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PARTIE 5 : ECLAIRAGE SELON DONALD WINNICOTT

D. L’importance de l’environnement

1. Une mère suffisamment bonne

Au stade le plus primitif Winnicott nous dit que l’enfant ne se distingue pas de l’extérieur. Nous sommes face à un ensemble « individu-environnement ». « Il n’y a

pas de sens à parler d’un individu sans postuler d’une adaptation adéquate de l’environnement aux besoins de l’individu » (1) p523. Le développement de l’enfant va

dépendre, selon Winnicott, en grande partie de la fiabilité et de la simplicité de l’environnement concernant la figure d’attachement principale qui est dans la majeure partie des cas la mère.

Pour que ces différentes étapes soient franchies, un environnement suffisamment bon sera nécessaire. Ces étapes se résument ainsi :

- S’établir en tant que personne totale, réaliser son unité, son intégrité. Se délimiter par une membrane qui s’épare un intérieur d’un extérieur,

- Etablir des relations avec des personnes totales. Ce prototype se façonnera sur la première relation de l’enfant, celle avec la mère,

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- Distinguer le réel de l’intention, le fait du fantasme, les idées et les faits, la réalité interne de la réalité externe.

L’enfant va avoir besoin de s’appuyer sur un nombre suffisant d’expériences bonnes vécues avec la mère, de manière répétée, fiable et simple dans le temps. Ces expériences formeront le socle qui va permettre à l’enfant de se représenter la permanence de la présence de la mère ainsi que sa survie face à ses attaques. Il est essentiel.

L’enfant a besoin d’une mère qui survit au trou engendré dans son imagination par l’expérience instinctuelle et d’une mère qui soit en mesure d’accueillir un geste de don.

b. Cas clinique

A l’adolescence, il semble que ce besoin d’avoir une « mère suffisamment bonne » peut se rejouer. La situation de Luna en est un exemple.

Nous rencontrons Luna aux les urgences, envoyée par l’école pour idéations suicidaires.

Luna vit avec sa mère et ses deux demi-frères, son père étant mort plusieurs années auparavant de suicide par pendaison, au cours d’une pathologie psychiatrique. Du côté de la mère, notre interrogatoire retrouve un antécédent d’exogénose chronique, ayant amené à un placement de Luna dans l’enfance, de 3 à 6 ans.

Lorsque Luna atteint l’âge de 6 ans, elle retourne vivre avec sa mère qui n’est plus dépendante à l’alcool et qui a retrouvé un logement sain et un travail.

Luna est en 5ème et est bien intégrée dans sa classe. L’histoire récente psychiatrique de Luna trouve comme facteur déclenchant le suicide par pendaison

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d’un camarade de son collège, quelques semaines auparavant. Ce suicide réactive le vécu traumatique du décès de son père. Depuis ce deuxième suicide proche, elle verbalise des idées suicidaires notamment auprès de la CPE, de l’infirmière scolaire et de l’assistante sociale. Ses idées suicidaires ont déjà été scénarisées par une intoxication médicamenteuse volontaire. L’inquiétude grandit à l’école : l’infirmière de l’école appelle sa mère à plusieurs reprises et l’assistante sociale se déplace même au domicile pour discuter de la situation. Mais la mère de Luna ne prend pas au sérieux ces alertes qui la font parfois rire ou parfois se mette en colère. A posteriori, la mère de Luna décrira qu’elle était dans un déni des difficultés de sa fille. Mais pour le moment, elle accuse l’école d’être excessive, grondant Luna d’aller leur parler de ses pensées tous les jours. A contre-cœur, la mère de Luna finit par prendre rendez-vous à la « maison des ados » pour acheter sa liberté ?

Une semaine plus tard, Luna verbalise de nouveau des idées suicidaires au collège qui nous la transfère aux urgences par le SAMU. C’est dans ces circonstances- là que nous faisons la rencontre de Luna.

Cliniquement, nous objectivons une jeune inhibée qui élabore peu ses réponses même si elle semble dans l’alliance. Elle évoque des idées suicidaires mais celles-ci ne sont pas organisées. Il n’y a pas de scénario arrêté. À la suite de notre rencontre avec Luna, nous appelons sa mère qui nous répond : « ces histoires me montent à la

tête. Je n’arriverai qu’après ma journée de travail, vers 19h ». A son arrivée, à 19h, la

mère est en colère, se sentant persécutée par l’école et les soignants à cause de sa fille et rigolant de cette situation devant Luna, lui disant qu’elle est très forte pour manipuler tout le monde son entourage.

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inavouée de la mère de voir ce geste se répéter chez sa fille. La mère semble s’apaiser et accepte de revenir 48h plus tard pour que nous puissions ré-évaluer Luna.

Deux jours plus tard, donc, la situation s’était étrangement inversée. La mère exprimait pour la première fois de l’inquiétude, assurant que couteaux et médicaments étaient mis sous clés et préférant que Luna dorme avec elle. D’une mère désintéressée, nous passions à une mère surinvestie.

Luna, parallèlement, activait cela dans une escalade de symptômes, portant une note démonstrative. Il fallait inquiéter sa mère. En attendant une place en hospitalisation nous avons organisé un suivi de consultations rapprochées au vu de la richesse des symptômes qui émergeaient (diminution de l’appétit, difficultés d’endormissement, envie de se scarifier).

La mère était authentiquement paniquée et d’accord pour un séjour à l’hôpital, chose qu’elle refusait initialement. Luna a été finalement hospitalisée et est restée deux nuits seulement, demandant sa sortie dès le premier jour. Il était assez évident que Luna cherchait à mobiliser sa mère pour qu’elle se laisse toucher sans s’effondrer. Luna cherchait de la sécurité. La réassurance chez Luna a été immédiate à partir du moment où son objectif de mobilisation de sa mère dut atteint.

Dans cette situation, Luna est venue tester le lien qui l’unissait à sa mère, vérifier que celle-ci était « suffisamment bonne » et non « totalement bonne ». Luna a ensuite accepté très facilement les manquements de sa mère tant que le lien d’amour l’emporte sur le reste.

2. Un environnement qui vient border l’agressivité donc la