique, solitude, asservissement).

2. 4. L’entretien compréhensif une méthode à parfaire par l’observation.

2. 4. 1. L’entretien pourquoi ?

Le choix de l’entretien compréhensif207comme unique technique d’enquête s’est imposé pour plusieurs raisons :

- du fait de la population encline à pouvoir exprimer ses opinions de façon claire, réflexive et convaincue,

- en terme de faisabilité liée aux contraintes de temps, - par choix d’une approche interactionniste,

- de par l’objet traité : les représentations du corps et de la mort.

Cette méthode s’est avérée une des plus adéquates— l’étude se centrant sur la mise à jour des représentations du corps et de la mort, mais aussi du mode de vie à risque des acteurs. La représentation dans ce cadre « se définit dans son rapport social, non plus par une fonction de légitimation mais par celle d’orientation des conduites »208. Elle se rapprocherait des conceptions cognitivistes, la décrivant comme un :

« processus de construction du réel; réintro(duisant) l’étude des modes de connaissances et des processus symboliques dans leurs relations avec les conduites,(...); la représentation est, en effet, une organisation psychologique, une modalité de connaissance particulière. »209. Moscovici210 voit dans la notion de représentation une double vocation qui prend l’aspect d’une fonction d’adaptation à l’environnement et une fonction sociale de communication. Il avance même que l’intérêt de la recherche sur les représentations réside plus dans la quête de leurs fonctions que sur l’origine de leurs constitutions. En ce sens, il m’a semblé que l’emploi de la méthode compréhensive pouvait permettre de récolter d’une part, l’idéologie mortuaire et corporelle particulière des errants, d’autre part, de saisir son utilité pour leurs diverses pratiques et leur mode

207 J.C Kaufmann, L’entretien compréhensif, Nathan, 1996.

208 N. Ramognino, Les savoirs dans les pratiques quotidiennes, éd CNRS, 1984, Paris, p 212.

209 N. Ramognino, id,1984, p 213.

210 N. Ramognino, ibid, p 213.

de vie, pour finalement éclairer la fonction qu’ont les conduites à risque dans leur rapport au monde.

Cette méthode compréhensive, très adaptable en fonction des terrains, des individus m’est apparue comme idéale au regard de la population étudiée peu encline aux normes, règles ou quelconque cadrage qu’aurait pu induire le questionnaire ou l’entretien semi-directif. En effet, étant par moment sujet à la rébellion, la contestation, un abord trop rigide aurait pu soit, les retrancher dans un mode revendicatif exacerbant leurs oppositions de façon artificielle, car liées au type d’interaction ; soit, au contraire, créer une rupture de communication, induire des réponses sans véracités, ou répondant aux attentes qu’ils me prêtaient. De ce fait la libre expression contient en elle-même pour ce public une attractivité lui offrant la possibilité d’exprimer ce qu’il désire, pense, veut donner à voir.

Afin de respecter cette liberté, la retranscription des synthèses d’entretiens colle de très près au discours des personnes. Tous les résumés d’entretiens participant à la définition de la population sont introduits par un portrait, une description contextuelle et relationnelle (entre eux et moi)—les actions, les interprétations des individus étant influencées par l’écologie du lieu, les interlocuteurs, les personnes présentes et l’environnement suivant le paradigme interactionniste211. Un des entretiens a même dû se faire en deux temps et deux lieux. Pour autant, il ne s’agit pas d’une méthode improvisée mais adaptable. Des indicateurs issus des entretiens de l’année précédente ont été répertoriés et m’ont permis de rebondir lors des entretiens quand ils étaient abordés.

La mise en forme des retranscriptions d’entretiens a elle-même été mûrement réfléchie. Il m’a semblé que si le lecteur avait accès au langage propre des interviewés, il lui serait plus facile de se détacher de ses propres valeurs pour entrer dans un monde ô combien différent.

La méthodologie compréhensive ne cherche pas à vérifier ou infirmer une problématique par les entretiens. Ils ont donc été le point de départ de la

211 J.M. Queiroz, M. Ziotkowski ibid..

problématisation qui s’est élaborée conjointement aux réflexions amenées par les divers ouvrages de la bibliographie.

Essayer de découvrir les représentations, entendre les voix des personnes concernées s'avérait plus pertinent qu’une quantification de leurs actes, telles que celles réalisées par les approches épidémiologiques pour comprendre l’utilité sociale de leurs prises de risques. Les acteurs ont une connaissance qui leur est propre de leurs techniques corporelles, de leurs visions de la mort et du corps qui soutendent leurs actes de mise en danger. Qui mieux qu’eux peut la décrire, l’expliquer ? « Les principes de l’entretien compréhensif ne sont rien d’autre que la formalisation d’un savoir faire concret issu du terrain, qui est un savoir-faire personnel. »212.

Touchant à des pratiques corporelles en lien avec la mort, l’évidence méthodologique et déontologique était de marquer formellement un respect, une sensibilité, face aux interviewés afin de construire une relation de confiance tout en offrant un espace de liberté. Le questionnaire par son côté direct aurait pu induire une sensation de brutalité.

Cette méthodologie « (…) s’appuie sur la conviction que les hommes ne sont pas de simples agents porteurs de structures mais des porteurs actifs du social, donc des dépositaires d’un savoir important qu’il s’agit de saisir de l’intérieur, par le biais du système de valeurs des individus ; elle commence donc par l’intropathie. »213.

S’agissant d’un sujet ayant trait à la souffrance psychique, à des pratiques corporelles, l’empathie et même l’intropathie sont essentielles déontologiquement et techniquement parlant, pour faire émerger le discours de profondeur. L’empathie est une porte d’entrée dans la relation, générant une forme de connivence. Mais, s’il est nécessaire de laisser entendre à l’enquêté que l’on est réceptif à son discours, le chercheur doit être en retrait et l’informateur en vedette, ce qui n’a pas toujours été évident. Pour ce faire, il a fallu développer une écoute attentive, active, accorder de l’importance aux mots, aux opinions des acteurs et montrer de la sympathie, quitte à faire des digressions hors du champ de recherche, entres autres par rapport aux chiens,

212 J.C. Kaufmann, id, Nathan, 1996, p 9.

213J.C. Kaufmann, id, 1996, p 23.

sujet principal pour les participants. J’ai donc dû oublier mes opinions, mes pensées et surtout canaliser mon impatience à atteindre le cœur de mon sujet.

Afin que l'interviewé s’engage, émette une opinion, l’enquêteur doit lui aussi être en situation d’engagement. Pour répondre à cette exigence, il a été nécessaire d’intervenir verbalement pour que les personnes puissent développer plus intimement leurs convictions au risque comme nous le verrons dans la partie suivante de devenir directive. L’engagement n’implique pas d’imposer ses vues à l’autre, mais d’offrir une attention dynamique, de rebondir sur les propos de l'interviewé de façon impliquée.

Selon J.C. Kaufmann, si le chercheur ne personnalise pas ses questions, l’individu va réagir de façon artificielle avec des réponses non-personnalisées. On peut perdre, en ce cas, toute la profondeur qu’aurait produit un entretien plus engagé.

Selon J.C. Kaufmann, si le chercheur ne personnalise pas ses questions, l’individu va réagir de façon artificielle avec des réponses non-personnalisées. On peut perdre, en ce cas, toute la profondeur qu’aurait produit un entretien plus engagé.

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