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Troisième partie : ÉTUDE DE CAS

1. La fabrique de Bourg : une assise foncière et communautaire ?

1.1. Les biens de la fabrique

1.1.2. Typologie des parcelles

63 En particulier pour les comptes de fabrique de Soulaire et Gée.

Les terres et biens immeubles de la fabrique de Bourg sont divisés entre des pièces de terres, de prés, de vignes et des maisons. Nous avons pu relever un total de 39 biens répartis comme tel :

Graphique 1 : Répartition des biens de la fabrique de Bourg 1449-1451.

81,6% des biens de la fabrique de Bourg sont constitués de terres cultivables, labourables ou de pâturages. La vocation agricole de la campagne angevine nous apparaît ici très clairement et ne constitue pas en soi un sujet d’étonnement. Nous avons donc choisi de baser notre analyse sur l’aspect qualitatif de ces parcelles en essayant de dresser un portrait typologique de ces terres.

Nous avons tout d’abord observé l’ambigüité qui existe dans ce livre de compte en ce qui concerne la différenciation des parcelles de terres et de prés. Pour ce commentaire nous avons choisi de faire intervenir une distinction entre agriculture et élevage mais les indices concernant l’exploitation agricole des concessions sont épars. Au chapitre des recettes, les procureurs mentionnent la vente de trois « bouesseaux » de seigle issus du journal de terre de Robert le Moulnier64 ainsi que la vente d’un demi cuir de vache, de son suif et de son beurre,

« laquelle fut achatée pour les precedens comptes et pour le residu de la viande »65. Les sources attestent donc la présence d’une exploitation céréalière et bovine mais celle-ci paraît être faible. Le rendement des terres de la fabrique est-il insuffisants pour subvenir à ses besoins ? Privilégie-t-on d’autres cultures ?

Nous pouvons quoiqu’il en soit observer un équilibre dans le système agro-pastoral de Bourg. Dans le Nord de l’Anjou à la fin du Moyen Age, la diversité des productions alimentaires est une nécessité pour subvenir aux besoins des hommes et des bestiaux, bien que l’élevage ait été subordonné aux productions céréalières. Le cheptel bovin est en particulier l’instrument de labour et la force de travail la plus courante et la plus recherchée. Il permet également de fournir le lait, la viande et les fertilisants pour les terres. De plus, pourvoir à la nourriture du bétail marque également la distribution et la composition des parcelles. L’ambigüité des

64 F°6 « Item, pour la vendicion de troys bouesseaux de seigle qui fut cueilli en la terre de Montogis, laquelle esté baillée à rente à Robert le Moulnier ».

65 F°6 «Item, pour la vendicion de demy cuire de vache laquelle fut achatée pour les precedens comptes et pour le residu de la viande ».

appellations terres/prés réside aussi dans le fait que la plupart des terrains céréaliers servaient également, à un moment donné de pâture pour les bêtes. Selon M. Le Mené, de 8% à 15% des tenures étaient ainsi laissées en prairie66. On parlerait bien d’une dépendance de l’élevage à l’agriculture et non pas de carence, d’autant plus que le bétail représentait un investissement non négligeable. Selon les comptes de la paroisse de Bourg, une seule vache aurait suffit à faire vendre du beurre, de la viande, du cuir et du suif. Les paroissiens tiraient donc profit du moindre produit de l’animal. Cependant, si les placements dans l’élevage étaient à ce point fructueux, il y en aurait eu davantage : l’insuffisance de la production bovine et de sa commercialisation représentent un frein à son développement et son abandon au profit de l’agriculture.

Les principales cultures céréalières de l’Anjou à la fin du Moyen Age résident dans le froment, le seigle et l’orge. La géographie et la nature des sols jouent un rôle primordial dans la répartition des productions.

Celle-ci s’effectue entre les sols argileux du Nord de l’Anjou et les sols calcaires situés près de la Loire, dans la Vallée. La paroisse de Bourg appartient à cette première catégorie, caractérisée par des terres moins fertiles où la culture du seigle prédomine, suivie de l’avoine et du froment. La production de Robert le Moulnier contribue à étayer cette analyse toutefois assez péjorative. En effet il existerait un décalage entre la production céréalière de Bourg et celle de l’Anjou, la plus recherchée, basée sur le froment.

Le graphique précédent permet d’affirmer que la suprématie de la vigne n’est pas nettement mise en avant à Bourg lors des années 1449-1451 : 43,6% de parcelles de vignes face à 38,5% de terres. Comment expliquer ce faible écart alors que les paroisses de Soulaire et Bourg sont reconnues pour le rendement et la grandeur de leurs productions ? L’implantation de vignes tient autant du facteur géographique qu’aux conditions historiques de son exploitation économique67. La culture du vin en Anjou profite de conditions favorables à son développement : la région est en effet ouverte aux autres provinces par un réseau hydrographique dense, elle profite d’un passé antique prestigieux, d’un climat adéquat68 et d’une attention toute particulière portée à son développement par les établissements ecclésiastiques du terroir69. Le vin est la deuxième grande culture de l’Anjou après le blé. L’ère viticole de la région s’est développée tout au long des XIIIe et XIVe siècles, depuis l’essor des campagnes jusqu’aux premiers signes d’affaiblissement dus à la concurrence, à la guerre, aux épidémies et à la dépression économique. Les années 1450-1475 marquent un retour au calme et l’entame d’une nouvelle vague de plantation, de la hausse des rendements et de la commercialisation du vin. Les comptes de la fabrique de Bourg font état de ce relèvement ; (f°2v°) « quatre quartiers de vigne et terre gasté, à présent est en plante » ou encore (f°8v°) « pour plante achatée de Perrin Bachelier pour planter esdites vignes ou gast de Testart ». Jusqu’au milieu du XVe siècle il semblerait que les parcelles de vignes dans la paroisse ont été moins nombreuses du fait du contexte politique, économique et social de la période. Face à la réduction de l’offre et de la demande vinicole, la reconversion des terrains a paru nécessaire aux tenanciers de la fabrique, ce qui expliquerait le faible décalage entre les terres agricoles et viticoles.

66 M. LE MENÉ, Les campagnes angevines à la fin du Moyen Âge (v. 1350 – v. 1530), Étude économique, Nantes, Cid éditions, 1982, p. 323.

67 M. LE MENÉ, Ibid, p. 59

68 Les conditions climatiques favorables aux vignes sont : des vents tièdes, une homothermie, des pluies en automne et au printemps mais également un ensoleillement estival.

69 J-M. MATZ, « Viticulture, vin et société en Anjou à la fin du Moyen Age », Archives d’Anjou, Association des Amis d’Archives d’Anjou, 2010, n° 14, p. 7-25.