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UN E AMICALE LAïQU E

Dans le document L'Educateur n°1 - année 1966-1967 (Page 36-39)

par Bambi Jugie

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Sentir que peu à peu, chacun t1·ouve un prétexte pour revenir un moment à l'école ; que les veillées réunissent - même quand il gèle à pierre fendre - entre 20 et 30 copains; qu'on n'arrive pas à se décider à rentrer;

en un mot qu'on est tous vraiment heureux de se retrouver, voilà de quoi vous faire oublier et la fatigue et les soucis.

Pourtant j'ai bien cru qu'on n'allait pas y arriver. Comme c'est dur, comme c'est long à établir les contacts avec des adolescents que l'on ne connaît pas.

En arrivant dans le poste, elle existait cette Amicale d'anciens élèves. Pour nous, les nouveaux maîtres, rien à mettre dans la balance. Les institu-teurs que nous remplacions étaient dans le village depuis'27 ans et venaient d'y prendre leur retraite. C'est dire que tous les souvenirs, tous les moments évoqués, pour les jeunes-jeunes de 15 ans et pour les moins jeunes de 30 ou 70 ans, ne nous concernaient pas. Puis d'ailleurs «tu ne la continueras peut-être pas l'Amicale; tu sais depuis une dizaine d'année je ne faisais plus de théâtre. Le cinéma ne rendait plus.

Enfin lu peux toujours voir))' a dit le maître de 1965 à son successeur de 1966. Et nous avons essayé. Il a fallu tout apprendre : les anciens élèves auxquels se sont joints des amis de l'école, ça ne s'aborde pas tout à fait comme les élèves. Le chemin qui nous mène vers les adolescents est tout en nuances. Il ne s'agit pas d'être l'intrus. Laissons venir: ils nous sont venus, gardant pour eux à voix basse, derrière notre dos, les souvenirs de leur vie d'écolier. Ils (et elles) cha-hutaient, qui avec le xylophone, qui avec nos pots de peintures. J'ai failli me mettre en colère et puis j'ai compris ce que ces gestes pouvaient avoir de

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défoulement pour eux. Mais le plus sérieusement possible, en leur parlant de leur métier, j'ai essayé de leur expliquer le résultat de leur compor-tement: «Tu sais, l'école, ce n'est pas de la rigolade! Les bêtises que tu viens de faire, il faudra que· je les répare, demain matin, mm nt la classe! C'est comme toi, si quelqu'un venait faire des saletés dans ton ciment >>.

Mais c'était faire tout de même une différence entre eux et nous ! Ça a commencé à mieux aller, du jour où ils se sont vraiment sentis utiles, concernés. Tous voulaient refaire du théâtre et que l'on reprenne le cinéma.

En paroles? Nous allons bien voir.

Nous voilà organisés en commissions de volontaires. Les pièces à jouer sont choisies en commun après une soirée consacrée à cela. Ils•. prennent les rôles selon leur goût. La program-mation de cinéma est établie aussi par eux-mêmes. Et petit à petit nous nous déchargeons du travail de tré-sOt·erie et de secrétariat. A mesure les langues se délient. Les velléités des chahuteurs se calment. Je n'ai même plus à nettoyer la classe. Ils s'en sont chargés tout seuls. Il y a 15 jours, ils s'étaient tous éclipsés au moment des rangements. Auraient-ils saisi qu'on est là «ensemble» pour le meilleur et pour le pire? Les réu-nions sont vraiment «leurs» affaires.

Les revoilà encore ce soir : « On vient pour faire les programmes, pour la fête.

On voudrait faire du lino et de l'impri-merie comme les petits».

Et c'est vrai qu'ils en avaient envie.

Je sens mon cœur fondre à voir les grosses mains habituées aux travaux des champs ou aux rudes métiers du bourg, installer avec amour les trop fines lettres dans les composteurs.

Jojo (30 ans) a terminé une fleur en lino, fleur raide et tant symétrique

aprés l'école

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qu'elle n'aurait jamais poussé même sous le crayon d'un élève peu doué.

Mais fleur qui fait briller les yeux de tous et qu'il veut encrer lui-même : la tige bien verte, les pétales bien bleus. Et on va décorer la salle ; on fait des mobiles avec des papiers de journaux et des cartons. ·«Ça fait peut-être pas si bien que des guirlandes.

Mais c'est de nous». Les quelques chants appris en commun sont un souvenir bien à nous. Les décors et les costumes, nous les avons inventés ensemble. Les répétitions ressemblaient pour les discussions à une réunion de coopé de la classe.

FIN D'ANNÉE : LE MEILLEUR.

Après une journée, où presque tout le village avait défilé pour l'exposition des travaux d'élèves, je me prépare à fermer la porte à clef. Une bande de nos jeunes, à grands renforts de pétarades (Ah ! ces motos rouges, je les ai bien maudites, certains soirs, où elles me réveillaient les enfants qui

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après l'école

nous cherchaient partout, en vain, dans la maison!) m'oblige _à remiser ma cé-ramiques, ils palpent les tapisseries, ils tournent et retournent les maquettes.

- Tiens, vois donc Gérard, ça y est, voudraient, pourraient rester pour en reparler après. Nous étions seuls, tous

Cela nous a encore rapprochés : dormir

«dans ces lits à étages>> à l'Auberge len-demains nous apparaissent prometteurs car nous savons que chacun de nous est responsable de ce qui s'y fera.

BAMBI JuGIE

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