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Une indispensable mobilisation budgétaire

Dans le document RAPPORT D’INFORMATION (Page 70-75)

C. RESTAURER L’AMBITION SPATIALE EUROPÉENNE

2. Une indispensable mobilisation budgétaire

La France est le premier contributeur des lanceurs Ariane depuis les années 1970. Selon la Cour des comptes, sur le programme Ariane 6, la France finance la moitié des 4 milliards initialement décidés2, 58 % des 431 millions d’euros décidés lors de la réunion ministérielle de Lucerne en 2016 et 69 % des 376 millions d’euros actés par le conseil d’administration de l’Agence en juin 2018. Si l’on prend en compte la totalité du secteur spatial, la France est le 2e investisseur public dans le monde après les États-Unis au regard de son PIB (0,1 %) et en dollars par habitant (41 dollars)3.

1 Comme le notaient Catherine Procaccia et Bruno Sido en 2012, dans leur rapport précité,

« l’architecture d’Ariane 5 conserve des traces de cette volonté initiale d’en faire un lanceur habitable (redondances des systèmes, allumage et vérification du fonctionnement du moteur de l’étage principal 6 secondes avant décollage...) ».

2 Dans le détail, selon le Cnes, la France contribue à 52 % au programme Ariane 6 et à 35,8 % au programme P120C, à égalité avec l’Italie. Par comparaison, l’Allemagne participe à hauteur de 23,55 % à Ariane 6 et 20,45 % au P120C. Pour Vega C, la France contribue à 12 %, contre 50 % pour l’Italie et seulement 6,98 % pour l’Italie.

3 Source : ESPI, Space policies, Issues and trends in 2017-2018, octobre 2018.

Cet effort financier pourrait être davantage partagé avec nos partenaires européens : l’indépendance d’accès à l’espace est un bien qui profite à tous les États européens, il est temps que chacun en prenne conscience !

En 2020, la France aura mis fin à sa pratique de sous-budgétisation de sa dotation à l’Agence spatiale européenne, ce qui ne la met plus en position de faiblesse lorsqu’il s’agit de plaider pour un investissement accru de la part de ses partenaires.

La Cour des comptes a ainsi suggéré l’idée intéressante, bien qu’à ce stade assez délicate à mettre en œuvre compte tenu des divergences entre les différents États membres sur la place des lanceurs, de tenter d’intégrer le financement des programmes concernant les lanceurs au sein des programmes obligatoires de l’Agence spatiale européenne, aujourd’hui limités aux programmes de recherche scientifique1.

Elle a également recommandé que nos partenaires européens, que ce soit par le biais de l’Agence ou à travers l’Union européenne, investissent davantage dans le Centre spatial guyanais. Elle estime en effet que la France continue de supporter 84 % des coûts de la base de lancement (le Centre spatial guyanais)2. Le Cnes a souligné aux rapporteurs que la Cour avait également émis l’idée de faire participer les États membres de l’Agence spatiale européenne aux charges liées à la sécurité extérieure assurée par les gendarmes et les militaires et directement prises en charge par l’État français3. Bien que cela paraisse difficile, dans la mesure où ces dépenses revêtent un caractère parfaitement « régalien », il pourrait en effet être envisagé d’ouvrir des négociations sur l’étendue du périmètre des coûts fixes pris en charge par l’Agence, incluant, dans cette hypothèse, la sécurité extérieure assurée par les gendarmes et les militaires. Cela ne peut passer que par une renégociation globale de l’Accord entre la France et l’Agence spatiale en date de 2008, qui ne sera pas à l’ordre du jour avant le prochain conseil ministériel de 2022.

1 Les contributions au budget de l’Agence distinguent deux types de programmes : les programmes obligatoires – qui concernent principalement les programmes scientifiques – auxquels tous les membres sont contraints de participer en fonction du produit national brut, et les programmes optionnels – comme les programmes concernant les lanceurs ou les satellites de télécommunications – auxquels la contribution est facultative et volontaire.

2 Sur les modalités de financement du CSG, voir l’annexe n° 7.

3 Unités du 3e REI et du 9e RIMA pour le dispositif terrestre ; dispositif maritime assuré par des patrouilleurs légers de la Marine nationale et des vedettes de la gendarmerie maritime ; dispositif aérien réalisé grâce aux hélicoptères Puma et Fennec, et une batterie d’artillerie sol-air Mistral de l’armée de terre ; renfort de gendarmes mobiles pour la protection externe des neuf points d’importance vitale (PIV), sites, inter-sites et voies d’accès du CSG. Il est tout de même à noter que l’ESA participe déjà aux 2/3 des dépenses relatives aux effectifs de la Brigade des Sapeurs-Pompiers de Paris (BSPP), mis à disposition du CSG par la préfecture de police de Paris, pour assurer la protection des personnes et des biens, ainsi que la supervision des activités à risques. Le coût de cette prestation est de 7 millions d’euros par an.

D’une façon générale, l’accord des autres États membres de l’Agence pour le déblocage de fonds supplémentaires pour le CSG est souvent difficile à obtenir en raison de la nature de l’activité du CSG, qui relève principalement de la réalisation d’infrastructures et de la maintenance industrielle. Cela suscite donc un intérêt technique et industriel moindre des États membres, comparativement aux autres programmes spatiaux (scientifiques, satellites ou lanceurs). La demande supplémentaire proposée au prochain conseil ministériel semble donc constituer un maximum difficile à dépasser à très court terme.

Au-delà de la contribution de l’Agence spatiale européenne, la principale voie de répartition des coûts serait donc une implication grandissante de l’Union Européenne, conformément à ses ambitions incarnées dans sa stratégie spatiale pour l’Europe en 2016, puis dans sa proposition de règlement sectoriel établissant le programme spatial de l’Union européenne et, enfin, dans le budget en hausse que la Commission européenne propose pour le prochain cadre financier pluriannuel. Ces crédits pourraient ainsi être utilisés pour financer le CSG. Selon le Cnes, si, à court-moyen terme, la Commission Européenne n’a pas prévu de contribution particulière à la maintenance et au fonctionnement du centre, elle pourrait financer de nouvelles infrastructures dédiées à ses programmes Galileo et Copernicus (halls de préparation, de stockage d’équipements par exemple), dans le cadre des contrats de service de lancements. Cependant, ces investissements ne changeraient pas fondamentalement les grands équilibres budgétaires. Une implication plus importante de l’Union Européenne ne pourra advenir qu’à plus long terme, après un travail de longue haleine d’appropriation par la Commission des enjeux stratégiques liés au CSG. Les rapporteurs invitent le Gouvernement à s’y employer.

Enfin, l’Onera a attiré l’attention du groupe de travail sur la nécessité d’augmenter les budgets européens de recherche et développement en amont pour le secteur spatial : « force est de constater que toutes sources de financement (nationale avec le Cnes, européenne avec l’Agence spatiale européenne et la Commission) confondues, les crédits consacrés à la R&D en Europe dans le domaine spatial, et plus particulièrement les lanceurs, sont extraordinairement faibles. Le principal souhait que l’Onera peut formuler est que ceux-ci augmentent fortement à l’avenir, et laissent davantage de place aux propositions « bottom up », si l’on ne veut plus se laisser décrocher ». C’est pourquoi les rapporteurs tiennent à rappeler les termes d’une résolution adoptée par le Sénat en août dernier, selon laquelle il convient d’« approfondir l’effort de recherche et d’innovation dans le secteur spatial et demande, en conséquence, qu’une enveloppe de 4 milliards d’euros du futur programme-cadre Horizon Europe y soit affectée ». Ces crédits supplémentaires pourraient en effet financer certaines activités de préparation du futur. Il conviendrait de s’assurer de la complémentarité de ces projets avec les

activités conduites par l’Agence spatiale européenne et par les États membres1.

La place du secteur privé mériterait également d’être renforcée.

Nous n’aurons probablement pas d’Elon Musk ni de Jeff Bezos. Mais, à nouveau, l’Europe a ici une marge de progression. Même si les investissements privés dans le spatial sont de quatre à huit fois moins élevés en Europe qu’aux États-Unis, on observe une tendance à la hausse en Europe sur les deux dernières années :

Investissements privés dans le spatial en Europe

Source : European space policy institute, Space Venture Europe 2018, février 2019

Ces investissements sont surtout concentrés sur quelques grandes opérations (cinq opérations représentent près des 2/3 des montants) et principalement le fait des fonds de capital-risque (83 %). Le Royaume-Uni, la Finlande et l’Irlande enregistrent les plus importants investissements privés. Le développement du capital-risque en France devrait permettre à notre pays de mobiliser davantage de financements privés sur le secteur spatial.

1 Par exemple, le projet Retalt (RETro Propulsion Assisted Landing Technologies) du DLR financé par l’Union européenne dans le cadre d’Horizon 2020 et qui aurait pu participer au développement des technologies réutilisables ne s’inscrit dans aucun projet préalable et devrait donc en rester au stade de l’étude.

ANNEXES

Dans le document RAPPORT D’INFORMATION (Page 70-75)