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Une information pour une meilleure compréhension du dépistage

4. LA MISE EN ŒUVRE DU PROGRAMME DE DÉPISTAGE ORGANISÉ (DO)

2.1. Une information pour une meilleure compréhension du dépistage

Information sur l’engagement dans la logique du dépistage

En préalable, le groupe de travail souligne que l’on ne sait pas aujourd’hui exactement combien de femmes sont dans une logique de fidélisation au programme de dépistage. Par consé- quent, il est important d’insister sur l’importance des études en cours sur les motivations qui poussent ou non les femmes à poursuivre le programme, telle que l’étude actuellement menée par l’INCa sur les facteurs d’adhésion, mais aussi de fidélisa- tion dans les programmes de dépistage organisé.

À ce titre, l’information des patientes est un élément d’enga- gement dans la logique du dépistage. A été soulignée tout d’abord la nécessité d’informer les femmes sur l’impératif de santé publique (méthodologie du dépistage) que constitue, au-delà de l’entrée dans le dépistage organisé, la nécessaire répétition tous les deux ans des mammographies. Il convient de mieux expliquer que la démarche n’a de sens que si le test est répété régulièrement au cours du temps (aujourd’hui tous les deux ans sur la tranche d’âge 50-74 ans). Sans doute ce principe n’est-il pas encore assez connu et compris dans le grand public, ce type d’éléments explicatifs (au sens péda- gogique du terme) n’étant pas assez présents dans les docu- ments d’information. Dans ce contexte, le groupe a égale- ment souhaité souligner la nécessité pour l’ensemble des acteurs d’une prise de conscience sur le fait que l’on engage les femmes dans une logique de répétition et donc de doute et de stress répétés tous les deux ans. Ainsi les notions de pénibilité et d’anxiété ne doivent jamais être banalisées. Une lecture qui consisterait à dire que les femmes déjà renseignées et intégrées dans le dispositif sont des « habituées » ne posant pas de problèmes sera vraie pour certaines mais pas pour toutes. Au contraire, pour d’autres, la pénibilité peut aller croissante au fil du temps, la répétition de l’acte prenant trop de place dans leur vie. Dès lors, c’est ici que le droit fonda- mental de ne pas participer (lié au droit de ne pas vouloir savoir ou de ne pas s’exposer à des périodes d’anxiété) doit être entendu et respecté comme un droit protecteur des équi- libres d’une personne. Ainsi le chemin sera étroit pour les pro- fessionnels parfois pris dans un dilemme ou conflit de valeurs (voire d’intérêts) : devoir proposer un dépistage, tout en étant en permanence ouverts et convaincus de la légitimité d’un refus de la patiente.

La probabilité de trouver une image suspecte sur la période de DO est de facto importante. Aussi, concernant l’annonce d’un résultat de dépistage, il convient de souligner l’importance du professionnalisme qui doit être à l’œuvre. Cette annonce peut être aussi perturbante que l’annonce d’une maladie grave. La

question de l’information préalable des femmes est donc là encore essentielle. Les femmes doivent être informées que cet événement peut survenir, et qu’une image suspecte ne signifie pas forcément un cancer.

La parole du soignant lors de l’annonce a ceci de puissant : elle change en un instant le statut d’une personne. Cela la fait bas- culer d’un état de normalité à un état de pathologie ; dès lors son intimité est touchée, ses projet affectifs et amoureux, sa vie de famille, ses activités intellectuelles, ses loisirs. L’annonce du résultat d’un dépistage est de ce fait, sans aucun doute, une des étapes importantes dans l’histoire d’une patiente, justifiant que l’on se pose toujours la question de comment en amélio- rer les conditions relationnelles.

Au-delà de la nécessaire empathie, il faut également intégrer des éléments pragmatiques en se rappelant que le profes- sionnel est aussi là pour tracer des chemins concrets. C’est pourquoi l’information sur le dépistage doit intégrer les étapes éventuelles découlant de la mammographie. Il convient d’in- former sur la mise en œuvre de ces étapes et expliciter qu’elles sont nécessaires avant de pouvoir porter une conclusion fia- ble. La question posée par le groupe de travail est de savoir s’il convenait d’attendre un résultat de dépistage pour par- ler des étapes suivantes ou si l’on devait communiquer et informer dès le début de la démarche sur les éventuelles étapes à venir.

Le choix a été de plaider sur une information initiale, qui, sans rentrer dans les infimes détails, prépare les femmes aux éven- tualités et cas de figures possibles. Il faut éviter en effet de se retrouver dans une situation de défiance sous-tendue par un déficit d’information préalable. Ceci est particulièrement impor- tant quand il s’agira de proposer un geste invasif. Par ailleurs, l’évocation initiale des éventuelles explorations complémen- taires au décours de la mammographie doit permettre à la femme de s’engager ou non dans la démarche en totale connais- sance des conséquences.

Information sur les limites et incertitudes du dépistage

Dans le même esprit, a été souligné le danger qui résiderait dans le fait de laisser croire que la mammographie, y compris avec la double lecture, serait un examen fiable à 100 % et qui permettrait seul de conclure. Le groupe a ainsi souligné la néces- sité d’étayer une information sur les limites et les incertitudes du dépistage et donc sur la possibilité de faux négatifs, de can- cers de l’intervalle et de surdiagnostic/surtraitement. Le risque, le cas échéant, serait de laisser croire aux femmes concernées, mais aussi à la société, à l’efficacité totale de la démarche. La logique de la croyance au risque zéro serait à l’œuvre avec beaucoup de déconvenues à l’arrivée, de défiances, voir de contentieux, y compris juridiques. Il convient donc d’exposer les limites et de parler au grand public de la notion d’incerti- tude en médecine, notion qui recoupe l’acceptation de la notion de risque inhérente à toute pratique de soins (ici le dépistage). L’ensemble des éléments du débat doit être porté à la connais- sance de la population dans une totale transparence de la part des scientifiques et des institutions. Cette dernière, justement informée de la balance risque-bénéfice, peut alors dans une transaction sociale avec le médecin et dans le respect des prin- cipes de consentement et de protection des personnes, don- ner son assentiment ou le refuser de manière explicite. La société peut ainsi travailler à l’acceptation et la gestion collective de risques raisonnables en se fondant sur le respect d’une infor- mation explicite sur les enjeux et des aléas inhérents à toute démarche de santé, puis sur des procédures d’évaluation des pratiques reposant sur des règles de réelles indépendance et de transparence25,26.

Il s’agit d’une nouvelle étape de la pratique médicale. On accepte ici un acte technique empreint d’incertitude dont les éléments statistiques sont exposés aux patientes avec en regard les risques sur la survenue d’une pathologie.

Il apparaît également sain et responsable de rappeler à la société à travers ces éléments que la médecine, même parvenue à un haut niveau de technologie, reste exposée à l’incertitude, à la

subjectivité, en un mot, que cet art de très haut niveau est exercé par des humains et des techniques, qui ont leurs limites, contrai- rement à certaines croyances fantasmatiques sur la toute puis- sance médicale. Il faut expliciter ici la notion d’aléa qui repose en partie sur les limites actuelles des connaissances. Il concerne ce qui est imprévisible ou encore inconnu à ce jour. Il ne doit cependant pas être confondu avec l’erreur. Il convient à l’in- verse ne pas revendiquer un droit à des erreurs qui cacheraient d’authentiques fautes. Ce débat et cette évolution sur la néces- sité d’exposer les risques et les incertitudes ont déjà été consta- tés dans d’autres domaines médicaux27.

Il montre que le discours médical doit évoluer de manière res- ponsable en expliquant clairement tous ces éléments qui fon- dent une information réelle et de qualité, source d’un consen- tement valide.

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