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Chapitre 1. Une diversité en œuvre qui se construit dans le temps

C. Une diversité de formes d’implication dans la coopérative

Finalement, comprendre la diversité de l’engagement dans la coopérative est essentiel pour percevoir comment les représentations individuelles entraînent une organisation collective de la diversité. L’engagement est analysé à travers le montant de la facture annuelle de l’agriculteur, qui permet de voir le nombre de matériel auquel ont adhéré les agriculteurs et leur niveau d’utilisation, ainsi que par les représentations des agriculteurs de leur implication dans la coopérative.

La question de l’engagement est ressortie comme centrale dans l’entretien avec la directrice de la FDCuma, qui se pose la question des niveaux différentiels d’implication dans la Cuma et du nombre d’adhérents au cœur de l’organisation coopérative, « est-ce que c'est 10%, 15%, 30

%, 40% des adhérents ? » et des effets que cela peut avoir sur le fonctionnement de la Cuma.

La directrice remarque que le montant de la facture n’est pas suffisant pour expliquer l’engagement des agriculteurs, mais que cet élément permet de mieux situer les pourcentages d’agriculteurs avec des grandes factures et donc beaucoup de matériel en Cuma, ce qui donne une idée de l’importance de la Cuma pour le fonctionnement de leur exploitation. Il faut néanmoins nuancer ce propos avec plusieurs réserves, pour ne pas confondre grosse facture et utilisation fréquente du matériel, car les agriculteurs avec une grande exploitation, comme une grande partie des outils sont facturés à la SAU, payent une grosse facture alors qu’ils n’utilisent pas forcément beaucoup les outils. De même, une petite facture ne doit pas être confondue avec une petite place de la Cuma dans l’exploitation, car des petites exploitations avec peu d’hectares peuvent avoir tous leurs outils en Cuma et avoir de très petites factures.

Solenne Groos – « S’organiser dans la diversité » - mémoire de l’IEP de Paris 2019 63 Les factures de 2017 étant situées entre 500€ et 12 000€ et 500€ par an, j’ai divisé les factures en 5 catégories : les factures de plus de 10 000€, entre 5 000€ et 10 000€, entre 1000€ et 5000€ et de moins de 1000€. On observe que dans les deux Cuma, la moitié des agriculteurs n’a que de très petites factures de moins de 1000€/ an à la Cuma (50% aux Deux-Monts et 53% à Puygouzon). Alors que seulement 18% des adhérents à Puygouzon et 24% des adhérents aux Deux-Monts ont des factures de plus de 5 000€. L’échantillon d’agriculteurs interrogés ne s’avère pas très représentatif à ce niveau, comme 60% des agriculteurs interrogés dans chaque Cuma avaient des factures de plus de 5000€.

Tableau 7a). Factures de la Cuma de Puygouzon (2017) Montant

factures

Total adhérents Adhérents interrogés

+ de 10 000€ 5 (= 6.94%) 3 (= 30 %) – Agriculteurs K, M, P 5 000 – 10 000€ 8 (= 11.11 %) 3 (= 30 %) – Agriculteurs N, O, T 1 000 – 5 000€ 21 (= 29.16 %) 3 (= 30 %) – Agriculteurs L, Q, S - de 1 000€ 38 (= 52.78 %) 1 (= 10 %) – Agriculteur R Total adhérents 72 10

Tableau 7b). Factures de la Cuma des Deux-Monts (2017)

Effectivement, on constate que les adhérents interrogés contribuent de manière importante aux factures totales de la Cuma. Ainsi les factures des 10 adhérents interrogés à Puygouzon représentent 35.11% des factures totales sur 72 adhérents. Sur notre échantillon, les factures de matériel se superposent avec les perceptions d’implication en Cuma. Sur la Cuma de Puygouzon, les agriculteurs K, M, P, qui ont les factures les plus importantes, sont tous trois fils de membres créateurs de la Cuma et impliqués depuis qu’ils sont petits dans la vie de la coopérative. Ils sont tous au conseil et responsables de plusieurs outils, et l’agriculteur M est le président de la Cuma.

La même tendance se retrouve dans la Cuma des Deux-Monts, où les agriculteurs A et B sont respectivement le trésorier et le président et à la Cuma. Seul l’agriculteur E se distingue, alors qu’il a une facture importante il dit ne pas être très impliqué dans la Cuma et ne connaît

Montant factures Total adhérents Adhérents interrogés + de 10 000€ 5 (= 8.6 %) 3 = 30 % - Agriculteurs A, B, E 5 000 – 10 000€ 9 (= 15.5 %) 3 = 30 % - Agriculteurs D, G, J 1 000 – 5 000€ 15 (= 25.9 %) 3 = 30 % - Agriculteurs C, F, H - de 1 000€ 29 (= 50 %) 1 = 10 % - Agriculteur I Total adhérents 58 10

Solenne Groos – « S’organiser dans la diversité » - mémoire de l’IEP de Paris 2019 64 pas par exemple, tous les membres du conseil. Aux Deux-Monts comme à Puygouzon, les agriculteurs avec une facture entre 5 000 – 10 000€ sont aussi des agriculteurs impliqués depuis longtemps et qui participent ou ont participé au Conseil d’Administration. L’agriculteur O se distingue cependant, car même s’il est responsable de son groupe de maïs semences, il se sent moins impliqué dans le reste de la Coopérative. Pour les factures de 1000 - 5000€ dans les deux Cuma, les agriculteurs se disent plus ou moins impliqués dans la vie de la Cuma, sans faire pour autant partie du conseil. Il s’agit soit de grandes exploitations, qui ont une grande partie du matériel en copropriété, soit pour la plupart, de structures petites ou moyennes qui ont une utilisation moins fréquente de matériel. Les deux agriculteurs qui ont des petites factures petites de moins de 1000€ suivent un schéma similaire, l’agricultrice I aux Deux-Monts a une petite exploitation et que peu de matériel, alors que l’agriculteur R a beaucoup de matériel en propriété. Les deux ne connaissent pas très bien les autres adhérents de la Cuma et disent qu’ils n’y passent que peu de temps. Cela ne veut pas dire qu’ils n’ont pas besoin de la Cuma mais plutôt qu’ils priorisent d’autres réseaux d’échanges, mais peuvent tout de même être dépendants de l’utilisation du matériel en Cuma, même si de manière plus ponctuelle.

Pour revenir aux propos de la directrice de la FDCuma en début de cette partie, on peut noter que ces deux Cuma, même si elles un nombre important d’adhérents, s’organisent autour d’un noyau central d’adhérents très impliqués, avec d’autres adhérents qui gravitent autour et qui utilisent plus ou moins fréquemment le matériel. Les différences de dépendance de la Cuma et d’implication dans la coopérative influencent ainsi l’organisation collective. Ces dynamiques de participation créent une complexité d’interrelations qui contribue à l’organisation collective de la diversité en Cuma.

En résumé, les représentations de la diversité au niveau individuel et collectifs sont influencées par des évolutions historiques, les combinaisons de stratégies sociotechniques des exploitations et la diversité des formes d’implications en Cuma.

Solenne Groos – « S’organiser dans la diversité » - mémoire de l’IEP de Paris 2019 65

Chapitre 2. Faire ensemble, malgré ou