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d’une avant-garde explosive à son élimination ?

B. Du constructivisme à l’élimination de l’avant-garde

2) Un nouvel état d’esprit : le constructivisme

transformant de fait la fonction de l’artiste en constructeur.

2) Un nouvel état d’esprit : le constructivisme

Le vocable de « constructivisme » désigne les réalisations d’une nouvelle tendance de l’art moderne qui prend racine dans l’art non-objectif et dans les contre-reliefs de Tatline dès 1914. De plus, il renvoie à la notion de construction et correspond à l’idée de l’artiste envisagé comme un constructeur ingénieur réalisant un travail utile. En 1918, dans le journal l’Art de la Commune, le critique Ossip Brik écrit que « l’artiste n’est pas

seulement un constructeur et un technicien mais aussi un superviseur et un contremaître ».168

Cependant, nous devons relever que le terme de constructivisme n’apparaît véritablement qu’en 1921 sous l’impulsion de Rodtchenko qui forme le « Groupe de travail de l’analyse objective », premier groupe de travail des constructivistes. Cet organe, rattaché à l’Inkhouk, doit s’interroger sur le sort de l’art dans la nouvelle société bolchévique.

Le constructivisme trouve son expression dans l’œuvre de Vladimir Tatline, d’Alexandre Rodtchenko, de Vladimir Lebedev, des frères Gueorgui et Vladimir Stenberg. Ce nouveau langage plastique se fonde sur le principe de la forme utilitaire et non plus sur celle de la forme pure recherchée par Malevitch. En outre, il implique le rejet de la beauté dans l’art.

Pour Rodtchenko et son groupe de travail, l’art est le produit de l’ère industrielle. Dans cette optique, les constructivistes franchissent la voie menant de la composition à la construction. Selon eux, le temps n’est plus à la création de concepts philosophiques mais à la production d’objets matériellement utiles à tous. Ainsi l’art s’inscrit dans une logique utilitaire devant avant tout répondre aux besoins de la société nouvelle. Ce langage esthétique s’oppose à la conception artistique de Kandinsky et Malevitch qui font de l’art moderne un art de laboratoire.

                                                                                                               

D’autre part, Rodtchenko et ses adeptes reprochent à Kandinsky sa vision mystique et métaphysique de l’art ainsi que son approche émotionnelle. Selon Andreï Nakov, spécialiste de l’avant-garde russe :

« Le constructivisme est une Réaction à l'esthétisme philosophique de la première

abstraction (1910-1915), le constructivisme se caractérise par une opposition « matérialiste » aux théories trop métaphysiques du « spirituel dans l'art » de Kandinsky, du mysticisme de Malevitch et de la théosophie de Mondrian.»169

De fait, la fraction constructiviste de l’Inkhouk vote une motion le 24 novembre 1921 et se prononce en faveur de l’élimination de l’art pur donc de l’art inobjectif. Elle dénonce le programme de Kandinsky lequel quitte l’Inkhouk et part enseigner au Bauhaus.

Il faut mentionner que les premières positions esthétiques du constructivisme prennent naissance dans le Manifeste réaliste de 1920 des frères Pevsner et Gabo. Placardant leur thèse dans les rues de Moscou, ces deux sculpteurs défendent l’idée d’un art anti-esthétique lié à la production, résultat du travail de l’ingénieur. De plus, ils préconisent la transparence dans la construction de leurs sculptures, refusent le volume statique et la masse, privilégiant les volumes ouverts sur l’espace. Selon eux, le principe de la transparence renvoie à la création d’une société sans classes qui tend à un monde nouveau.

Ils établissent deux concepts constructivistes dans ce texte. Le premier réside dans la tektonika qui est que le principe dynamique de l’oeuvre devient la construction. Le second principe se situe dans la faktura qui équivaut à la base matérielle de l’œuvre. Marcella Lista écrit à ce propos:

« La notion de Faktura, héritée de la peinture moderne, autrefois synonyme

d’une marque individuelle de l’artiste, désigne désormais, non le traitement de la surface mais la mise en forme du matériau lui-même. » 170

                                                                                                               

169 NAKOV, Andreï, « Constructivisme » in Encyclopædia Universalis [en ligne], consulté le 24 août 2016.

URL : http://www.universalis.fr/encyclopedie/constructivisme/

170 LISTA, Marcella, 2011, « Forme et transformation : le projet constructiviste de l’avant-garde russe après la

Deus expositions présentent les travaux des constructivistes. La première a lieu en mai 1921 et prend pour titre l’Obkhomou. Elle dévoile les sculptures en suspension de Rodtchenko et les constructions architectoniques des frères Stenberg. Dans la seconde exposition intitulée « 5 x 5= 25 » qui se déroule en septembre 1921, Rodtchenko annonce la mort de la peinture de chevalet avec la présentation des ses trois monochromes

Jaune pur, Bleu pur, Rouge pur.

En 1922 Alexandre Gan (1887-1942), théoricien du constructivisme, affirme dans

Manifeste du constructivisme que « L’art est mort » et annonce la primauté des techniques

modernes.

Nous devons insister sur le fait que le constructivisme n’est pas un style artistique mais un nouvel état d’esprit réunissant des artistes animés par une conception matérialiste de l’art. Ils désirent la création d’un art industriel et ambitionnent d’atteindre au projet social de fusionner l’art et la vie. Toutefois cette fusion s’opère en fonction de l’idéologie du gouvernement socialiste répondant à des critères sociaux marxistes. Ainsi, les divergences artistiques entre Malevitch et Tatline concernant l’activité créatrice apparaissent essentielles dans le contexte politique et social de l’époque puisqu’elles mettent en lumière les véritables intentions présentes et futures du gouvernement bolchevik en matière d’art et annoncent la fin de l’avant-garde russe.