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III. Outils d’évaluation en écotoxicologie

III.1. Typologie des stratégies de caractérisation des effets en écotoxicologie

Dès le début des années 70, se posait la question d’un risque croissant pour la santé et l’environnement lié au développement de l’industrie chimique, et qui au milieu du 20ème siècle apparaissait comme la clé de l’amélioration des conditions de vie (Forbes & Forbes, 1997). Il soulignait déjà les besoins de connaissances et de recherche sur le devenir et les effets des produits chimiques dans l’environnement. Bien que des améliorations soient encore à apporter, les concepts et la démarche en écotoxicologie sont maintenant largement intégrés dans les mesures visant à contrôler les apports de contaminants chimiques dans les milieux. Ils fondent en partie la réglementation de mise sur les marchés des substances chimiques, des pesticides, des substances pharmaceutiques à usage humain et vétérinaire, ainsi que la gestion des milieux récepteurs (normes de rejets, normes de qualité environnementale) (pour informations supplémentaires voir Rapport 5e journée de la ZABR, 2009 ; thèse de C. Boillot, 2008).

L’écotoxicologie, la science qui étudie les impacts des agents polluants sur la structure et le fonctionnement des écosystèmes, développe des outils et des méthodologies qui permettent une caractérisation à la fois des dangers et des sources de pollutions (prévention sur le milieu), mais aussi de l’impact sur les milieux récepteurs (qualité des milieux, compréhension du lien pression-impact). Les outils disponibles pour l’évaluation des risques écotoxicologiques sont de trois types : les bioindicateurs, les bioessais et les biomarqueurs.

La majorité des études menées se basent principalement sur des approches prédictives qui reposent sur l’exposition à des contaminants en conditions contrôlées de modèles biologiques (bioessais), caractérisés par différentes échelles d’organisation biologique, depuis la cellule (test in vitro) à la communauté (mésocosme), en passant par des organismes in toto (tests mono et multi spécifiques). L’évaluation du risque se fonde à la fois sur l’évaluation de l’exposition des organismes aux substances, mais également sur l’évaluation du danger biologique. Dans les deux cas, elle repose sur des données issues de modèles, qu’il s’agisse de modèles physicochimiques (transports, transformations, transferts, relation structure-activité) ou de modèles biologiques (récepteurs moléculaires, cellules, organismes) qui conduisent au calcul d’une concentration prédite dans

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l’environnement (Predicted Environmental Concentration, PEC) et d’une concentration prédite sans effet toxique (Predicted Non Effect Concentration, PNEC).

Cette caractérisation des effets écotoxicologiques peut être réalisée selon deux types d’approches : l’approche substances et l’approche bioessais (figure 11). L’approche substance, qui examine différents paramètres de mesure, considère l’analyse physico-chimique de la matrice agressive (déchet, effluent) et se base sur les différents polluants (plomb, PCB, chlore, etc.) qu’elle contient, tandis alors que l’approche bioessais prend en compte la matrice comme une entité globale.

Chacune de ces deux approches (ou stratégies de caractérisation des effets) peut se subdiviser en deux sous stratégies :

- L’approche « substances », comprenant l’approche « substance seule » qui considère les effets de chacun des agresseurs de manière indépendante, et l’approche « substances avec effets combinés » qui se base sur l’ensemble des toxiques identifiés et considère leurs effets combinés.

- Les approches « bioessais », comprenant les « bioessais mono-spécifiques » qui visent un groupe défini d’individus et les « bioessais plurispécifiques » qui se définissent sur des niveaux d'organisation biologique plus élevés de type communauté. Les bioessais s’appuient sur de nombreuses espèces, tant animales que végétales, ainsi que sur de nombreux critères de mesure d'effets (mortalité, inhibition de croissance, immobilisatio etc.). Ils sont désormais normalisés.

Figure 11 : Les différentes stratégies de caractérisation des effets (thèse C. Boillot, 2008).

Cette caractérisation nécessite de choisir les processus à simuler et de hiérarchiser les phénomènes que l'on souhaite modéliser. La qualité des résultats produits s'en trouve fortement affectée et l'utilisation de différents modèles d'analyses peut souvent conduire à l'obtention de résultats différents et difficiles à interpréter (Devillers et al., 2000). De plus, compte tenu de la grande diversité des espèces animales et végétales dans les écosystèmes aquatiques naturels (producteurs primaires, consommateurs primaires et secondaires, décomposeurs), et du fait de la complexité des diverses

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biocénoses présentes dans ces écosystèmes, le choix des espèces modèles utilisées au laboratoire est particulièrement complexe pour être représentatif de ces diverses biocénoses.

En pratique, il n’est pas envisageable de réaliser des expérimentations sur l’ensemble des espèces et dans ces conditions, le choix des espèces considérées ne peut résulter que d’un compromis entre représentativité et faisabilité. Par ailleurs, de multiples facteurs influent sur la sensibilité des organismes vivants tels que, la composition du milieu d’essai, le rapport biomasse-volume, les conditions de température et d’éclairement et les conditions d’exposition des organismes (condition de réalisation de l’essai, mode de préparation de l’échantillon). En outre, deux paramètres majeurs sont à prendre en considération : la nature des effets toxiques étudiés et la durée de l’essai.

De manière générale, l’expression des perturbations dans le milieu, quel que soit le niveau d’organisation biologique concerné (organisme, population, communauté), est la conséquence d’interactions complexes qui ne peuvent pas aujourd’hui être simulées au laboratoire. La capacité à établir des diagnostics sur l’intensité, voire la cause (source, type de contamination) des perturbations biologiques induites par des stress chimiques in situ a été et reste une problématique de recherche récurrente en écotoxicologie. D’autre part, se pose la question de la pertinence de ces outils biologiques pour corréler les impacts de pollutions environnementales récurrentes sur la santé humaine. Dans ce sens, il est essentiel de prendre en compte une approche d’étude pluridisciplinaire permettant de mieux appréhender les mécanismes d’action qui peuvent avoir lieu et qui parfois sont différents d’une espèce à l’autre, afin de mieux caractériser les risques d’organismes exposés aux polluants y compris l’Homme.

À cet effet, les biomarqueurs ont été largement développés à partir des années 80 sur poissons, invertébrés, végétaux puis finalement appliqués à des modèles cellulaires humains, pour répondre à ce besoin de caractérisation de la pression chimique sur les milieux et de la mise en évidence de perturbations précoces.