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Un effet attentionnel de la trame sonore?

4. Discussion générale

4.1.2. Un effet attentionnel de la trame sonore?

C’est dans cette optique que la deuxième expérimentation de notre étude sur la MMN a été conduite. Nous avons tenté de déterminer si un effet attentionnel pouvait être à l’origine de la diminution d’amplitude constatée avec la présentation de la trame sonore. Les effets de l’attention sur la MMN ont généré un chaud débat au cours des dernières décennies (pour une revue de la littérature, voir Sussman, 2007). À l’origine, la MMN a été décrite comme relevant d’un processus automatique dont le mécanisme générateur opérerait indépendamment de l’attention (Näätänen, 1990). En outre, la MMN serait évoquée lorsque le participant ne porte pas attention à la stimulation auditive visant à évoquer cette composante. Mais cette affirmation a rapidement été critiquée (Hillyard & Woldorf, 1991), certains chercheurs argumentant que l’attention était susceptible d’interférer avec l’enregistrement de la MMN, ce qui aura généré un important nombre d’études visant à évaluer les effets de l’attention sur la MMN, notamment par l’entremise de paradigmes expérimentaux d’écoute dichotique (Alain & Woods, 1997; Näätänen et al., 1993; Oades & Dittmann-Balcar, 1999; Woldorff et al., 1991) et de manipulations du niveau de difficulté de tâches de distraction (Alho et al., 1992; Dittmann-Balcar et al., 1999; Harmony et al., 2000; Kathmann et al., 1999; Kramer et al., 1995; Muller-Gass et al., 2006; Otten et al., 2000; Yucel et al., 2005; Zhang et al., 2006). Toutefois, les résultats obtenus ont été fréquemment contradictoires, l’amplitude de la MMN étant parfois réduite ou augmentée par les manipulations attentionnelles alors que, dans certains cas, aucun effet de l’attention n’était constaté, ne permettant donc pas d’en arriver à un consensus quant aux effets de l’attention sur la MMN.

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Dans ce contexte, il apparait pertinent de se questionner quant au fait que la diminution d’amplitude constatée sur la MMN lors de la présentation de la trame sonore d’un film puisse être attribuable aux effets de l’attention. En effet, la présentation de la trame sonore contribue à diriger l’attention du participant vers la modalité auditive, où sont également présentés les sons visant à évoquer la MMN, alors que dans la condition où l’on présente un film sous-titré, l’attention du participant est au contraire dirigée vers la modalité visuelle, où le film prend tout son sens par l’entremise des sous-titres. Ainsi, il peut être envisageable que l’attention puisse être responsable de la diminution d’amplitude constatée avec la trame sonore d’un film.

Toutefois, les résultats de notre seconde expérimentation ont démontré qu’il était fort peu probable qu’un effet attentionnel soit responsable de la diminution d’amplitude constatée lors de la présentation de la trame sonore d’un film. De fait, nous avons présenté un film sous- titré dont la trame sonore était présentée à l’envers, le principe étant que lorsque la bande sonore est passée à l’envers, toute l’information spectrale et l’enveloppe d’intensité sonore demeurent les mêmes mais le contenu sémantique est retiré. Le participant se voit alors incapable de comprendre le sens de la trame sonore et doit donc rediriger son attention vers la modalité visuelle pour consulter les sous-titres afin de suivre le film. La trame sonore agit alors comme un bruit dénué de sens qui, on peut facilement l’imaginer, contribue à encourager le participant à ignorer l’information transmise dans la modalité auditive, soit la trame sonore inversée et les sons visant à évoquer la MMN. Ainsi, si un effet attentionnel est responsable de la diminution d’amplitude de la MMN constatée lorsque nous présentons la trame sonore d’un film, le fait de rediriger l’attention vers la modalité visuelle en présentant la trame sonore inversée devrait permettre d’observer une MMN d’amplitude normale. Or, nos résultats ont

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démontré un effet similaire de la trame sonore inversée comparativement à la trame sonore à l’endroit, avec une diminution d’amplitude de la MMN. Étant donné que l’amplitude de la MMN demeure réduite même lorsque l’attention du participant est redirigée vers la modalité visuelle, il apparait donc clair que l’enregistrement de la MMN lors de la présentation de la trame sonore d’un film est perturbé par un autre genre d’effet d’interférence que l’attention.

Par ailleurs, nos résultats ont également démontré que la trame sonore inversée semble affecter la MMN légèrement différemment de la trame sonore normale. De fait, l’amplitude de la MMN s’est révélée davantage diminuée avec la trame sonore inversée pour les petites différences comparativement aux grandes différences de hauteur. Cela suggère que la trame sonore inversée interfère davantage avec le processus de discrimination des petites différences tonales que la trame sonore présentée à l’endroit et qu’elle affecte donc de manière plus marquée le mécanisme générateur de la MMN pour les petites différences tonales. En contrepartie, on pourrait aussi argumenter que les petits changements de hauteur sont plus difficilement perceptibles et qu’ils génèrent une MMN de plus petite amplitude dont le signal ERP est généralement plus bruité. Ils sont donc plus susceptibles de générer davantage de variabilité dans les résultats lorsqu’un bruit tel que la trame sonore d’un film vient interférer avec les sons visant à évoquer la MMN. Ainsi, l’effet statistique marginal observé sur l’amplitude de la MMN pour les petites différences de hauteur avec la trame sonore inversée pourrait simplement être attribuable à l’augmentation du bruit dans le signal ERP provoquée par la diminution du niveau de perceptibilité des petites différences sonores par rapport à la trame sonore du film.

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Néanmoins, nonobstant la diminution plus marquée de l’amplitude de la MMN pour les petites différences de hauteur avec la trame sonore inversée, la MMN est demeurée globalement diminuée avec la trame sonore. Elle est, malgré tout, apparue tout à fait mesurable et a conservé ses caractéristiques de base en termes de latence et de topographie. Ainsi, en considérant le fait que la trame sonore inversée ait permis de rediriger l’attention des participants vers la modalité visuelle, soit le film sous-titré, et donc à l’écart des sons visant à évoquer la MMN, et que la diminution d’amplitude de la MMN ait tout de même persisté, il est donc apparu clair qu’un facteur autre que l’attention ait interféré avec l’évocation de la MMN.

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