• Aucun résultat trouvé

Un questionnement des ressources des professeurs

Recherches sur l'enseignement des mathématiques et équipes de professeurs associés à l'INRP : genèses de ressources et de réseaux

2. Un questionnement des ressources des professeurs

2006. Quelles ressources pour l’enseignement des mathématiques ? (Trouche et al. 2006) : La résolution de problèmes, Les développements curriculaires, Les instruments et les dispositifs dans les environnements informatisés.

2007. Ressources pour l'enseignement des mathématiques : conception, usage, partage (Trgalová et al. 2007) : Démarche scientifique, Conception et/ou usage d‟outils technologiques, Production de ressources/documents pour enseignants, Usages et mutualisation de ressources.

2008. Ressources pour l'enseignement des mathématiques : conception, usage, partage : Rôles des modèles, Qualité des ressources, Observation des usages, Des groupes d'utilisateurs aux communautés de pratique.

2009. Ressources pour l'enseignement des mathématiques dans tous les états, de la conception à la diffusion : Conception - devenir des ressources, Qualité des ressources, Conception – utilisation de ressources et formation des enseignants.

2010. Apprendre, enseigner, se former en mathématiques : quels effets des ressources ? Démarches d‟investigation, Usage des technologies, Critères de qualité pour la conception et les usages.

Tableau 4. Programme des 5 journées mathématiques de l’INRP15

Cette réflexion sur les ressources ne se déroule pas in abstracto, elle est menée en relation avec les évolutions curriculaires (la résolution de problèmes, la démarche scientifique, les démarches d‟investigation), mais elle structure les échanges de ces journées, et questionne les interactions entre conceptions, modèles, usages et effets des ressources.

- pour Margolinas et Wozniak, un document, conformément à l‟étymologie, désigne tout ce qui enseigne et renseigne un professeur pour l‟élaboration de son cours ;

- pour Gueudet et Trouche, la notion de « document » est proposée pour bien distinguer ce qui relève du donné, les ressources disponibles pour le travail des professeurs, et ce qui relève du construit, les documents donc, entités mixtes composées de ressources retravaillées et des connaissances professionnelles qui pilotent, et sont produites par, ce travail sur les ressources

L‟approche instrumentale avait permis, en distinguant artefact et instrument, de mettre en évidence ce qui était en jeu dans le processus d‟appropriation d‟outils pour apprendre ou enseigner ; la distinction entre ressources et documents prolonge cette approche, en élargissant le point de vue sur ce qui nourrit le travail du professeur : des artefacts, des manuels, mais aussi les copies d‟élèves, des ressources en ligne (dont le nombre et les usages augmentent à grande vitesse), les échanges avec des collègues… Elle s‟intéresse aussi à des processus conjoints d’instrumentation (une ressource appuie, oriente le travail du professeur) et d’instrumentalisation (le professeur met la ressource « à sa main »). Elle sera largement exploitée dans les études ultérieures sur les ressources du professeur.

2.2 Un questionnement ressources « typique » des équipes de l’INRP

Les équipes associées à l‟INRP partagent deux caractéristiques : leur réflexion est nourrie par le travail conjoint professeurs/chercheurs (et donc elle est très sensible à ce qui nourrit et est produit par le travail de la classe) ; cette réflexion est supposée déboucher sur la production de ressources pour les formateurs et les enseignants (ressources pour la classe, ressources pour penser l‟enseignement ou analyser les apprentissages qui en résultent ; ressources pour comprendre les phénomènes didactiques pérennes ou émergents…).

Ce caractère hybride des équipes, orientées vers la production de ressources pour l‟enseignement et la formation, apparaît bien dans les réponses à l‟une des interrogations du questionnaire proposé avant ces journées : « Vous participez à plusieurs collectifs professionnels (ensemble des professeurs de math de votre établissement, IREM, APMEP, IUFM, équipe INRP…) comment situer leur intérêt, leur apport spécifique ? », par exemple cette réponse :

« Avec l'ensemble des professeurs de maths de l'établissement… l'intérêt est le contact quasi immédiat et régulier. L'apport réside dans l'échange d'impressions concernant les acquis des élèves, et l'échange de « trucs et astuces » du quotidien. Avec l'IREM, je suis amené à réfléchir plus en profondeur sur les contenus… L'organisation de formations demande un travail bien plus nourri qu'une préparation de cours. On côtoie des personnes qui ont déjà tout un vécu dans la formation, et les échanges d'idées sont plus importants qu'entre collègues du même établissement. Enfin l'INRP m'a fait découvrir la didactique. C'est l'endroit où je pense progresser le plus dans ma façon de penser le métier, et l'endroit qui me donne le plus de pistes pour modifier mon enseignement en l'enrichissant » (AR).

Ce questionnement ressources a évolué depuis 5 ans ; cette évolution est nourrie par des facteurs externes au réseau INRP, et des facteurs internes :

- les facteurs externes, c‟est essentiellement le développement du numérique. « Tout » est numérique (la plupart des ressources ont désormais une version numérique, souvent la plus aisément accessible), donc la sémantique des technologies s‟estompe par rapport à la sémantique plus générale des ressources. Le foisonnement de ressources en ligne impose de ne pas s‟intéresser qu‟aux ressources que l‟on produit soi-même, mais aussi aux ressources largement disponibles pour les enseignants. Les travaux des équipes combinent souvent les deux regards, ainsi l‟équipe GDoN16, qui s‟intéresse à la fois à la conception d‟un site, l‟e-cureuil17 et à l‟analyse de la clé USB, « clé pour démarrer »18, portail de ressources, que le ministère distribue à tous les nouveaux enseignants ; - les facteurs internes, ce sont les dynamiques propres des équipes, dans un système fortement interconnecté (IREM, IUFM, INRP…), comme en témoigne la réponse de AR, professeur associé cité ci-dessus. En regardant la genèse des concepts, on peut remarquer que certaines équipes ont joué un rôle pionnier, comme le SFoDEM (2000-2006), qui a achevé ses travaux au moment où les journées mathématiques de l‟INRP prenaient leur essor. On trouve (Guin et al. 2008), dans les résultats de cette équipe (partenariat IREM de Montpellier-INRP), des résultats clés (par exemple

16 GDoN pour Genèses Documentaires des nouveaux enseignants,

http://educmath.inrp.fr/Educmath/recherche/equipes-associees/gdon/. Le site que développe ce groupe, l‟é-cureuil, a un nom qui est – presque - anagramme de e-recueil, manifestant bien l‟importance des ressources en ligne pour constituer les nouveaux recueils de ressources des professeurs.

17 http://www.e-cureuil.fr/php5/

18 http://www.educnet.education.fr/contenus/dispositifs/priorites/cle-usb

« pas d‟usage sans conception », mettant en évidence le rôle de concepteur de tout professeur), des notions clés (les germes de ressources pour initier un processus de conception ; les modèles, comme langage commun nécessaire pour les concepteurs et les utilisateurs, les démarches qualité, la notion de parcours et d’assistant méthodologique). On trouve aussi une réflexion sur le rôle de la communication à distance (sa puissance pour pousser à l‟explicitation des démarches, son insuffisance pour engager un réel travail collaboratif), et sur l‟articulation entre la conception de ressources, la collaboration entre pairs et le développement professionnel.

On peut, plus généralement, étudier les interactions entre les équipes associées à l‟INRP de plusieurs façons :

- d‟abord en mettant en évidence, dans chaque répertoire de ressources, des notions clés. On trouve ainsi (Figure 2), pour e-CoLab, la notion de modèle de ressources, héritée du SFoDEM, mais avec une réflexion propre sur les éléments libres, et les éléments liés à l‟intérieur de ce modèle (on trouve par exemple la notion de duo qui associe de façon indissoluble une fiche élève et un fichier

informatique, Aldon et al. 2008) ; Figure 2. Un réseau d’équipes et de ressources associées - ensuite en retournant le graphe, et en mettant en

relation les notions clés avec chacune des équipes qui les ont portées. On constitue ainsi un réseau (Figure 3), avec des nœuds, comme par exemple la notion de parcours, qui est utilisée dans Pairform@nce (parcours de formation) ou dans Ampères (parcours d’étude et de recherche). On pourrait alors confronter la sémantique de cette notion, dans chacun de ses habitats19 ;

Figure 3. Un réseau de concepts

- enfin en suivant la genèse d‟une ressource au fil de son appropriation par des équipes différentes.

Par exemple (Figure 4) une ressource de l‟équipe EXPRIME (Aldon et al. 2010) a été exploitée par l‟équipe Pairform@nce pour réaliser un parcours de formation ; dans ce mouvement d’instrumentalisation (la ressource est utilisée pour autre chose que prévu par ses concepteurs initiaux), la ressource évolue, elle sera transmise ensuite à d‟autres, etc.

Figure 4. Un processus interactif

2.3 Un travail sur les ressources qui suscite un faisceau de questions

Ces questions apparaissent en filigrane dans les travaux des équipes, on les a aussi retrouvées dans les ateliers et les conférences de ces journées :

- des questions au niveau du processus de conception : la participation d‟enseignants « de terrain » aux équipes de professeurs associées résout-elle complètement la question de la relation au terrain ? Comment s‟assurer, comme le dit M. Bosch dans sa conférence, que les équipes de professeurs associés ne sont pas « en surplomb » du travail des professeurs ordinaires ? Comment se nourrir de la créativité du travail quotidien des professeurs ?

- des questions au niveau de l‟appropriation : il ne s‟agit pas de concevoir ou de prendre des ressources clés en main, mais bien de prendre la main sur des ressources. Comment faire évoluer les ressources au fil des usages (comme le disait M. Maschietto dans sa conférence : « Changer ce qui est prévu pour saisir l‟occasion ») ?

- des questions au niveau des modèles de ressources : quels sont les éléments génériques ou spécifiques dans les modèles de ressources conçus par les différentes équipes ? Ces modèles sont-ils évolutifs ou structurants ? Des modèles agglomèrent-sont-ils des pièces séparables, ou solidaires ? Des ressources proposent des exemples : qu‟entend-on par exemples riches (vs significatifs), pour qui ?

19 Pour le travail réalisé par l‟équipe INRP-Pairform@nce, voir (Soury-Lavergne et al. 2009), pour le projet Ampères, voir (Matheron 2008)

- au niveau des usages des ressources : qui atteste de ces usages ? Le professeur lui-même, pour le temps seul de la mise en œuvre (via un compte rendu d‟usage), ou sur le temps long de l‟appropriation (via un journal de bord) ? Un observateur extérieur (un chercheur, ou un pair) ? Des observations singulières ou croisées (des professeurs s‟observent l‟un l‟autre pour la mise en œuvre d‟une même ressource initiale dans leurs classes respectives) ?

Les réponses à ces questions, dans les différentes équipes, sont variées et évolutives. Les confrontations de ces réponses sont certainement des moments essentiels des ateliers de ces journées.